Une nouvelle étude de l’Insee, dévoilée le 30 mars dernier, confirme la filière aéronautique et spatiale dans son rôle de poumon économique de la grande région Sud-Ouest et de la région toulousaine en particulier. Une dépendance qui pourrait s’avérer inquiétante à court terme. – Axelle Szczygiel
Depuis des années, les analyses se suivent et se ressemblent. « La filière aéronautique et spatiale est un moteur économique majeur des deux régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie : elle rassemble 1 900 entreprises qui emploient 146 000 salariés fin 2016 », soit un emploi industriel sur cinq, indique ainsi l’Insee dans une nouvelle étude menée en partenariat avec le pôle de compétitivité Aerospace Valley. L’Occitanie seule regroupe deux tiers de ces salariés dans 1 100 entreprises et 59% des effectifs de la filière sont même concentrés dans la zone d’emploi de Toulouse, précise l’étude. Et l’emploi dans le secteur d’activité continue d’évoluer dans le bon sens : +2,3% entre 2015 et 2016. Aucune ombre à l’horizon, donc. Mais jusqu’à quand ?
« L’histoire a montré que les régions qui ont cultivé à ce point une telle dépendance vis-à-vis d’une seule économie ont connu d’importants déboires. En Lorraine, personne n’avait envisagé la crise de la sidérurgie, et pourtant… », rappelle Gabriel Colletis; économiste au Laboratoire d’études et de recherches sur l’économie, les politiques et les systèmes sociaux (LEREPS). À contre-pied des nombreux observateurs qui considèrent toujours l’aéronautique comme un secteur d’avenir, l’expert toulousain estime lui que la filière est peut-être en train de vivre sa dernière décennie florissante. « Il n’est plus nécessaire de montrer que l’A380, programme emblématique d’Airbus, a été un pari commercial extrêmement dangereux. Sans la commande d’Emirates (36 superjumbos, dont 20 fermes et 16 en option, ndlr), les chaînes d’assemblage auraient sans doute dû être arrêtées », rappelle-t-il. Et si le succès de la famille A320 – mais aussi A350 – permet encore de remplir le carnet de commandes de l’avionneur, Gabriel Colletis n’est guère plus optimiste. « Sur des trajets intraeuropéens, il est fort possible que le train soit davantage la solution d’avenir, tant pour des raisons de consommation que de pollution. » D’autant qu’Airbus a pris selon lui beaucoup de retard dans le développement de l’avion plus électrique. « Et je ne suis pas certain que dans la région, nous ayons les compétences requises pour relever ce défi technologique. »
D’ici dix ans, l’aérodépendance de la région pourrait donc bien montrer ses limites. Pour Gabriel Colletis, il est plus que temps de diversifier davantage l’économie du territoire. L’idée n’est pas de partir de zéro, mais de s’appuyer sur des savoir-faire déjà existants, qui ont d’ailleurs pu initialement être développés pour l’aéronautique. « À Toulouse, nous avons une entreprise comme Thalès, spécialiste des systèmes embarqués, qui collabore énormément avec Airbus mais a aussi la capacité de travailler pour l’automobile, le ferroviaire, ou encore le transport maritime. C’est ce genre d’activité transversale, qui ne souffre d’aucune dépendance sectorielle, qui doit aujourd’hui être soutenue et développée. » Autres savoir-faire à fort potentiel déjà présents sur le territoire : le numérique ou les biotechnologies. Des filières stratégiques qui ont d’ores et déjà été identifiées par le Conseil régional. Reste désormais à mettre les moyens nécessaires pour transformer ce potentiel en activités et retombées économiques pour le territoire.
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