À l’occasion de la journée mondiale contre la publicité le 25 mars dernier, le groupe local de Résistance à l’agression publicitaire (Rap) a coorganisé une exposition sauvage et militante dans le quartier Saint-Cyprien. Une cinquantaine d’espaces publicitaires ont été recouverts par des œuvres grand format pour interpeller les passants sur leur place dans l’espace public. – Nicolas Belaubre
®Franck AlixDimanche matin. Une paisible ambiance flotte sur la place intérieure Saint-Cyprien. Quelques cyclistes glissent silencieusement au milieu d’un trafic encore clairsemé, pendant que les garçons de café donnent un dernier coup d’éponge sur les tables de terrasses. La ville, engourdie par le passage à l’heure d’été, paresse et rechigne à s’éveiller. Au coin des allées Charles-de-Fitte, un petit groupe d’une dizaine de personnes discute autour d’un thermos de thé.
À chaque nouvelle arrivée, on fait les présentations puis la conversation reprend son cours. Mobilisations à l’université, journée internationale du bonheur ou actualités des ”désos”, un mouvement qui organise des formations et promeut l’action directe non violente… C’est un véritable micro-forum de l’activisme qui s’improvise sur un bout de trottoir, en attendant les retardataires.Jeunes gens, personnes âgées ou petite famille, tous les membres de cette assemblée hétéroclite sont venus prêter main-forte à l’installation de la deuxième exposition sauvage, coordonnée par le groupe local de résistance à l’agression publicitaire, le Rap-Toulouse, dans le cadre de la journée mondiale contre la publicité.
« Le but de cette action est de dénoncer le système publicitaire tel qu’il fonctionne aujourd’hui. Alerter et informer sur ses abus et l’aspect agressif de la pub envers les gens qui la subissent sans en faire le choix », explique Tanguy, un membre actif du Rap, avant de débuter les opérations. Par petits groupes, la quinzaine de participants se répartit les affiches et se lance à l’assaut des abris-bus du quartier et autres ”sucettes”, ces panneaux publicitaires sur pied. « Le Rap est une association légaliste, nous veillons donc à ce qu’il n’y ait pas de dégradation. C’est du simple recouvrement », précise Tanguy. Un rouleau de gros scotch, pour accrocher les affiches sans dégâts, ainsi qu’une copie de la déclaration de la manifestation déposée en préfecture et dûment visée par les autorités ont été distribués à chacun des groupes, pour prévenir d’éventuelles complications avec les forces de l’ordre.
Une heure plus tard, toutes les affiches sont placardées. Ici, une huître immense couvre le visage d’une femme dont on a tiré, pour des besoins commerciaux, un portrait suggestif en dessous aguicheurs. Là, c’est une carte du monde qui remplace un double burger célèbre, pour dénoncer l’appétit impérialiste de l’oncle Sam. Plus loin, c’est “Le Cri” de Munch qui est revisité sur l’image d’un mannequin puis un simple paysage crayonné qui ouvre poétiquement l’horizon d’un abribus. La plupart des œuvres sont accompagnées de messages écologistes ou de slogans appelant à interroger la société de consommation. « Depuis plusieurs mois, nous organisons, avec différents collectifs, des ateliers participatifs. Nous avons invité des gens à s’approprier librement une affiche en la recouvrant ou en travaillant sur le principe du détournement. Nous voulions que n’importe qui puisse répondre à la publicité et être lui-même émetteur d’un message », précise Sam, membre du Rap et auteur d’un mémoire sur le détournement de l’espace publicitaire.
Une fois le stand d’information dressé, le groupe se lance dans la construction d’une bibliothèque gratuite. Quelques coups de visseuse dans des palettes et la dernière sucette de la place se retrouve enveloppée par des rayons de livres en libre service. Cette initiative exacerbe les réactions. « C’est scandaleux ! », s’offusquent plusieurs passants. « Il y a des lois ! Ils ont bien le droit de mettre de la pub, ils ont payé pour ça ! », assène l’un d’eux, visiblement agacé.
« Justement, nous militons pour qu’ils ne puissent plus acheter illégitimement ce droit… Venez donc vous informer ! », répond en vain un membre du groupe. « Je n’ai jamais adhéré à ce genre d’action », argumente M. Besnard, un ancien chef d’entreprise habitant le quartier. Ce que je ne supporte pas, c’est la dégradation pour affirmer trois idées. » Mais, après avoir appris que l’initiative avait été légalement déclarée en préfecture, le regard du riverain change : « Je vois qu’ils font ça proprement et ne sont pas en train de tout casser. Il ne faut pas avoir de réactions à chaud. C’est original et le concept fait réfléchir. »
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