Interrogations. Le Journal Toulousain a cueilli Eric Lacassagne, Jean Iglésis et David Berty, aux premières lueurs du jour pour commenter l’actualité nationale du moment. De la réforme du code du Travail au mea culpa littéraire de Nicolas Sarkozy, en passant par la situation préoccupante à Calais, nos invités résument le climat ambiant : tendu.
Par Coralie Bombail et Séverine Sarrat
Rien de tel pour entamer la journée qu’un débat autour d’un petit-déjeuner. Nos trois invités du jour se mettent à l’aise et nous constatons rapidement que Toulouse est un petit village. Pour preuve, David Berty, Eric Lacassagne et Jean Iglesis ont un point commun, le rugby, ou plus précisément le Stade Toulousain. Le premier est l’ancien ailier international des Rouge et Noir, le père du deuxième était vice-président du club sous l’ère Jacques Fabre et le dernier a évolué en Junior sous le maillot toulousain. Il n’en fallait pas moins pour que la discussion dévie sur le rugby, avant que les trois aficionados ne soient rappelés vers les sujets qui nous réunissent, à commencer par la remise au gouvernement du rapport Badinter sur le Code du travail et la volonté de Manuel Valls de déverrouiller les 35 heures. « Il semblerait que l’on s’achemine vers une uniformisation puisqu’il est préconisé que la durée légale reste à 35h, mais que le seuil de majoration des heures supplémentaires soit ramené à 10% », explique Eric Lacassagne, confessant tout de même que les 35h ne sont pas le réel problème, qu’il vaudrait mieux focaliser les réflexions sur le coût salarial au travers des charges sociales. Avis partagé par Jean Iglésis qui estime que les 35h sont à la réforme du travail ce que la déchéance de la nationalité est au terrorisme, « l’arbre qui cache la forêt ! » Les deux avocats demandent une modernisation du marché du travail. « N. Sarkozy avait tenté de l’amorcer avec la TVA sociale, mais il n’a pas été au bout », regrette le président de l’UDI 31.
« Les conditions de travail sont également en cause » Eric Lacassagne
Pour résumer la pensée collective, les 35h sont financées par l’État, mais elles ne créent pas d’emploi ; il serait si simple d’y inclure de la flexibilité. Car, « travailler 35 ou 39h, au fond, il n’y a pas grande différence, du moins, lorsque le travail effectué n’est pas pénible. Toutefois, je comprends que les salariés dont le métier est difficile comptent leurs heures. Il faudrait peut-être penser à un code du travail à la carte ? » s’interroge l’ancien stadiste. Effectivement, Eric Lacassagne, concède que « les conditions de travail sont également en cause »… « De même que les salaires », renchérit Jean Iglesis, « Si l’on basculait une fraction des charges sociales sur les salaires nets, cela changerait tout ! Un salarié au SMIC toucherait 2 à 300€ de plus, ce qui relancerait du coup la consommation et donc l’économie ! » Alors, au vu des multiples tentatives vaines des majorités présidentielles précédentes, la gauche fait-elle preuve de courage en prenant cette réforme du Code du travail à bras le corps ? Pour Jean Iglésis, c’est certain, « mais s’ils empilent encore des textes sur des textes, cela ne servira qu’à tendre les rapports sociaux déjà très compliqués !»
