Courtoisie. En ce lendemain du premier tour des élections départementales nous avions réuni Philippe Goirand, Emmanuel Quéritet et Raphaël Agosti pour débattre bien sûr d’un sujet politique qui s’imposait mais aussi du premier essai de circulation alternée pour pallier les pics de pollution parisiens et de la volonté de plusieurs salariés de Charlie Hebdo de s’impliquer d’avantage dans la vie de leur entreprise…
Par Aurélie Renne et Séverine Sarrat
« J’ai voté, je vote toujours. La démocratie ne s’use que si l’on ne vote pas ! » Les dés étaient jetés. Le sujet inévitable des élections départementales a clairement mis nos invités en appétit. Quant à Raphaël, il avoue avoir voté blanc, mais aimerait que celui-ci « soit comptabilisé ». Un sentiment que partage Philippe Goirand, qui se présente comme « fervent défenseur du vote obligatoire, de la comptabilisation du vote blanc et pourquoi pas du vote en semaine ? » Le débat se tourne rapidement sur la question de l’abstention, avec 48,6% pour ce premier tour. Un taux terrible qui reste néanmoins meilleur que celui des dernières cantonales de 2011 (55,7%) ou des élections européennes de mai dernier (57,5%) :
-Philippe : Les politiques se polarisent sur des sujets qui ne font pas partie du quotidien des gens…
-Raphaël : Quand je vois comment les hommes politiques ont réagi aux premiers résultats, je comprends le désintérêt des citoyens…ça me fait penser au rugby : « on a pris une branlée mais on a quand même mis 5 essais !! 26% pour le FN merde, il ne s’agit plus de fanfaronner là !
-Emmanuel : De toute manière, c’est un scrutin totalement surréaliste car on ne connaît encore rien des compétences du futur département et on se retrouve à voter pour des élections qui vont avoir un impact mais on ne sait pas encore lequel ! Quant aux abstentionnistes, je ne les blâme pas mais moi je n’y arrive pas… les gens qui disent « tous pourris » j’ai envie de leur dire de s’engager pour proposer mieux…
Philippe : C’est sûr que là on est face à un gouvernement qui attend de voir les résultats des élections pour statuer sur les compétences territoriales. À mon avis, ils s’attendaient à une claque plus importante pour pouvoir démanteler les départements !
Raphaël : L’intérêt national passe-t-il vraiment avant leur propre intérêt ? Qui est là-haut pour la France qui l’est pour lui ?
« Politique et rugby même combat : on a pris une branlée mais on fanfaronne pour 5 essais ! »
Impossible d’évoquer ces élections sans parler du score du FN bien sûr , Emmanuel souhaite mettre en valeur le fait que les scores augmentent à mesure qu’on s’éloigne de l’hyper-centre… Ce à quoi Raphaël rajoute qu’on ne peut plus parler seulement de vote de contestation mais bien de vote d’adhésion. « On consomme de la politique comme le reste : sans regarder les conditions de fabrication », plaisante Philippe pour détendre l’atmosphère. « On ne nomme jamais son ennemi » disait Mitterrand , « or hier on ne parlait que du FN », déplore Raphaël. Ce nouveau fonctionnement par binôme interpelle également nos invités qui ne sont pas forcément d’accord sur le sujet : «je suis contre la discrimination positive, ça restreint les choix » explique Raphaël, face à deux invités plutôt pour ; « Parfois il faut forcer un peu les choses pour évoluer, au début ça pique un peu mais on s’y retrouve », rétorque Emmanuel. Les résultats au niveau local font beaucoup parler en tout cas : « la région a toujours été de gauche, explique Raphaël » et Philippe de critiquer la stratégie Moudenc qui a « souhaité que les maires de quartier soient candidats.. ; le cumul des mandats est un sujet important ! Et c’est une bonne chose que l’idée n’aie pas fonctionné ». Quant aux résultats de dimanche prochain, là les paris vont bon train, tout dépend de la stratégie que vont choisir les partis :
-Emmanuel : Le ni-ni est une posture irresponsable !
