TRANSMISSION. Accros aux réseaux sociaux, les adolescents ont bien souvent du mal à faire le tri parmi toutes les informations qui défilent à longueur de journée sur leurs écrans. Pour les aider à mieux s’informer et à développer leur esprit critique, enseignants et associations ont mis en place des ateliers d’éducation aux médias.
Ce midi-là, au collège Henri Guillaumet de Blagnac, une poignée de journalistes en herbe préparent le prochain numéro du journal de l’établissement, l’Envol de Guillaumet. Regroupés par deux ou trois sur chaque ordinateur du CDI, ils mettent la dernière main à l’interview d’un écrivain, font des recherches sur un groupe de rock ou consultent les résultats de basket. Ambiance studieuse : il s’agit de ne pas faire d’erreur. Leur canard, qui sera édité en version numérique, pourra être lu par la Toile entière ! « Je déteste l’idée de relayer des informations qui pourraient être fausses, explique Margot, élève de 3e. « Je fais donc très attention à ce que j’écris. » À côté d’elle, Sophie opine du chef. « On est des ados, on a tendance à croire un peu n’importe quoi. » Alors chacun prend ses précautions. « Quand je trouve une information, je vais voir si d’autres sites disent la même chose », confie Émilie, élève en classe de 5e. « Je cherche aussi des renseignements sur la source et l’auteur, pour voir s’ils sont fiables ».
Des réflexes que sont loin d’avoir adoptés la plupart des adultes et encore moins des adolescents. « Quand on leur demande de faire une recherche sur un auteur, beaucoup s’arrêtent à Wikipédia », relate Virginie Borrell. Cette professeur de lettres, qui a mis l’éducation aux médias au cœur de sa pratique d’enseignante (elle y consacre une séquence pédagogique entière dans chacune de ses classes) coanime le club-journal avec Marie-Claude Martins, enseignante-documentaliste. Cette dernière poursuit : « Les jeunes sont abreuvés d’informations par internet, les réseaux sociaux. Ils “likent” et partagent sans faire le tri dans les informations.» Et en viennent à relayer fake news et théories du complot qui prolifèrent sur la toile. Les attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher ont permis de mesurer l’ampleur du phénomène. Depuis, l’Éducation nationale a mis en place des interventions plus régulières dans les établissements scolaires afin de former les élèves à lire une information et les aider à développer leur esprit critique. Un travail de longue haleine, inégal d’un établissement à l’autre.
Car si l’éducation aux médias et à l’information (EMI) est inscrite au programme des collégiens de la 5e à la 3e depuis la rentrée 2016, c’est à chaque équipe pédagogique de décider des modalités de sa mise en pratique. « Nous incitons néanmoins les enseignants à y consacrer au moins une heure par semaine sur leur temps de cours », indique Laurence Janin, coordinatrice à Toulouse du Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (Clemi). Pour les aider dans cette tâche, cet organisme du ministère de l’Éducation nationale leur propose des formations ponctuelles et met à leur disposition, en ligne, des fiches de conseils. « Le Clemi Toulouse diffuse en outre, sur YouTube, des vidéos explicatives qui peuvent être utilisées en classe », précise Laurence Janin. « Pour les intéresser, il faut toujours partir de leurs pratiques, notamment sur les réseaux sociaux », poursuit-elle. Mais mieux qu’un cours théorique, l’idéal est encore selon elle de développer des productions avec les élèves et d’y intégrer l’EMI pour qu’ils prennent conscience de l’importance de vérifier les informations qu’ils propagent. « Cela peut aller de la création d’une page Facebook pour la classe, à la mise en place d’un vrai média. Les projets radio sont très appréciés en général. »
Pour autant, l’éducation aux médias n’est pas uniquement l’affaire de l’École. Les familles et le milieu associatif ont également un rôle à jouer. À Toulouse, CAP Nomade va ainsi à la rencontre des jeunes d’Empalot, de la Reynerie et de Bagatelle en leur proposant des ateliers d’éducation aux médias un mercredi par mois, de juin à octobre, sur l’espace public. « Nous voulons leur montrer que tous autant qu’ils sont, derrière leur ordinateur, ils sont capables de remonter une source et de débusquer de fausses informations », explique Thomas Belet, l’un des animateurs, journaliste de formation. Comment ? Là encore, en partant de leurs propres expériences. « Nous utilisons beaucoup des images virales qui ont fait le tour des réseaux sociaux. On leur apprend à identifier la source, la date, à relever les incohérences, à rechercher les motivations de la personne qui la publie… »
S’il est encore difficile de mesurer l’impact de l’EMI sur les élèves, les jeunes journalistes de l’Envol de Guillaumet, eux sont formels : « Aujourd’hui, on est moins crédules. On fait beaucoup plus attention à ce qu’on nous raconte », clame Sophie.
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Commentaires
laurence janin le 11/12/2024 à 14:11
Bonjour,
Je suis justement Laurence Janin du CLEMI Toulouse. Je vous remercie de vous intéresser aux projets d'éducation aux médias et de citer le CLEMI et son rôle. Mais cependant je ne pense pas avoir dit du moins tel quel "Nous incitons néanmoins les enseignants à y consacrer au moins une heure par semaine sur leur temps de cours". Ce n'est pas du tout ce que nous proposons et lu par un enseignant qui n'a une classe que 2h ou 3h par semaine, qui a du mal à finir son programme et qui a de nombreuses autres missions, cela peut être mal compris et dérangeant. Il me semble que j'ai peut être plutôt évoqué des dispositifs très intéressants comme les classes médias proposées dans certains établissements où des classes ont dans leur emploi du temps un moment d'éducation aux médias (1 à 2h dans la semaine pris soit sur les heures de cours d'enseignants volontaires, soit sur d'autres dispositifs, soit en plus). Merci de bien vouloir rectifier cette phrase ou de publier ce commentaire.