Ping-Pong. L’éventuelle primaire à gauche, le plan d’urgence pour l’emploi et la proposition d’un sénateur de supprimer les amendes des excès de vitesse inférieurs à 10km/h au-dessus de la limite, ont inspiré nos invités du jour : Pierre Esplugas-Labatut, Emmanuel Grard et Michel Montagne. Chacun analysant l’actualité sous un prisme différent, ce qui n’empêche pas les avis de converger.
Par Séverine Sarrat et Coralie Bombail
Matinaux, nos invités ont les idées claires dès le petit-déjeuner. On entame la conversation sur un sujet qui a secoué le milieu politique en ce début de semaine : l’appel pour une primaire à gauche en vue de 2017, lancé par un collectif de personnalités dans Libération. Sur ce thème, l’élu Républicain Pierre Esplugas-Labatut, s’exprime sans détour : « J’ai une double crainte sur cette idée, car on voit qu’elle est émise par des personnes qui sont très à gauche par rapport à François Hollande et qui veulent contester son leadership ; je pense également qu’il y a une volonté de parasiter la primaire de la droite et du centre en accaparant l’attention médiatique. » Pour Emmanuel Grard, cela traduit « très clairement une défiance envers le président. Il y a une incertitude sur sa position au moment des élections : est-ce qu’il va sortir affaibli de son mandat à cause notamment de la problématique de l’emploi ? Est-ce qu’il va y avoir de nouveaux attentats pour lui donner une caution supplémentaire auprès des citoyens ? » Dans l’histoire de la Ve République, « jamais un président sortant n’a été contesté, c’est du jamais vu », poursuit-il.
Pierre Esplugas-Labatut : « Que ce soit dit, cette primaire ne verra jamais le jour, c’est un faux débat. Contrairement à la primaire à droite, au cours de laquelle je pense, nous élirons le prochain président de la République. »
Emmanuel Grard : « Chacun joue actuellement son poste de ministre en cas de victoire de François Hollande en 2017. Mais on ne sait pas de quoi demain sera fait, le PS a bien organisé un référendum à l’emporte-pièce (pour l’union de la gauche aux élections régionales NDLR), il pourrait bien organiser des primaires ! »
Pierre Esplugas-Labatut : « Ce sont des généralités, on sait de quoi demain sera fait. François Hollande sera candidat »
Michel Montagne : « S’il ne se représente pas, ce sera au moins une promesse tenue puisqu’il ne devait être candidat qu’en cas d’inversion de la courbe du chômage… »
Emmanuel Grard : « Effectivement, mais il suffit de former 500 000 chômeurs pour faire baisser le chômage »
« Chacun joue actuellement son poste de ministre en cas de victoire de F. Hollande. » Emmanuel Grard
De manière générale, Michel Montagne, qui représente le Mouvement associatif sur la grande région, regrette que « le choix de la personne passe avant les discussions sur le fond. C’est une erreur politique, car on doit rassembler sur un projet. » Une analyse qui « se discute », selon Pierre Esplugas-Labatut, « car on assiste à une personnalisation du pouvoir dans toutes les démocraties du monde, c’est un fait ». L’échange se poursuit naturellement sur le ‘‘plan d’urgence pour l’emploi’’ annoncé par François Hollande, lors de ses vœux pour 2016. Vœu pieux ou réelle avancée ? Michel Montagne plaide l’invention d’un nouveau modèle : « Il faut imaginer un nouveau parcours de vie, avec des temps de formations, des temps de travail, des temps de contributions au service civique ou d’engagement pour une cause sociale et solidaire », détaille-t-il, dans un souci « de situer autrement le travail dans la vie de l’individu. » Chef d’entreprise et président régional des Dirigeants commerciaux de France, Emmanuel Grard, poursuit en ce sens : « Il faut mettre en place des parcours professionnels de vie, car on vit une révolution de société à tous les niveaux ; les emplois d’aujourd’hui vont évoluer, disparaitre, il faut sans cesse s’adapter aux nouveaux outils technologiques, il faut préparer les gens à changer plusieurs fois de métier dans une vie… Et cela dès l’école. » Sur le plan à proprement parler, Pierre Esplugas-Labatut se « méfie de ce genre de plan d’urgence, qui est souvent en trompe-l’œil. » Il estime qu’en matière d’emplois, « on attend trop de l’État, alors que ce sont les entreprises qui embauchent » tout en pensant que certaines mesures proposées par le gouvernement relèvent « du bon sens, comme le plafonnement des indemnités de licenciement ».
