Grand-écart. De Donald Trump au droit des femmes, nos invités de la semaine ont décrypté l’actualité du moment, sans concession. L’écrivain Pascal Dessaint, la chef d’entreprise Dominique Escafit-Cola et l’élu Laurent Laurier (UDI) se sont prêtés au jeu du débat du JT. Compte-rendu.
Par Séverine Sarrat et Coralie Bombail
À peine les cafés servis, le premier sujet délie les langues : Nicolas Sarkozy s’inspire-t-il de Donald Trump dans sa campagne des primaires ? L’ancien président qui se pose en ‘‘candidat’’ du peuple contre un celui du ‘‘système’’ (Alain Juppé), n’hésite pas à regarder outre-Atlantique la percée du milliardaire Donald Trump dans l’opinion… Un sujet qui dérange nos trois débatteurs, mais pour des raisons différentes. « On devrait interdire de parler des présidentielles avant les trois mois précédant le scrutin », avance Pascal Dessaint, lassé que le pays soit « en campagne permanente depuis le quinquennat ». « Je n’ai pas envie de parler de Nicolas Sarkozy, il faut rappeler que le peuple ne l’a pas élu aux dernières élections et que l’abstention est de plus en plus élevée », note quant à elle Dominique Escafit-Cola. Seul élu autour de la table, Laurent Laurier défend tout de même l’importance des primaires à droite : « L’élection du futur président sera un enjeu capital, et la préparation à cette échéance doit être longue », argumente-t-il, « cela donne l’occasion de découvrir qui sont les personnes qui prétendent au poste, de voir ce que vaut un Juppé ou un Sarkozy. » Pour les autres invités, c’est inutile : « On les connait déjà », clament-ils en chœur. Quant à la comparaison avec Donald Trump, ils restent perplexes : « Nicolas Sarkozy essaye de revenir à quelque chose de plus intellectuel », note Laurent Laurier, qui ne peut s’empêcher une remarque sur François Hollande : « Quand il a annoncé que son ennemi était la finance, c’était aussi bête que de dire ‘’les mexicains dehors !’’ » Pascal Dessaint note que Nicolas Sarkozy « s’est radouci et il n’est pas milliardaire… mais Trump est rejeté comme Sarkozy.» Tout le monde semble s’accorder sur « le rejet de la politique » parmi les citoyens, au grand regret de Laurent Laurier qui croit tout de même que « Nicolas Sarkozy dit ce qu’il va faire et fera ce qu’il dit, à la différence de Donald Trump ».
« Nicolas Sarkozy dit ce qu’il va faire et fera ce qu’il dit, à la différence de Donald Trump » Laurent Laurier
Une déclaration qui ne convainc guère Dominique Escafit-Cola : « Entre ce que les politiques promettent et ce qu’il est possible de faire, il y a un décalage, le défaut des candidats est souvent de ne pas connaître les sujets à fond. » L’auteur toulousain « aimerait y croire », mais « ce qui se prépare pour 2017 sent pas bon, entre le FN qui la joue discret pour se racheter une virginité, la démarche de Nicolas Sarkozy qui n’est pas satisfaisante et le PS qui se droitise… » Sur ce dernier point, Laurent Laurier constate également « un glissement général des discours », mais préfère parler de « montée des populismes et non de droitisation qui n’est pas en soi négative ». Les discours clivants ont-ils davantage de succès, comme l’a fait remarquer Nicolas Sarkozy ? « On a du mal à être écouté quand on tient des propos raisonnables, tandis que les discours ‘‘à la Trump’’ fonctionnent », répond l’élu UDI, qui est rejoint par Dominique Escafit-Cola : « Les candidats réalistes sont souvent moins convaincants. » Sur ce constat, nous passons au deuxième sujet à l’ordre du jour : François Hollande qui remet la Légion d’honneur au prince héritier d’Arabie Saoudite. Malgré la discrétion de l’Élysée quant à cette récompense, les critiques ont été nombreuses notamment sur les réseaux sociaux, mais aussi à la table de notre petit-déjeuner débat. « C’est choquant ! On est tombé bien bas », regrette Pascal Dessaint, « on parle actuellement des droits de la femme et on oublie que ce pays lapide des femmes et décapite à tout va ! » Laurent Laurier relève « qu’une fois de plus, François Hollande fait les choses en cachette ; c’est à l’image de de son bilan, il annonce des mesures et fait le contraire en sous-main… » Mais l’élu columérin nuance ses propos : « Le prince héritier a une fonction particulière, on peut supposer qu’il nous a aidés dans la lutte contre le terrorisme, car on sait qu’il existe une coopération entre nos deux pays. De là à lui remettre la Légion d’honneur… » Le romancier réagit : « Admettons que ce soit la raison, qu’on nous l’explique. Et s’il y a des gens à remercier, attendons au moins la fin de la bataille. Là, ça fait désordre. »
