Réalisme. Le procès Cahuzac, la proposition d’attribution du RSA en échange de quelques heures de bénévolat ou encore la démission de Benjamin Millepied du ballet de l’Opéra de Paris, nos trois invités se sont frottés à l’actualité nationale du moment. Céline Soulié, Stéphane Piquemal et Johnny Dunal ont répondu présents pour nous faire partager leurs avis sur ces sujets.
Par Coralie Bombail et Séverine Sarrat
Installés dans un premier temps sur la terrasse du Florida, nous avons été quelque peu optimistes quant à la température ambiante. Certes, l’atmosphère était détendue mais les six degrés extérieurs ont eu raison de nous. Plus à notre aise, attablés au fond de la brasserie, des cafés fumant dans les mains, le premier sujet du jour est lancé : le procès de l’ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale. Inédite, cette action en justice vise un ancien ministre d’un gouvernement encore en exercice à ce jour, « ce qui m’a le plus surpris dans cette affaire, c’est l’aplomb avec lequel il a menti devant des parterres de journalistes, sachant que ces derniers ne manqueraient pas de vérifier et d’enquêter », poursuit Stéphane Piquemal. Mais pour Johnny Dunal, c’est d’abord aux Français qu’il a menti, « détériorant encore plus l’image que les citoyens ont des hommes politiques. Pour la préserver un tant soit peu, il doit être jugé comme n’importe qui le serait ! » Pas de favoritisme donc, ce qui serait d’ailleurs la position du parquet « qui râlait déjà d’entendre les recours annoncés », rappelle Céline Soulié. D’autant que Jérôme Cahuzac travaillait pour lutter contre l’évasion fiscale, « ce qui est un comble », s’esclaffe le délégué Les Républicains, interrompu par Céline Soulié lui rappelant que « la droite l’a aussi couvert à l’époque. Une collusion des partis par crainte de la découverte d’autres agissements similaires dans leurs rangs. » En revanche, si l’affaire a écorché la confiance des électeurs, ce procès pourrait démontrer l’impartialité de la justice…
Stéphane Piquemal : Au risque de faire de Cahuzac un exemple !
Johnny Dunal : Mais c’est le seul qui a avoué, c’est normal !
Céline Soulié : Il fut un temps où Alain Juppé avait aussi pris pour les autres.
Johnny Dunal : De même que Jean-François Copé… À la différence que, contrairement aux précités, Cahuzac s’est enrichi personnellement.
« Ceux qui augmentent les impôts sont les mêmes qui pratiquent l’évasion fiscale » Stéphane Piquemal
Après les révélations concernant l’ancien ministre du Budget, une subite volonté de moralisation et de transparence s’est emparée de la politique. « Il est normal que les Français aient le droit de savoir que ceux qui augmentent leurs impôts inexorablement, sont les mêmes qui pratiquent l’évasion fiscale », peste Stéphane Piquemal, cependant ce contrôle devrait être effectué « avant la nomination à un poste national, par les partis eux-mêmes, cela fait partie de leur responsabilité. » Pour lui, il s’agit d’une erreur de casting flagrante.
