Intimité. Méconnue, voire sous-estimée, l’influence des conjoints dans le monde politique est souvent un élément crucial dans le parcours d’un personnage public.
Par Thomas Simonian et Coralie Bombail
On connait tous les couples Clinton, Obama et Chirac. Mais un peu moins les Moudenc, Plancade ou Laroze. Pourtant, même au niveau toulousain, les conjoints prennent toute leur place dans les trajectoires politiques de leurs moitiés. La preuve avec le maire historique de la ville, Dominique Baudis, pour qui l’épouse Ysabel a joué un grand rôle en coulisses : « Son influence a été fondamentale. J’ai même la conviction qu’elle avait une ambition politique plus forte que celle de son mari. Elle avait de l’ambition pour deux. Dominique avait lui l’imaginaire de la conquête du pouvoir, mais pas toujours la volonté », analyse Stéphane Baumont, biographe de l’ancien maire. Dernier exemple en date dans la ville rose, celui de Blandine Moudenc, épouse du maire et nommée chef de cabinet adjointe à Toulouse Métropole. La nouvelle n’a pas manqué de susciter les réactions de leurs détracteurs. Mais pour Blandine Moudenc, « être la femme de Jean-Luc est un avantage pour ce poste-là ; c’est cohérent, car je connais ses habitudes de travail, sa pensée politique, sa manière de faire les choses. » Son rôle aujourd’hui est à la fois « administratif » (organiser le temps de travail) et « relationnel » : « Je fais le lien entre les 36 maires de la communauté urbaine et le président sur les différents dossiers à traiter. Ils se sentent en confiance car ils savent qu’il n’y a pas de doutes à avoir sur ma proximité avec lui », confie-t-elle. Il faut dire qu’elle avait déjà eu l’occasion de rencontrer certains maires lorsqu’elle était assistante parlementaire de Jean-Luc Moudenc. Elu en 2012 sur la 3e circonscription, il donne pour la première fois un rôle officiel à son épouse, dans les bureaux du Palais Bourbon. Blandine Moudenc, diplômée de sciences politiques Toulouse, défend ses compétences : « Je l’ai toujours vu comme un travail, et non comme une preuve de faveur », estime-t-elle. « Comme beaucoup de gens nous nous sommes rencontrés dans le cadre professionnel quand je travaillais au service presse de la Région, dont il était le directeur. J’étais à l’époque une jeune militante centriste. Nous avons les mêmes profils, on partage la même passion et on travaille bien ensemble », argumente Blandine Moudenc, qui n’a jamais voulu faire « de la figuration ». D’un point de vue plus personnel, elle avoue qu’il est « difficile de tenir des années ensemble quand l’un est engagé en politique et l’autre non, car c’est une passion qui ne s’arrête pas le soir à la maison, elle prend 99% du temps. Pour nous, c’est un centre d’intérêt en commun. » Quand on lui demande si elle pense avoir ou avoir eu une influence sur son époux, elle répond : « Le rôle important que j’ai pu avoir, c’est au niveau du moral, en continuant à le soutenir dans les moments difficiles de la vie politique. »
« C’est une passion qui ne s’arrête pas le soir à la maison »
A minima, le conjoint est en effet un soutien moral, mais certains à l’image de Blandine Moudenc ont un statut officiel. C’est le cas également de Myriam Plancade, épouse du sénateur Jean-Pierre Plancade, « une femme très influente, qui a une très, très forte personnalité », témoigne Yvette Benayoun-Nakache, ancienne députée PS, qui a côtoyé de près le couple au début de la dernière campagne municipale. « J’ai voulu aider un ami mais je ne connaissais pas sa femme, je n’avais pas compris qu’elle veillait sur tout, et moi je ne suis pas une supportrice de madame Plancade ! », s’exclame-elle. Celle qui était alors encore conseillère municipale décide même de claquer la porte de l’équipe de campagne, « quand je me suis rendu compte qu’elle défaisait par derrière tout ce que je faisais.» Une autre personnalité qui connaît bien le couple détaille : « Elle le coach. C’est même elle qui prend en charge le recrutement des collaborateurs … » Myriam Plancade dépasse donc le simple rôle d’assistante parlementaire, elle œuvre en coulisses pour défendre les intérêts de son époux.
Autre cas de figure, le couple Laroze. Si l’homme est connu pour ses 30 candidatures, sa conjointe, très discrète mais non moins militante convaincue, a toujours accompagné son mari dans les diverses campagnes. « En 1980, on a découvert Jean-Marie Le Pen ensemble dans une petite salle de Toulouse », raconte Serge Laroze. Depuis, chez les Laroze, le FN est une histoire de famille. Même les enfants (deux sur trois en réalité) soutiennent le mouvement. « Ça n’a pas toujours été facile, se souvient Heide-Marie Laroze. Au début quand on s’affichait FN, c’était l’horreur. Il fallait faire face aux insultes, aux filles qui rentrent en pleurs du lycée. » Elle-même a toujours assumé ses convictions, mais « j’aurais peut-être moins foncé que mon mari », confie-t-elle. Aujourd’hui que le FN est en phase de dédiabolisation, le couple exulte : « Je savais que ça arriverait ! », lance Serge Laroze. Heide-Marie a d’ailleurs franchi le cap de la candidature aux dernières élections cantonales. Elle est également sur la liste de son mari aux municipales à Toulouse, et prend goût à la campagne : « J’ai aidé à tracter, à coller les affiches, j’ai parlé avec les gens pour essayer de les convaincre », énumère-t-elle. Au final, dans ce couple, c’est peut-être davantage Serge Laroze qui a eu de l’influence sur l’engagement de sa conjointe.
Les femmes ont aujourd’hui de plus en plus de poids dans les appareils politiques, et à Toulouse Elisabeth Husson-Barnier a fait office de précurseur. En 2006, elle devient la présidente départementale de feu l’UDF. Une conquête qui n’aurait sans doute jamais pu se faire sans le soutien de son époux : « Il m’a toujours accompagné dans mes combats, et partage mes idées en politique. » Mais celle qui a également été élue murétaine de 2001 à 2008 défend également une certaine forme d’indépendance : « Je viens souvent chercher chez lui des confirmations. Mais il m’arrive aussi d’avoir des avis contraires et de m’y tenir. » Quand Elisabeth Husson-Barnier regarde dans le rétroviseur elle reconnaît volontiers que sa trajectoire aurait sans doute été différente sans ce soutien : « J’aurais agi, j’aurais fait, mais sans doute différemment. Je pense que j’aurais été moins tenace dans le temps. »
Il y a sans doute un point commun à toutes ces expériences de couples en politique. Le conjoint est toujours admiratif face à la personnalité de celui qui est dans la lumière … Notre politologue Stéphane Baumont aime à rappeler, le sourire en coin, une citation d’Alexandre Sanghinetti (ministre sous Pompidou) sur l’admiration que portait Marie-France Garraud à l’encontre de Jacques Chirac : « Quand il parle, c’est elle qui bande ! » Un bon résumé, non ?
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