Bouleversements. Cette semaine, c’est pour déjeuner que nous avons convié trois personnalités toulousaines à venir commenter l’actualité nationale. Sandrine Floureusses, François Cantier et Henry Mathon, nous ont rejoints au Télégramme pour livrer leurs impressions sur le remaniement ministériel, la difficulté de Nicolas Sarkozy à rassembler les siens et la réforme du licenciement économique.
Par Coralie Bombail et Séverine Sarrat
Rendez-vous était donné au Télégramme pour un déjeuner durant lequel nous avons demandé à nos invités, Sandrine Floureusses, François Cantier et Henry Mathon de franchir les frontières de notre département pour se tourner vers les événements nationaux. Alors que les veloutés de champignons sont délicatement déposés devant nous, le premier sujet est lancé. Sans allusion aucune avec la soupe qui fume sous nos narines, nous abordons le remaniement ministériel opéré par François Hollande… « J’attends simplement de voir ce vont faire les nouveaux arrivants. Vont-ils amorcer des réformes de fond ? » s’interroge Sandrine Floureusses, un sourire aux lèvres qui en dit long. À côté d’elle, Henry Mathon a lui, du mal à comprendre les raisons de ce remaniement : « Était-ce par simple correspondance avec un agenda politique ? Cela signifierait que le gouvernement s’éloigne un peu plus encore des considérations des citoyens français ! » Des interrogations vite confirmées par François Cantier : « L’on attend du président qu’il ait de grandes idées pour le pays, il est donc logique qu’il ait recours à du “bricolage”. Dans la perspective des prochaines élections présidentielles, ils devaient rallier les Verts et le PRG. C’est le jeu normal de la démocratie ! » C’est la loi du genre, comme le constatent nos trois invités. Cependant, Henry Mathon, rappelle tout le monde à la réalité : « Et en attendant, l’opinion publique est inquiète ! Ce bricolage politique n’est pas rassurant pour le pays. » Tous reconnaissent une certaine défiance envers les hommes politiques. Directement concernée, Sandrine Floureusses tient à préciser que cette défaveur ne concerne que les responsables nationaux, pas les élus locaux. Pour en revenir aux considérations ministérielles, nos invités prédisent une gouvernance difficile, certains des nouveaux arrivants ayant été très critiques vis-à-vis du gouvernement qu’ils viennent d’intégrer, « ce qui contribue au discrédit » pour le fondateur d’Avocats sans frontière.
« L’attrait du pouvoir est une chose extraordinaire ! » François Cantier
Henry Mathon, toujours pragmatique, rappelle tout de même qu’ils ont tous accepté leur poste en connaissance de cause : « Ayrault savait qu’il devrait traiter le dossier de Notre Dame des Landes ! » Mais comme le souligne Maître Cantier, « l’attrait du pouvoir est une chose extraordinaire ! » Dans la même verve, la nomination de Jean-Michel Baylet pose question, « lui qui s’est toujours opposé à la réforme territoriale, le voici au ministère chargé de l’organiser, c’est un comble ! » peste Sandrine Floureusses. Sans parler du conflit d’intérêts, car l’homme est également le patron de la Dépêche du Midi… « Le mélange des genres n’est pas concevable », lance-t-elle, approuvée par François Cantier : « il est clair qu’il y a conflit d’intérêts, mais cette nomination participe à la mise en ordre de bataille pour les prochaines présidentielles », conclut l’avocat.