Trouver des responsables est une chose, identifier la cause de ces fraudes en est une autre. Johnny Dunal lance la question et y répond aussitôt : « la faute à trop de fiscalité, notamment sur les sociétés ! » Car le phénomène touche également beaucoup de chefs d’entreprises comme le soulignent nos invités. « Effectivement, il faut mettre en place une réelle politique sur la fiscalité, car il n’est pas normal que des groupes œuvrant en France installent leur siège social à l’étranger pour échapper aux impôts ! » Plus pragmatique, la directrice de la société coopérative Citiz Toulouse s’interroge : « les taxes élevées excusent-elles les fraudes ? »
Après la politique de la fiscalité, nos invités s’attaquent à celle de l’emploi et commentent la proposition du Conseil départemental du Haut-Rhin de conditionner le versement du RSA à 7 heures de bénévolat par semaine. Ils relèvent à celle-ci un problème de fond et de forme. « D’abord, demander du bénévolat à une personne qui socialement est en difficulté me semble compliqué. Ensuite, ce n’est pas tant cette proposition qui m’interpelle mais plutôt les problèmes de recrutements que rencontrent les entreprises par manque de moyens », analyse Stéphane Piquemal. Johnny Dunal lui, ne sait que penser « car ce serait permettre à des jeunes qui n’ont pas de diplôme, et pas non plus accès à des contrats professionnels, de mettre un pied dans le monde du travail. » De même, « cela favoriserait le lien social et permettrait de faire découvrir le bénévolat car ce statut reste encore peu connu en France », estime Céline Soulié qui nous fait part de son expérience au Canada où le travail non rémunéré est très répandu. En revanche, cette idée donnerait-elle de réelles opportunités aux bénéficiaires du RSA ? « Peu importe », lance la directrice de Citiz Toulouse, « l’intérêt serait de créer des contacts et des échanges, pour démarginaliser les personnes. »
« Chaque collectivité devrait pouvoir choisir son fonctionnement » Johnny Dunal
Ce ne serait donc pas tant un programme de retour à l’emploi qu’une resocialisation car « il existe en France une rivalité entre les travailleurs et les sans-emploi, alimentée constamment », note Stéphane Piquemal. La proposition n’aurait donc pas été forcément retoquée si vite par nos invités que par Marisol Touraine, à quelques modifications près. « Il est en plus malvenu pour l’État de débouter les Conseils départementaux qui tentent de trouver des solutions à leurs difficultés de financer le RSA, lui qui s’en est totalement désengagé ! Chaque collectivité devrait pouvoir choisir son fonctionnement en la matière» souligne Johnny Dunal, coupé par le fonctionnaire territorial : « Ce n’est pas possible ! D’un département à l’autre, les conditions ne seraient pas les mêmes. Chaque bénéficiaire n’aurait alors plus qu’à choisir le territoire le plus avantageux pour lui ! »
Des choix, certains en ont fait et les ont rendus publics comme Benjamin Millepied, le chorégraphe démissionnaire du ballet de l’Opéra de Paris. D’abord sous couvert de raisons professionnelles, les véritables motivations du danseur ont été dévoilées, à savoir le refus de l’institution du recrutement de danseurs de couleur pour le spectacle “La Danse des négrillons” et de la volonté de l’artiste de rebaptiser le ballet. « Quand cet opéra a été écrit, l’auteur n’avait pas prévu l’intégration de gens de couleur. Ainsi, ce serait dénaturer l’œuvre que de vouloir en y proposer, même au nom d’une modernisation du spectacle. Quant au changement de nom, n’en parlons pas », commente Johnny Dunal, qui précise qu’il s’agit d’une manière d’assumer notre passé. « En revanche », rajoute-t-il, « cela n’est valable que pour cet opéra car il est vrai que ce milieu reste très conservateur, et il serait juste que la danse classique s’ouvre aux danseurs d’origine étrangère. » C’est aussi l’avis de Céline Soulié qui constate le vecteur social et sociétal du sport : « Il est souvent la vitrine de la diversité française mais la danse classique reste élitiste et l’on ne retrouve pas du tout cette valeur. » C’est sur ce constat amer que nos invités se séparent et repartent à leurs considérations professionnelles.
Mini-bios :
Céline Soulié : Directrice de la coopérative Citiz Toulouse, anciennement Mobilib, spécialisée dans l’autopartage, elle a découvert le dispositif de location de voiture à l’heure, au Canada où elle a vécu durant 6 ans. De retour dans la ville rose, la Toulousaine a adapté le concept, en accord avec ses valeurs.
Stéphane Piquemal : Fonctionnaire territorial à Toulouse depuis 2003, il est également président du Cosat (Comité des œuvres sociales des agents de la ville de Toulouse). Mais il ne s’agit-là que de sa seconde vie. Restaurateur de formation, il a officié en France mais aussi à l’étranger pendant 27 ans.
Johnny Dunal : Ce commerçant (prêt-à-porter pour hommes) est aussi président de l’association des commerçants du quartier Croix-Baragnon. Mais c’est en tant que délégué Les Républicains sur la 3e circonscription qu’il se présente aujourd’hui.
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