« Le problème en France est que les syndicats sont trop politisés, dogmatiques. » Pierre Esplugas-Labatut
Pour Michel Montagne, certains dispositifs publics, « même au niveau des collectivités locales », peuvent permettre « d’accompagner des nouveaux projets, notamment dans l’économie sociale et solidaire, il y a aujourd’hui une nouvelle économie porteuse d’emplois et la puissance publique peut créer les conditions pour amorcer les choses. » Le chef d’entreprise Emmanuel Grard apporte une nuance : « Il faut aider les entreprises qui ont du potentiel, la perfusion ne sert à rien. On n’est pas dans un État providence, l’État est un investisseur pour les activités qui peuvent être rentables. » Il plaide plus largement, pour une flexibilité du monde du travail « qui permette de vivre au rythme de l’entreprise, quand elle progresse, les salariés doivent progresser avec elle, et à l’inverse, quand elle est en perte, les salariés doivent s’adapter. » Une réforme du Code du travail est-elle envisageable ? « Le problème en France est que les syndicats sont trop politisés, dogmatiques », regrette Pierre Esplugas-Labatut, « les syndicats de salariés sont très à gauche et le Medef se radicalise, ce rapport de force politique est nuisible à l’intérêt général. »
Avant de libérer nos trois débatteurs, nous abordons un dernier sujet : la proposition du sénateur Alain Fouché de supprimer les amendes pour excès de vitesse au-dessous de 10km/h de la vitesse maximale autorisée. « C’est révélateur de la manière dont on fait les lois, dans notre pays, lobby contre lobby », réagit en premier Pierre Esplugas-Labatut, « cette proposition est dictée par l’association 40 millions d’automobilistes, mais elle ne passera pas, car elle devra affronter le lobby de la sécurité routière. » Sur le fond, il trouve tout de même cette mesure positive « car le principe fondamental de proportionnalité des peines n’est pas respecté en matière de sécurité routière, par exemple, un vol à l’arraché sera certainement classé sans suite alors que c’est plus grave que de rouler à 55 km/h en ville. » Il est par conséquent favorable « à tout ce qui peut alléger les délits routiers ». Une position qui semble faire l’unanimité. « Cette sévérité est pénalisante pour ceux qui ont le plus besoin de leur voiture, les commerciaux par exemple sont toujours sur la route, et cela entraine des comportements déviants comme les trafics de point », surenchérit Emmanuel Grard, président régional des Dirigeants commerciaux de France. La proposition de loi ne s’attaque pas à la perte de points « pourtant cela pose davantage problème que l’amende », soulève Michel Montagne, « les sanctions sont disproportionnées, mais le sujet est complexe, car les associations soulèvent que la proportion des accidents survenus à une vitesse inférieure à 10km/h de la limitation autorisée est passée de 16% en 2001 à 40% en 2010 », précise-t-il. Comme le souligne Pierre Esplugas-Labatut, ce projet restera certainement « lettre morte ». Le débat reste néanmoins ouvert sur la question.
Mini Bios :
Pierre Esplugas-Labatut : Professeur de droit public à l’université Toulouse 1 Capitole, Pierre Esplugas-Labatut est adjoint au maire de Toulouse en charge des musées et de l’art contemporain. Il par ailleurs porte-parole des Républicains 31 et référent local d’Alain Juppé en vue de la primaire de la droite et du centre pour 2017.
Emmanuel Grard : Président Midi-Pyrénées de l’association Dirigeants commerciaux de France, et vice-président national, Emmanuel Grard a pour mission de représenter la fonction commerciale à tous les niveaux. Il est également conseiller de la CRCI (Chambre régionale de commerce et d’industrie) sur les questions internationales et membre du conseil d’administration de l’association Promotion Recherche Santé Innovation.
Michel Montagne : Délégué régional du Mouvement associatif en Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées, Michel Montagne milite pour tous les secteurs de la vie associative. Ce mouvement a pour objectif de mettre en réseau les associations afin de défendre leurs intérêts auprès de la puissance publique notamment.
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