-Raphaël : Quelle hypocrisie, ils pensent pouvoir draguer les électeurs du FN et du PS en même temps
Tous s’entendent sur le fait que tirer à boulet rouge sur le FN n’est pas la solution, « Jean-Marie Le Pen a porté le FN pendant des années en jouant simplement de la victimisation », rappelle Raphaël… Philippe se lance dans une analyse : « nous sommes face à un mur technique, ce qui gouverne les relations sociales c’est la montée ou la baisse du chômage, tant qu’on n’aura pas de solution il ne se passera rien… Nous sommes à la fin d’un modèle, une fin extrêmement lente, chacun y est en concurrence et aucune solution alternative n’est réellement envisagée ». Ce sera le mot de la fin. Onglet et merlu débarqués sur la table, nous passons au sujet suivant d’un coup de fourchette : la circulation alternée mise en place à Paris pour pallier les pics de pollution…
« Il faut rebaptiser Ségolène Royal ministre du Renoncement Ecologique ! »
Philippe : C’est du bon sens, ça se fait déjà dans de grandes métropoles, notamment à Londres. Il faut rappeler que 42000 personnes meurent chaque année en France de la pollution au diesel…
-Emmanuel : C’est un problème de santé publique, idem pour les industries agro-alimentaires qui déversent du poison dans nos assiettes. C’est lié à nos modes de vie qu’il faut savoir faire évoluer aujourd’hui, on n’a plus le choix.
C’est le moment qu’a choisi Philippe pour évoquer son écœurement non pas face à l’onglet frites qui fumait devant lui mais par rapport au comportement de Ségolène Royal : « elle est totalement démago à ce sujet, dire qu’on va « appeler les gens à changer de comportement » c’est inutile, les gens attendent des mesures pour ne pas agir seuls ! » Elle a quand même dit « le vélo à Paris c’est très dangereux, il y a trop de voitures ».
Emmanuel : À ce point-là il faut la rebaptiser ministre du Renoncement Ecologique !
Philippe : À ceux que ça intéresse j’ai créé une page facebook « offrons des petites roues à Ségolène » !
Les profiteroles auront eu raison du sujet écolo du jour, on passe sans transition à la situation de Charlie Hebdo qui fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps, à tort ou à raison ? « Il faut prendre cette situation avec des pincettes », modère Emanuel. « C’est toujours la question du pouvoir de l’argent » ajoute Philippe… Une dizaine de salariés demande notamment l’ouverture du capital aux salariés et le statut « d’actionnaires salariés à parts égales ». «Auraient-ils souhaité ça quand la société frôlait la liquidation juste avant les attentats ? » s’interroge Raphaël. Pour Philippe une telle somme doit rester un enjeu sur le long terme, « on peut comprendre les désaccords sur la manière de prendre les décisions ». S’ils s’entendent tous sur le fait que beaucoup aimeraient -par jalousie- que ces millions créent la discorde chez Charlie, nos invités regrettent que l’information devienne ragot « ce n’est pas une brouille mais une discussion, les engagements des uns et des autres sont valables, ils arriveront à se mettre d’accord ». On le leur souhaite en tout cas. Un café vite avalé et chacun retourne vaquer à ses occupations. Bonne semaine !
Mini-bios
Philippe Goirand : formateur en informatique, il développe des propositions de conseils en mobilité durable. Cet ancien élu municipal et communautaire en charge de la politique « vélo » sous l’ère Pierre Cohen, est aujourd’hui adhérent à Nouvelle donne, mais avoue prendre un peu de recul vis-à-vis de la politique.
Emmanuel Queritet : directeur de création et co-gérant de l’agence de marketing et de publicité Happy, ce chef d’entreprise s’engage également dans le monde associatif puisqu’il est aussi président de « 111 des arts », organisme qui organise des expositions d’art contemporain et dont les bénéfices sont reversés pour soutenir les enfants atteints d’un cancer.
Raphaël Agosti : Opticien de formation, le chanteur d’Amoul Solo, groupe toulousain de rock festif, s’est aussi lancé dans des projets solo, notamment la création de sa maison de production Okazoo, en cours de constitution, qui produira des groupes de rock, de gospel et de soul.
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