Autre personnalité qui pense sérieusement aux présidentielles : Nicolas Sarkozy. Pourtant, il semble avoir des difficultés à rassembler son camp au vu de l’absence des principales têtes pensantes des Républicains, ce qui brouille les pronostics pour les primaires à droite. « Juppé est en tête et Coppé ressort de la mêlée… mais cela n’est pas inamovible. La profusion des offres – ils pourront bientôt monter une équipe de foot – démontre les appétits de chacun, encore faut-il que l’opinion publique s’y intéresse… » constate Henry Mathon. Rompue à l’exercice, Sandrine Floureusses rappelle que lors des primaires à gauche de 2011, « 4.5 millions de participants avaient été enregistrés, signe que le système des primaires plait ! » Certes, mais quelle image cela renvoie-t-il de la situation à droite ? « Une diversité désormais à droite comme à gauche, mais surtout des ambitions personnelles », note François Cantier. Pour nos invités, tout cela contribue à l’affaiblissement de N. Sarkozy, sans oublier sa dernière mise en examen et son bilan présidentiel… « Finalement, les Français ont de la mémoire », lance la vice-présidente du département. « Il est usé, il n’a plus la fraicheur qui l’animait en 2012, il est devenu un personnage clivant au sein de son propre parti », constate l’avocat, appuyé par Henry Mathon : « Désormais, celui qui rassemble à droite, c’est Juppé, devenu l’antithèse de Sarkozy ! » Les pronostics sont ici faits, à demi-mot. Le problème pour Juppé reste encore…
Henry Mathon : Qu’on lui ressert systématiquement l’affaire des emplois fictifs à la mairie de Paris pour laquelle il avait été condamné !
Sandrine FLoureusses : Ca n’empêchera rien, regardez les Balkani, ils repassent à chaque élection. En réalité, les Français ont une mémoire sélective !
François Cantier : Il n’y a pas de cohérence. Ils critiquent la classe politique et réélisent des gangsters…
« Nous rassurons soit les chefs d’entreprises, soit les salariés, mais où est la vision globale ? » Sandrine Floureusses
Après avoir englouti les risottos de blé et le saumon, nos invités s’attaquent au dessert, et par la même occasion au dernier sujet : la possible réforme sur les licenciements économiques. Pour Henry Mathon, le problème de fond est en réalité le Code du travail : « Doit-on donner plus d’importance aux conventions d’entreprises ? Plus de concertations au sein des sociétés, sur le terrain serait pour moi plus efficace, mais cela va à l’encontre des syndicats qui préfèrent les accords nationaux. » Position que partage totalement Sandrine Floureusses, tout en précisant que le gouvernement devra faire attention au message délivré : « Nous avons tendance à rassurer soit les chefs d’entreprises, soit les salariés, mais où est la vision globale qui prendrait en compte les difficultés des deux ? » Il faudrait donc une nouvelle façon d’entrevoir les entreprises et le travail. « Mais, justement, c’est bien le Code du travail qui garantit l’égalité entre les patrons et les employés. Ainsi, comment y toucher sans créer d’inégalités qui entraveraient le développement des entreprises et celles des salariés ? » s’interroge François Cantier, interrompu par le chef d’entreprise : « Pourtant, il faudra bien le revoir. Nous ne pouvons pas rester dans cette situation bloquée ! » Ce qui n’est pas du goût de la vice-présidente du département qui souligne que ce n’est pas cela qui rendra des parts de marché aux entreprises ou créera des emplois. L’avocat, spécialiste, concède toutefois que le Code du travail est partisan, « qu’il ne protège que les salariés ! » La seule solution serait alors l’intelligence des hommes, malheureusement « nous avons fait moins de progrès en sciences sociales qu’en sciences technologiques ou industrielles ! »
C’est sur cet amer constat que nos trois invités se séparent, chacun repartant avec ses convictions.
Encadré :
Photo Télégramme +
1 rue Gabriel Péri à Toulouse
05.61.20.42.60
Mini-bios :
Sandrine Floureusses : Vice-présidente du Conseil départemental de Haute-Garonne, elle est en charge de l’emploi et de la diversification économique. Élue depuis 17 ans, elle aime à dire qu’elle « a traversé la vie du département » ! En indisponibilité, cette fonctionnaire territoriale au mandat unique se dédie exclusivement aux questions d’emploi, de lutte contre l’exclusion et le partage des richesses.
Henry Mathon : A 49 ans, ce Toulousain d’origine est le directeur de Prévifrance, mutuelle employant 500 salariés et au chiffre d’affaires atteignant 150 millions d’euros. Après avoir été banquier pendant presque 10 ans, puis conseiller dans un cabinet de courtage, il prend la tête de la Prévifrance en 2002.
François Cantier : Cet avocat toulousain est le fondateur de l’association Avocats sans frontière, mais aussi de l’École des droits de l’Homme (2006) dont il est le président. Il est également engagé dans la société civile en francophonie, puisqu’il préside l’Organisation internationale non gouvernementale de la francophonie.
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