Convergences ? Pour la première fois, nous avons réuni le PS et l’UMP à la même table (respectivement Mathieu Sauce et Jean-Louis Chavoillon). Tandis que le président de la Jeune Chambre Economique de Toulouse, Adrien Moreau, a presque joué l’arbitre. Contre toute attente nos invités sont tombés d’accord à plusieurs reprises, sur des sujets pourtant clivant : le drame de Sivens, la réforme de Pôle emploi, et les rémunérations dans les cabinets politiques.
Par Coralie Bombail et Thomas Simonian
À peine installés autour de la table, nos invités entament la conversation… Sur les municipales toulousaines ! Entre Mathieu Sauce, colistier de Pierre Cohen et Jean-Louis Chavoillon qui a participé à la campagne de Jean-Luc Moudenc, les points de vue se confrontent… Le maire sortant a-t-il fait une bonne campagne ? La gauche était-elle trop confiante ? Nous devons rappeler à l’ordre nos convives pour orienter le débat sur le premier thème choisi par la rédaction : le drame de Sivens. Après la mort du militant écologiste Rémi Fraisse, des manifestations ont éclaté un peu partout en France, parfois avec violence. Comme samedi à Toulouse. Jean-Louis Chavoillon se lance en premier : « On est dans une société extrêmement crispée, le dialogue est difficile et au niveau politique c’est le foutoir complet ! » Il fustige « les déclarations à tort et à travers », notamment de Ségolène Royal qui « remet en cause les investissements décidés par les élus ». Mathieu Sauce poursuit sur un registre plus émotionnel : « La mort de Rémi Fraisse est dramatique, la démocratie va mal quand un militant meurt lors d’une manifestation », estime-t-il. Pour lui le report des travaux est une « décision sage pour rétablir le dialogue », alors que Jean-Louis Chavoillon s’interroge : « Si le chantier s’arrête, combien cela va coûter et qui va payer ? » Adrien Moreau, quant à lui, préfère ne pas s’aventurer sur le terrain politique, et revient sur les manifestations : « Rendre hommage à Rémi Fraisse, je trouve ça bien, mais les débordements vont à l’encontre de la démocratie, c’est une atteinte à la vie de la cité. » Le sujet pose la question de l’information de la population, qui, le plus souvent, sort dans la rue quand les travaux commencent et non quand le projet se décide.
Pour Adrien Moreau, c’est l’occasion de parler de la Jeune Chambre Economique, « qui essaie de rapprocher les citoyens de la vie politique en invitant des élus de tout bord à certains de nos événements ». En tant que président de cette organisation, il est le premier à réagir sur notre deuxième sujet : Pôle emploi doit-il devenir plus strict ? Selon un sondage réalisé pour Les Echos, une majorité de français y serait favorable. Sanctionner les demandeurs d’emploi qui refusent trois offres successives ou baisser les allocations des plus aisés d’entre eux, par exemple. « Pôle emploi ne répond pas forcément aux contraintes économiques actuelles, il doit se rénover et être plus strict pour limiter les abus », estime Adrien Moreau. Mathieu Sauce, proche d’Arnaud Montebourg et Martine Aubry, ne peut pas cautionner ce discours : « On doit combattre le chômage et non les chômeurs. La minorité qui abuse ne doit pas pénaliser la majorité qui n’abuse pas. » Il poursuit en soulignant que « la vertu de Pôle emploi n’est pas le contrôle mais de trouver du travail aux gens ». Quant à Jean-Louis Chavoillon, il s’interroge davantage sur l’action de cet organisme : « Il y a beaucoup de défiance vis-à-vis de Pôle emploi et son efficacité dans la gestion des dossiers. Aujourd’hui il vaut mieux se tourner vers les réseaux sociaux pour trouver un emploi. » Suivant cette logique, sanctionner pour trois offres refusées ne lui parait pas approprié « car il faut voir le contenu des offres… » Pour autant, Jean-Louis Chavoillon n’est pas contre une réforme du système. Alors que Mathieu Sauce martèle que « ce n’est pas le bon moment pour changer les règles du jeu », le militant UMP l’interpelle : « Mais ce sera quand le bon moment ? Il ne faut pas rêver, on n’est pas dans le monde des bisounours, mais dans une économie ouverte, et visiblement la croissance n’est pas chez nous, il faut réformer le pays », s’emporte-t-il. « J’aurais préféré une grande réforme fiscale avec un impôt prélevé à la source », propose Mathieu Sauce. Là-dessus, nos deux invités politiques semblent tomber d’accord. Peut-être est-ce l’effet du thon parfaitement grillé et du risotto onctueux que nous venions de terminer… La bonne cuisine adoucit les esprits. En attendant les cafés gourmands, nous lançons le dernier thème de débat : l’augmentation des rémunérations dans les cabinets ministériels du gouvernement Valls. « Il faut des personnes compétentes aux hautes fonctions de l’Etat et donc les salaires qui vont avec. Mais dans un contexte de crise économique et sociale, où l’on demande des efforts aux Français, voir que certains collaborateurs gagnent plus que les ministres n’est pas bon pour l’image des politiques », affirme Mathieu Sauce. « J’aurais dit la même chose », surenchérit Jean-Louis Chavoillon, « je suis totalement décomplexé par rapport à l’argent, tout travail mérite salaire, mais quel est le plafond ? Où place-t-on le curseur ? »Au niveau communication, « le message renvoyé à la population est : tous pourris, ils s’en mettent plein les poches », déplore-t-il. Adrien Moreau prône « une transparence exemplaire, car il n’y a que comme ça que les politiques pourront inspirer la confiance. » La transparence doit passer par « un débat public sur les rémunérations dans les cabinets », propose Jean-Louis Chavoillon, et « la mise en place d’une grille de salaires », poursuit Mathieu Sauce. Les petits cannelés du Belvédère réconcilieraient presque droite et gauche ! Le débat prend fin alors que la conversation continue de manière plus informelle sur la montée du FN, qui « fait son beurre » sur tous les sujets d’actualité. Vaste question, pour un autre débat…
Mini bios
Mathieu Sauce : Militant socialiste depuis 15 ans, il est secrétaire fédéral du PS 31 en charge de l’organisation et de la mobilisation. En 2001, il a participé activement à la campagne de Lionel Jospin, alors qu’il était engagé en tant que jeune socialiste. Colistier (malheureux) de Pierre Cohen en mars dernier pour les municipales toulousaines, il a vécu « une belle campagne », selon ses termes.
Jean-Louis Chavoillon : Chef d’entreprise en assurance, Jean-Louis Chavoillon est engagé en politique depuis 35 ans. Militant UMP, il est également président du Think Tank L’A.P.Ré (Association des professionnels réformistes), créé en 2006, « dans l’objectif d’être une passerelle entre la société civile et le monde politique », explique-t-il.
Adrien Moreau : Ingénieur commercial pour EDF Suez, il est le président de la Jeune Chambre Economique de Toulouse, association reconnue d’utilité publique qui fête ses 45 ans d’existence en 2015. La JCE organise divers événements dont les « Jobs dating » et prochainement les « Cafés en suspens » (une personne achète un café qui sera servi à quelqu’un d’autre dans le besoin).
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