Accointances. Ils ont découvert avec nous ce nouveau lieu, qui ouvre désormais ses portes tous les quinze jours au débat du Journal Toulousain. Au menu cette semaine : le retrait des troupes américaines et britanniques d’Afghanistan, le décès du PDG de Total et les attaques de « clowns agressifs » qui se multiplient. Ponctuels et ravis d’être présents, Jean-Paul Makengo et Alexandre Dartiguepeyrou se sont littéralement régalés à mettre les pieds dans le plat…
Par Aurélie Renne et Séverine Sarrat.
C’est autour d’une toute nouvelle table que nous nous retrouvons pour notre traditionnel déjeuner-débat avec nos deux invités du jour, celle du restaurant La Pergola. Jean-Paul Makengo et Alexandre Dartiguepeyrou s’installent et commencent à parler politique. Le premier était colistier de Pierre Cohen quand le second a été, un certain temps (il s’est retiré avant le premier tour), sur la liste du candidat vert de Ramonville, Henri Arévalo. Puis, avec la poêlée de fèves au chorizo pour les uns et la terrine de pot-au-feu et œuf poché pour les autres, arrive le premier sujet : le retrait total des troupes américaines et britanniques d’Afghanistan. Le directeur toulousain de Family Sphere se lance : « Cette guerre fait suite aux attentats du 11 septembre, pourtant j’ai du mal à croire qu’elle n’ait été menée que pour repousser les Talibans. Les enjeux étaient plutôt stratégiques au vu de la position du pays, entre la Chine et le Moyen-Orient », assène-t-il. Son voisin d’un jour dresse, lui, un constat accablant et sans concession, affirmant que « ce conflit est le symptôme de la perte de maîtrise des puissances occidentales sur le jeu politique d’après-guerre. Ce sont ces mêmes nations qui reconnaissent, ou pas, une démocratie ou une dictature. Ce sont donc eux qui ont fabriqué les régimes autoritaristes ! » Pour nos deux invités, le départ des GI est un échec qui prouve qu’il est impossible d’imposer un régime comme la démocratie à un peuple qui ne l’a jamais connu et qui n’est pas prêt à le maîtriser. D’autant plus quand le peuple en question est organisé en plusieurs tribus ou communautés. « A-t-on seulement pensé à demander aux Afghans ce qu’ils désiraient ? », s’interroge Jean-Paul Makengo, « car au final, les Talibans se sont imposés mais les Américains aussi ! » Et le constat reste amer également pour Alexandre Dartiguepeyrou : « Ce conflit dure depuis 13 ans ! Les adolescents afghans d’aujourd’hui n’auront connu que la guerre. » Et en fin stratège, de rajouter : « Une guerre doit être courte, sinon c’est qu’elle est mal menée ! » Cet avis tranché est partagé par le conseiller régional qui acquiesce et confirme qu’en « général, lorsqu’un conflit s’éternise, l’opinion public se retourne et ne cautionne plus. C’est d’ailleurs pour cette même raison qu’Israël mène ses offensives par à-coups ! » Et l’exemple de l’intervention de la France au Mali ne tarde pas à faire son apparition : « Cette opération coup de poing a été plutôt bien perçue mais si elle avait duré plus de 6 mois, tout aurait été différent », explique Jean-Paul Makengo, pour finir par déplorer : « Malheureusement, la stabilité du monde arabe résidait dans la dictature ! » Et son voisin de table de rajouter : « Si l’on instaurait la démocratie, ces pays-là s’en sortiraient-ils ? »
« Tout se joue dans les tribunes »
Une chose est sûre, les brochettes d’onglet de bœuf et oignons confits de nos invités servies par La Pergola, elles, ne s’en sortiront pas ! Leur arrivée sur la table marque le passage au sujet suivant : le décès de Christophe de Margerie, PDG de l’entreprise Total, disparu dans un accident d’avion à Moscou, son jet privé ayant percuté une déneigeuse sur la piste de décollage. Alexandre Dartiguepeyrou prend la parole le premier et pour cause, il a travaillé pour Total quelques années auparavant. « J’étais posté sur une plate-forme pétrolière offshore au large de l’Angola », précise-t-il. Pour le directeur de Family Sphere, « le coup de la déneigeuse, c’est un peu gros tout de même. Pour moi, ils l’ont tué ! » lance-t-il, sûr de lui. Effectivement, comme le souligne Jean-Paul Makengo, « les conditions de l’accident sont bizarres. Les Russes ont la réputation d’être carrés et pointilleux, je reste donc perplexe quant à la présence de cet engin sur la piste ! » Mais le débat ne pouvait se poursuivre sans faire référence au rôle de Total sur