Le Journal Toulousain va à la rencontre de Français expatriés aux quatre coins du monde pour qu’ils nous racontent comment ils y vivent l’épidémie de Covid-19. Après l’Inde et le Brésil et le Sénégal, direction les Etats-Unis où le Toulousain Julien Coustel travaille dans le secteur bancaire depuis près de 10 ans.
Le Journal Toulousain : Quelle est la situation sur le plan sanitaire aujourd’hui aux Etats-Unis ?
La situation actuelle est bonne. 40% de la population est vaccinée et plus de 50% des Américains ont eu une première dose. D’après les estimations, 70% de la population devrait être vacciné d’ici septembre, c’est à dire proche d’une immunité potentielle. Quant aux autres mesures, à l’heure actuelle, le port du masque n’est plus obligatoire à l’extérieur. Même dans certains magasins (Walmart par exemple), les restaurants sont ouverts à l’intérieur. Bref le pays sera presque comme avant la pandémie d’ici un à deux mois. Mais bien sûr, il y a de fortes fortes différences entre les états, les comtés, et même les villes…
“Le fait de mettre ou non un masque est devenu un moyen d’afficher ses pensées politiques”
Comment la pandémie de Covid-19 et les mesures sanitaires ont-elles été vécues aux États-Unis ?
Difficile de répondre à l’échelle du pays car c’est un pays très hétérogène. De manière générale, les mesures sanitaires ont été très respectées sur les côtes Est et Ouest, à l’exception peut-être de la Floride. En général dans les grandes villes, les mesures sanitaires ont été plutôt bien vécues. Tout chose égale par ailleurs, il est bien sûr difficile de comparer une personne ayant eu la possibilité de faire du télétravail avec une personne ayant besoin de se rendre sur son lieu de travail (supermarchés, hôpitaux…). Il y a également eu la question du port du masque qui a été très polarisante. Le fait de le mettre ou non est quasiment devenu un moyen d’afficher ses pensées politiques. Sinon, au niveau de San Francisco, tout a été bien vécu. Dès le début de la crise sanitaire les habitants ont porté des masques, limité leurs déplacements et gardé leurs distances.
Y a t-il de la défiance envers les vaccins ?
Oui, dans le pays cela s’est fortement ressenti, mais encore une fois, les choses peuvent être radicalement différentes selon l’endroit où l’on se trouve. À San Francisco, par exemple, plus de 70% de la population est déjà vaccinée. Dans beaucoup d’états, des systèmes de récompense ont été mis en place. Ainsi en Californie, une loterie a été organisée : 10 personnes vaccinées avant le 15 juin seront tirées au sort et remporteront 1,5 millions de dollars. Cela se fait aussi ailleurs sous d’autres formes. Certains offrent des cartes-cadeaux, voire de la bière… C’est vraiment un enjeu très fort pour faire redémarrer l’économie.
“Comme ailleurs, la pandémie a accentué les différences sociales”
Comment jugez-vous la gestion de la crise de la Covid-19 aux États-Unis ?
La pandémie m’a fait réaliser à quel point le pays est décentralisé. Même avec Trump au pouvoir, cela n’a, par exemple, pas empêché la Californie de bien s’en sortir. Et en particulier San Francisco où il y a eu très peu de cas de Covid-19 et de décès par rapport au reste des États-Unis. Les gouverneurs ont un pouvoir très important, mais au final, le haut de la pyramide a beaucoup délégué au bas de la pyramide, à savoir les comtés. Au début, c’est ce qui a rendu les choses difficile à comprendre car chaque comté – rien qu’en Californie, il y en a 57 – avait ses propres règles. Mais cela a été, en réalité, une des forces du pays, car cela a permis de contrebalancer les errements de la maison blanche de Trump.
Y a-t-il eu un avant et un après Trump au niveau de la gestion de la crise ?
Oui, évidemment, aujourd’hui il n’y a plus de polémique et l’administration est plus compétente et efficace. Pour autant, que ce soit avec Trump ou Biden, le pays a très bien négocié la phase vaccin, ce qui permet d’être dans une position de force maintenant. Au niveau économique, il y a eu quelques erreurs au début mais globalement la relance a été forte et efficace. On s’attend à une croissance du PIB de 7% cette année. Je dirais que, comme ailleurs, la pandémie a accentué les différences sociales. Le plus criant est au niveau scolaire, avec par exemple les écoles publiques qui sont encore fermées. Et aussi sur le plan médical, un grand nombre de malades a dû faire face à des factures exorbitantes.
“Ils ne comprennent pas pourquoi la vaccination n’a pas été plus efficace en Europe”
Quel est le point de vue des Américains sur la gestion de l’épidémie en France ?
Je ne pense pas que les Américains aient un point de vue sur la France en particulier, mais peut-être sur l’Europe. Je dirais que le sentiment global est qu’ils ne comprennent pas vraiment pourquoi la vaccination n’a pas été plus efficace.
Quelles différences entre nos deux pays a révélé la pandémie ?
J’ai l’impression que les aides aux entreprises touchées par la crise sanitaire liée à la Covid-19 ont été plus fortes aux États-Unis par rapport à la France. L’autre grande différence, c’est la difficulté rencontrée par la France et l’Europe au niveau de la vaccination. Même si BioNTech (vaccin Pfizer, ndlr.) est allemand, et AstraZeneca anglo-suédois, il est surprenant que l’Europe n’ait pas eu plus d’entreprises pharmaceutiques dans la course aux vaccins. En revanche, le fait d’avoir laissé les écoles ouvertes est, pour moi, un des gros avantages de la France. Aux États-Unis, beaucoup d’enfants sont dans le privé et les différences sont nettement plus marquées avec le public. Le privé a pu redémarrer très tôt, notamment avec des cours à distance.
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