Dépit. La loi travail, un rapport qui épingle les abus des forces de l’ordre et les noms des futures régions étaient à l’ordre du jour de notre déjeuner débat. Le militant PS François Carbonnel comme le directeur d’entreprise Adrien Vincent ont décortiqué l’actualité brulante.
Par Séverine Sarrat et Coralie Bombail
Les médias en font leurs choux gras, et nous ne pouvions pas esquiver le sujet : nous servons donc la loi travail sur un plateau à nos invités, en guise d’entrée en matière. Alors que la contestation ne faiblit pas, autant chez les syndicats étudiants et salariés que du côté du PS, le gouvernement tente de proposer des adaptations du texte initial. Mais le consensus est loin d’être trouvé. François Carbonnel donne le ton : « Je suis opposé à ce projet à la fois dans son contenu et dans sa méthode », lance le socialiste. Selon lui, la réécriture du texte ne peut pas être une option valable « car il y a un péché originel avec ce texte qui a été réalisé sans consulter au préalable les premiers concernés, les salariés et leurs représentants ». Adrien Vincent le rejoint : « On a l’impression que cette loi n’a pas été bien préparée, que le gouvernement passe son temps à avancer puis à reculer, et au final cède à la pression des manifestations, mais pas sur les points les plus importants. »
Sur le fond, nos deux invités se rejoignent sur le fait qu’il s’agit d’une « loi fourre-tout », qui aurait pu faire l’objet de plusieurs projets distincts. François Carbonnel estime que ce projet « est une maladresse à un an des présidentielles, il est libéral au sens économique du terme au nom de la lutte contre le chômage, mais on ne peut pas utiliser le même outil pour protéger les salariés, donner aux entreprises les moyens pour être plus performantes et lutter contre le chômage ». Pour Adrien Vincent, le problème tient au fait qu’une même loi « s’applique aux grands groupes et aux petites entreprises, car ce sont les PME qui peuvent sauver l’emploi, elles sont les forces vives de notre pays ». Pour l’heure, la majorité des organisations syndicales ne sont pas satisfaites par les ‘‘reculades’’ du gouvernement « et de nombreuses fédérations socialistes ont voté une motion contre ce projet », constate le militant PS. Une situation de blocage qui pourrait aboutir à l’utilisation du 49-3, soit au passage en force à l’Assemblée nationale. « Là, c’est le rétablissement de la royauté ! C’est honteux, on se moque des électeurs », s’emporte directeur de 2 i portage. « Cela fait 50 ans que l’on déconstruit systématiquement l’idéologie de gauche au profit de l’idéologie libérale, le postulat selon lequel une seule politique est possible est dangereux, car les gens voient que cela ne fonctionne pas et se tournent vers un mouvement qui n’ont jamais essayé : le FN », argumente François Carbonnel.
« II faut aider les entreprises avec l’argent généré par les entreprises »
Ce dernier ne conteste pas la nécessité d’une réforme sur le sujet, mais propose une toute autre vision de choses : « II faut aider les entreprises avec l’argent généré par les entreprises, en luttant contre la fraude fiscale et sociale qui est considérable», précise-t-il. Adrien Vincent constate quant à lui qu’un « vrai débat sur le CDI et le contrat de travail n’a pas été engagé, un jeune qui finit ses études n’a pas pour ambition de rester 40 ans dans la même boîte », avance-t-il, « il faut aider à entreprendre, l’auto entreprise est une bonne chose, mais la limite du chiffre d’affaires de 32 000 euros par an est sans cesse contourner, ce statut doit être revu, car il n’a pas vocation à durer ». Peut-être l’objet d’une future loi… En attendant, nous passons au deuxième thème du jour : le rapport de l’ONG française ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) qui dénonce les violences policières et le risque d’impunité dans les forces de l’ordre. Un sujet qui parle à Adrien Vincent, qui a passé son concours d’entrée à la police et a exercé ce métier quelque temps avant de se tourner vers le monde de l’industrie : « Ce rapport est juste, mais instrumentalisé, car on ne donne pas les moyens aux policiers et aux gendarmes de faire leur travail, bien sûr il y a des brebis galeuses, mais c’est une minorité », estime-t-il. Alors que le prolongement de l’état d’urgence crée le débat en France, cette étude tombe à point nommé : « Si supprimer les horaires légaux de perquisition permet d’arrêter plus de voyous, ça ne me dérange pas, mais qu’il faille attendre l’état d’urgence pour pouvoir résoudre des affaires prouve qu’il y a un problème à la base », défend Adrien Vincent. Pour François Carbonnel, « les erreurs dans les perquisitions menées sont choquantes, il faut garder la règle de ne pas intervenir avant 6h du matin et le juge décide d’y déroger quand c’est opportun ». Il dénonce tout de même « double politique du chiffre : l’État supprime des postes de fonctionnaires à tour de bras, donc la quantité de travail augmente et le temps de service aussi ; puis il y a les objectifs du nombre de résolutions d’affaires qui a un effet pervers, car il est plus facile de résoudre des petits trafics pour gonfler les chiffres que de passer des moins à faire tomber un gros réseau de malfaiteur ». Le manque de personnel est pointé comme principal problème par nos deux invités. « Il est difficile de créer des postes de fonctionnaires alors que Bruxelles nous impose des contraintes sur la masse salariale de la fonction publique, mais ce n’est pas pour ça qu’il faut davantage armer les forces de l’ordre ni même les vigiles à l’entrée des boites de nuit », considère François Carbonnel, qui est rejoint sur ce sujet par son contradicteur.
« On ne parle jamais des policiers qui partent en dépression ou qui se suicident »
Mais que pensez de l’omerta relevée par l’ONG sur les bavures policières ? « Cette omerta existe dans tous les corps de métier, mais il me semble que le gouvernement actuel donne plus de chiffres à ce sujet que la mandature précédente, c’est une différence importante entre la gauche de la droite », avance le militant socialiste. « On ne parle jamais non plus des policiers qui partent en dépression ou qui se suicident », poursuit Adrien Vincent qui reconnait tout de même que « le ministre actuel semble bien faire son travail et est apprécié des forces de l’ordre, ce qui est un bon indicateur ». Sur cette note positive, nous abordons le dernier sujet de ce débat : le nom des futures régions. En Picardie Nord Pas de Calais, Xavier Bertrand a opté pour ‘‘Haut de France’’ après une consultation populaire. Un choix largement commenté et critiqué, notamment sur les réseaux sociaux. « Ce nom a obtenu 38% contre 37% pour ‘‘Terre de Nord’’, je pense que Xavier Bertrand souhaitait avant tout que mot ‘‘nord’’ ne figure pas dans le nouveau nom », remarque François Carbonnel. « Derrière une région, il y a des entreprises, donc le nom doit être une marque qui permette de faire vivre une économie », poursuit Adrien Vincent. Le débat va également se poser en LRMP où plusieurs propositions sont étudiées : Occitanie, Sud de France, Midi-méditerranéen… Adrien Vincent penche pour Occitanie : « C’est un nom qui sonne bien, harmonieux, agréable à prononcer et qui représente des valeurs ». François Carbonnel est moins enthousiaste : « Nous ne sommes pas l’Occitanie à nous tout seul, il ne faudrait pas avoir peur de sortir de l’ordinaire, de trouver un nom nouveau ». L’idée est lancée.
Mini bios :
François Carbonnel : Militant socialiste depuis 1995, François Carbonnel est un spécialiste de communication politique et institutionnel. Il a été pendant 6 ans secrétaire fédéral du PS 31 en charge de la communication et a exercé dans divers cabinets de collectivités.
Adrien Vincent : Directeur associé de la société de portage salariale 2 i portage, créée par son père il y a 10 ans, Adrien Vincent a pour optique de reprendre l’entreprise familiale. Après des études de droit et de marketing, il a travaillé dans l’industrie du meuble et pour l’entreprise Pierre Fabre.
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