la scène internationale. « Total est une grande entreprise française qui a joué son rôle mais elle reste pour moi crapuleuse, car elle a contribué au soutien des dictateurs dans les pays africains qui présentaient un intérêt pour eux et pour notre gouvernement », déplore l’élu PS. Alexandre Dartiguepeyrou acquiesce, lui qui a vu les business plan de l’entreprise. Il confirme que Total rapporte énormément aux États africains mais que le peuple n’en voit jamais la couleur. C’est bien ce que regrette Jean-Paul Makengo, d’autant plus concerné qu’il est originaire du Congo : « Ces multinationales jouent les sauveurs à la télévision mais n’ont que faire du détournement de l’argent par les dictateurs à leur propre profit… au détriment de la population ! » À l’unanimité, il est donc hypocrite de laisser croire que seuls les dictateurs africains sont responsables des détournements des fonds émanant du pétrole, car le laisser faire est en un sens le cautionner. Et si nos deux convives présentent leurs condoléances à la famille de Christophe de Margerie, ils ne se font aucun souci pour l’entreprise elle-même : « À ce niveau-là, la direction est assurée par une équipe et non par une seule personne. » Mais tout cela ne serait finalement que de la politique ! « On nous fait croire qu’il s’agit de deux équipes et d’un arbitre mais en réalité, tout se joue dans les tribunes », ironise Alexandre Dartiguepeyrou, provoquant le sourire de Jean-Paul Makengo.
« Notre société évolue, les tarés aussi ! »
Sourire vite effacé par le sujet du débat suivant, les attaques de « faux clowns » qui se succèdent sur tout le territoire français. Déguisés, les agresseurs s’en prennent aux passants pour les détrousser ou même sans raison particulière. « Il s’agit d’un effet de mode certain, mais à l’inverse de l’“Ice Bucket Challenge“, celui-là est violent. Les jeunes ne semblent plus avoir de freins et quand ils trouvent quelque chose “cool“, que l’on parle de drogue, de sexe ou de violence, ils le reproduisent sans penser aux conséquences », constate l’élu régional. Comme il le précise, l’effet de groupe y est pour beaucoup ; les adolescents ont tendance à croire qu’ils sont has been s’ils ne participent pas à ce genre d’actions mais ils seront sûrement les seuls à en payer les conséquences. « Cette violence gratuite rend la réaction de l’agressé complexe. Que faire quand on sait qu’aujourd’hui la victime c’est vous mais que cela aurait très bien pu être quelqu’un d’autre ? », s’interroge le chef d’entreprise en déplorant une société en perte de valeurs. « Notre société évolue, les tarés aussi ! » résume abruptement Jean-Paul Makengo, poursuivant son raisonnement : « Avant, on avait peur du redoublant de 3e qui mettait des claques au plus jeunes dans la cour de récréation, mais maintenant on craint dans la rue de rencontrer un fou armé ! » Nos deux invités s’accordent pour finalement déplorer une mutation de la violence. Et Alexandre Dartiguepeyrou l’annonce : « Nous vivons une période de changement de paradigmes, et cela va être brutal ! » Même les cafés déposés sur notre table de La Pergola n’adouciront pas ses paroles qui finissent, inéluctablement par dévier sur la politique, avant que chacun ne retourne à ses occupations.
Mini bios
Alexandre Dartiguepeyrou
À 33 ans, ce père de deux enfants est toulousain d’origine. Après un master en management, il effectue un stage de fin d’études qui lui permet de connaître le réseau Family sphere. « Entrepreneur né », il rejoint alors cette même société, devenant le directeur des trois agences haut-garonnaises. Il rachète rapidement les sociétés et passe du statut de directeur salarié à celui de créateur d’une holding regroupant les trois agences. Également amateur de politique et de tennis, l’homme à plus d’une corde à son arc.
Jean-Paul Makengo
Originaire du Congo, Jean-Paul Makengo a 39 ans et réside à Toulouse depuis 1991. Irréductible militant associatif et syndical, il s’engage dans les rangs de l’Unef et du MJS. En 2008, il s’encarte au PS et devient la même année le premier adjoint noir élu à Toulouse (sur la liste de Pierre Cohen), une spécificité qu’il qualifie surtout de « triste record ». Également conseiller régional, il endosse aussi le costume du chef d’entreprise « dans la vraie vie » en tant que courtier apporteur d’affaires.
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