« Il faudrait être intransigeant, on ne pactise pas avec le diable » Pascal Dessaint
Les relations commerciales et diplomatiques avec les pays dictatoriaux relancent toujours la polémique dans les médias : « Il faudrait être intransigeant, on ne pactise pas avec le diable », lance Pascal Dessaint, intransigeant, « il y a ceux avec qui on peut commercer et d’autres pas, on pourrait être un peu plus ferme avec la Chine par exemple ». Laurent Laurier nuance ces propos : « Il ne faut pas tomber dans le colonialisme, chacun peut défendre ses idées, ce qui n’empêche pas de travailler ensemble. » Avant de quitter nos invités, nous passons au dernier sujet : la journée internationale des droits de la femme, célébrée mardi dernier. Un rendez-vous toujours utile ? « Tant que les droits de la femme ne seront pas reconnus partout dans le monde, nous serons obligés de remettre le sujet sur le tapis », remarque la chef d’entreprise, « cette journée reste un temps de réflexion nécessaire, même si les médias en parlent de manière légère », note-t-elle. Les médias, mais aussi les grandes marques qui ont saisi l’occasion d’ériger le 8 mars en fête marketing. Pour Laurent Laurier, la question est ailleurs : « Est-ce qu’on a besoin d’aligner le droit de la femme sur celui de l’homme ? Aujourd’hui juridiquement, il n’y a pas d’inégalités. » Pourtant, les différences salariales sont souvent pointées du doigt : « Elles sont calculées à partir de moyennes, il y a différents facteurs qui peuvent expliquer l’écart de salaire entre hommes et femmes, mais la grande majorité des entreprises respectent l’égalité des salaires », poursuit l’élu, qui reconnait néanmoins qu’il existe toujours « un retard quand on regarde la place des femmes dans l’entreprise, mais aussi en politique, mais que faut-il faire, imposer la parité ? » « Mettre en place des quotas, c’est idiot, on n’est plus à égalité du coup », répond Dominique Escafit-Cola. L’élu prend pour exemple les conseils départementaux où la parité s’est imposée (avec la candidature de binôme homme-femme sur chaque canton) aux dernières élections : « Il existe aujourd’hui une parité parfaite, mais les vice-présidents sont majoritairement des hommes, ça reste un club de machos », dénonce-t-il. Malgré ces mesures volontaristes, sur la parité, Dominique Escafit-Cola garde l’impression que « la situation stagne pour les femmes en France ». Pascal Dessaint va plus loin : « C’est une journée internationale et on voit bien que les droits des femmes régressent au niveau mondial ». Alors, comment faire avancer la cause ? « Il faut que les femmes prennent leur destin en main, c’est l’une des clés pour progresser », propose Laurent Laurier. « Chacun à son niveau peut faire avancer les choses, je fais partie du de l’association 100 000 entrepreneurs et j’interviens à ce titre dans les écoles. Pour les filles, cela montre qu’on peut y arriver », témoigne la chef d’entreprise. Une note d’optimisme et d’espoir pour clore cette rencontre.
Mini bios
Laurent Laurier : Elu au conseil municipal de Colomiers depuis 2008, au sein de l’opposition, Laurent Laurier est engagé dans le parti Nouveau centre (une des composantes de l’UDI). Il est par ailleurs directeur d’exploitation d’une PME basée à Plaisance-du-Touch.
Pascal Dessaint : Écrivain, auteur de polars, de romans noirs « à tendance vert », Pascal Dessaint est un amoureux de la nature. En décembre dernier, il s’est d’ailleurs engagé politiquement aux côtés de l’écologiste Gérard Onesta dans le cadre des élections régionales. Son dernier roman ‘‘Le chemin s’arrêtera là’’ (édition Rivages) vient de sortir en format poche.
Dominique Escafit-Cola : Née à Toulouse, Dominique Escafit-Cola a créé une agence de communication dans la ville rose il y a 16 ans. Aujourd’hui, elle se lance dans un nouveau défi en lançant un centre de formation en orthographe à destination des entreprises, des demandeurs d’emploi, des cadres… Ce centre, partenaire du projet Voltaire, a démarré son activité l’an dernier.
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