Une tension palpable également à Calais pour un tout autre sujet, celui des migrants. Les habitants de la ville commencent à crier leur inquiétude face à des réfugiés qu’ils jugent de plus en véhéments. « C’est une véritable poudrière qui peut exploser n’importe quand », s’exclame David Berty qui se positionne en faveur d’une fermeture des frontières « pour le bien des migrants et le nôtre ! » Il estime que cela éviterait qu’ils soient « parqués dans des champs de boue en lieu et place de l’accueil qu’on leur a promis et que les Calaisiens subissent une situation qu’ils n’ont pas voulue. » Jean Iglesis nous fait alors part d’une de ses lectures, “Le Camp des Saints” de Jean Raspail. Dans ce dernier, l’auteur relate l’envahissement en bateau de l’Occident par le Tiers-Monde. « Un livre prémonitoire où Raspail décrit le manque de réaction des politiques face à ce phénomène », précise le président de l’UDI 31. Ici, la capacité d’action des politiques est clairement mise en cause par nos invités, Jean Iglesis visant plus particulièrement la strate européenne : « Frontex (police européenne aux frontières), voire l’Europe dans son ensemble, ne fait pas son boulot et c’est comme ça que l’Europe mourra ! »
« Les études démontrent que l’immigration maîtrisée est une chance ! » Jean Iglesis
Il rappelle qu’il ne s’agit pas de créer des camps de concentration aux frontières, mais des endroits où les migrants pourraient trouver un toit, de quoi manger… en attendant qu’ils soient accueillis dans les pays européens ou qu’ils puissent rentrer chez eux une fois la guerre finie. Pour nos trois comparses d’un jour, il faudrait penser à un dispositif permettant de positiver cet afflux massif, car comme la rappelle Jean Iglesis, « les études économiques démontrent que l’immigration maîtrisée est une chance ! » Mais celui qui ose poser des mots définitifs reste l’ancien rugbyman professionnel : « Nous n’avancerons pas tant que les politiques penseront plus à leur potentielle réélection qu’à résoudre le problème dans un intérêt général ! »
C’est peut-être ce qu’a Nicolas Sarkozy en tête, en sortant son ouvrage “La France pour la vie”. « C’est pathétique ! » est le premier commentaire venant de la bouche de Jean Iglesis, « pendant que le Titanic coule, l’orchestre continue de jouer ! » Plus éloigné de la politique que ses deux autres voisins de table, David Berty pose un regard profane, mais apprécié : « Ce n’est pas digne d’un président de la République qui est sensé assumer ses choix et ses dires et non s’excuser pour ce qu’il a pu faire ou dire ! Il dit avoir désacralisé l’image de la fonction… et il continue à le faire ! » Le moins que l’on puisse dire est que ce livre ne fait pas l’unanimité chez nos invités, puisqu’Eric Lacassagne relate « l’empreinte qu’ont laissé les présidents bâtisseurs ayant précédés Sarkozy. Et lui, qu’a-t-il fait ? Un livre dont tout le monde se fiche ! » Pour lui, c’est une erreur de communication. Et pour qualifier l’ancien président, Jean Iglesis n’est pas tendre : « Sarkozy est un tigre de papier qui a annoncé un programme dont il n’a concrétisé aucune mesure. Je vous garantis que l’homme politique qui fera ce qu’il dit marquera des points ! » Mais Eric Lacassagne constate que ceux qui s’y sont risqués n’ont jamais été élus, et David Berty de conclure le débat en s’interrogeant : « la sincérité et la droiture sont-ils payants en politique ? » Nous vous laissons méditer.
Mini-bios :
Jean Iglesis : Président de l’UDI 31 depuis deux ans et demi, il dit avoir commencé « sérieusement » la politique lors de son adhésion à l’Union des Démocrates et Indépendants. Mais ses premiers pas en politique, il les a faits avec le Parti radical en 1992. « Je ne vis pas de la politique, car je n’ai pas de mandat », tient-il à préciser, et exerce donc sa profession d’avocat.
Eric Lacassagne : Avocat depuis 1994, il fonde et prend la présidence du think tank Génération Cap Toulouse il y a un an. Il y mène des réflexions concernant Toulouse Métropole, tant en matière de transports que d’éducation ou de culture. Aujourd’hui loin de la politique, il a été un temps engagé auprès du Parti radical de gauche.
David Berty : Aujourd’hui salarié d’une banque, il est plus connu pour son palmarès rugbystique en tant qu’ancien ailier international du Stade Toulousain. Il est également engagé dans le milieu associatif où il est le parrain de SEP ensemble, organisme visant à sensibiliser à la sclérose en plaques, dont il est lui-même atteint.
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