[Portrait] Mika Pagnat, ou la re-naissance d’un homme
A l’occasion de la journée mondiale du coming out, l’association L’Autre Cercle, qui œuvre pour l’inclusion des personnes LGBT+ dans le monde du travail, récompensait le 12 octobre dernier, lors de l’évènement “Rôles Modèles LGBT+ et Allié.e.s”, des personnalités ayant mené des actions au sein de leur entreprise. Mika Pagnat, chef de projet à la Banque Postale, est l’une d’elle.
« Aider les LGBT+ à sortir du placard. » C’est en quelques mots la mission que s’est fixée Mika Pagnat, chef de projet à la Banque Postale. Transgenre, lui a fait son coming out il y a trois ans. A 46 ans, cet homme né dans le corps d’une femme, a changé d’identité et même de prénom. « J’ai essuyé les plâtres dans mon entreprise. La méconnaissance de mes collaborateurs à ce sujet les a conduits à de nombreuses maladresses, à des réflexions malheureuses, voire à de la transphobie », témoigne-t-il. Alors, pour permettre à d’autres d’oser affirmer leur identité profonde, il décide d’agir sur son lieu de travail.
En devenant référent pour l’inclusion des LGBT+ au sein de son entreprise, il « propose des formations destinées aux managers et aux salariés pour les sensibiliser à la transexualité, la transidentité et à la différence sexuelle en général ». Dans un même temps, « il accompagne et conseille les personnes qui n’oseraient pas en parler à leur direction ». Les aide à libérer leur parole, car « se dire, c’est exister », confie Mika Pagnat. Une écoute bienveillante qu’il effectue, parallèlement, dans une association. Pour cela, il s’est formé au métier de psycho-praticien qu’il espère exercer à mi-temps.
Un travail introspectif de longue haleine
Ces initiatives ont d’ailleurs été saluées lors de l’évènement “Rôles Modèles LGBT+ et Allié.e.s“, organisé par l’association L’Autre Cercle, qui œuvre pour l’inclusion des personnes LGBT+ dans le monde du travail. Le 12 octobre dernier, Mika Pagnat a ainsi été récompensé dans la catégorie “Leaders”. Un prix qui vient reconnaître un travail introspectif de longue haleine. Car, d’aussi loin qu’il se souvienne, il a toujours été en questionnement : « Je suis née fille, et je n’ai jamais été raccord avec le genre de ma naissance. »
Aujourd’hui en transition, il aura fallu des années de thérapies à Mika Pagnat pour identifier les causes de son mal-être : « Je ne correspondais pas à ce que les gens voyaient de moi, et pas non plus à ce que je donnais à voir. » Pendant longtemps, il s’est efforcé de se conformer à la norme sociale, restant le plus possible dans les rangs. « Mon parcours professionnel est des plus classiques. J’ai été longtemps prestataire informatique à Paris, puis, je suis descendu à Toulouse pour intégrer le groupe La Poste. Tout cela en essayant de faire le moins de vagues possible », se rappelle-t-il.
Étouffer la différence
Dans sa première vie, comme il aime à la définir, celle vécue sous son apparence de femme, Mika Pagnat a tenté d’étouffer sa différence, jouant un personnage dans lequel il ne se reconnaissait pas. « Je me maquillais, alors que je n’aime pas ça. Je m’habillais de manière féminine, alors que j’étais un garçon manqué… Et ce même au sein de ma famille », explique-t-il. Car, depuis son adolescence, ses parents lui ont inculqué le principe de discrétion : « Tu es atypique, d’accord. Mais ne le montre pas. Cache le ! » disait son père à une jeune fille déjà tourmentée par nombre de questionnements.
L’adolescence, cette période déjà difficile où le regard des autres est déterminant, est aussi celle où l’on connaît les premiers émois. De son côté, Mika Pagnat a toujours été attiré par les femmes. Pourtant, il ne parle pas de relations homosexuelles lorsqu’il repense à ses amours de jeunesses. « Là encore, j’ai tenté de rester dans la normalité. Car, me sentant garçon, le couple que je pouvais former avec une fille me semblait tout à fait banal… » Pas plus que lorsqu’il a épousé sa femme.
Monsieur Mika Pagnat
Un refoulement permanent qui, un jour, n’est plus possible. A 43 ans, Mika Pagnat se révèle et entame sa transition. « Cela a été un cataclysme dans ma tête, et dans ma vie », confie-t-il. D’abord soulagé, il comprend rapidement que « plus rien ne serait comme avant ». Une délivrance qui n’est pas sans conséquence, et à laquelle son couple ne résiste pas, la nouvelle personne qu’il est devenu ne correspondant plus aux attentes de son épouse. Une situation que cet optimiste convaincu parvient à positiver : « Aujourd’hui, nous nous aimons toujours, mais différemment ! Il s’agit d’un réajustement relationnel ! »
Une séparation qu’il a fallu expliquer à leur fille, Clémence. Tout autant que la transition de Mika Pagnat. Du haut de ses trois ans, et « encore vierge de cadre normatif, elle m’a beaucoup aidé », observe-t-il. Sans jugement, de manière un peu innocente, sans être naïve, la petite fille pose des questions : « Maman, pourquoi tu veux devenir un papa ? » Des interrogations auxquelles il a pris le temps de répondre, et qui font partie intégrante de sa transition. Aujourd’hui, Clémence a six ans, appelle Mika Pagnat, papa, « et tout va bien », termine-t-il simplement. Et, au travail, à l’école, pour les amis, la famille, l’administration… « C’est Monsieur Mika Pagnat ! »