Entrer dans la chambre d’une jeune femme, la séduire, la peloter, la déshabiller et avoir des relations sexuelles avec elle. Votre excitation est bien réelle et pourtant : il n’y a personne devant vous et vous n’êtes pas dans cette pièce. Le casque que vous portez vous en donne seulement l’impression. Bienvenue dans le monde de la pornographie en réalité virtuelle.
Une technologie basée sur la vue, mais qui peut disposer également de capteurs de sons, et bientôt de goûts et d’odeurs pour simuler au mieux l’acte.Certains utilisateurs se servent également d’une poupée gonflable pour établir une sensation de continuité entre la vue et le toucher. Un outil « nécessaire lorsqu’on interagit avec le personnage afin de ‘’donner chair’’ aux expériences sexuelles en immersion » précise Agnès Giard, anthropologue à l’Université de Paris Nanterre et auteure du livre ‘’Un Désir d’humain, les love doll au Japon’’.
Si elle affirme qu’il existe déjà une dizaine de compagnies japonaises spécialisées dans la production de ce type de jeux pour adultes, le phénomène y reste pour l’instant circonscrit. « La vente des casques a explosé, mais on attend le contenu qui permettrait de s’en servir. Nul doute qu’en ce moment, beaucoup de compagnies spécialisées planchent sur ce secteur encore sous-exploité. »
« Il semblerait que nous soyons encore à environ 15-20 ans d’une adoption plus générale de la réalité virtuelle »
Eddy Olivares, cofondateur de Lovense, une société spécialisée dans la commercialisation de sex-toys connectés confirme : « À l’heure actuelle, il semblerait que nous soyons encore à 15-20 ans d’une adoption générale de la réalité virtuelle. »
Il reconnait que la mise en vente en 2015 des premiers jouets sexuels synchronisables avec de la pornographie en réalité virtuelle a d’ores et déjà augmenté de manière conséquente ses ventes. Un succès qui l’a poussé à creuser la question. Depuis, l’entreprise consacre un budget recherche et développement à cette technologie.
Le site Pornhub, l’un des leaders du streaming de vidéo pornographiques dans le monde assure également que 500 000 personnes utilisent déjà quotidiennement la plateforme pour regarder des contenus en réalité virtuelle, pour l’instant surtout destiné aux hommes.
Pour Agnès Giard, la tendance à utiliser la technologie à des fins sexuelles aurait pour point de départ l’accès à la pilule. « La disjonction entre ’’production d’enfants’’ et ’’production de plaisir’’ a généré une véritable course à l’orgasme, dopée par un afflux croissant de produits censés ‘’maximiser’’ l’accès au plaisir. Les jouets connectés participent de cette idéologie qui a institué l’orgasme en garant du bien-être, de l’épanouissement individuel voire de l’équilibre social. »
Mais alors, le sexe entre humains sera-t-il bientôt dépassé ? « Il serait abusif d’assimiler la multiplication des outils numériques à une perte d’humanité », répond l’anthropologue. Et d’ajouter : « Mais il serait tout aussi abusif de s’enthousiasmer face à cette prolifération de gadgets censés ‘’optimiser’’ les relations humaines ». La chercheuse rappelle qu’il s’agit avant tout de masturbation. « Peu importe que l’on utilise un film porno, son imagination, un livre ou des lunettes en 3D… La masturbation présente-t-elle des risques ? »
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