De la part de : Jean-Louis Cesses
Dans la vie, il est administrateur dans l’industrie aéronautique, et détaché au syndicat CFE-CGC. Dans le microcosme politique, il est plus connu pour avoir brigué la mairie de la Salvetat Saint Gilles aux dernières municipales. Aujourd’hui, il est conseiller minoritaire de cette ville, et secrétaire adjoint du Parti radical de la Haute-Garonne.
Destinataire de la lettre : Pierre Mendès France
Ce radical socialiste a participé à la coalition du Front populaire dans les années 1930. Résistant de la première heure durant la seconde guerre mondiale, il est nommé président du Conseil par le président René Coty en 1954 et tente de réformer l’Algérie. Il incarne une figure morale pour une partie de la gauche en France.
Mon très cher Pierre,
Je sais d’avance que tu pardonnes les trop fréquentes irrégularités de ma correspondance. Les missives intemporelles que je t’adresse occasionnellement ont autant de sens et de logique que la bouteille du naufragé jetée à l’océan. Il est d’ailleurs fort probable que mes SOS ne te parviennent jamais. Mais la nécessité à quérir ton conseil guide ma plume jusqu’à dépasser l’entendement et la raison cartésienne. Les bouleversements de notre France m’interpellent et m’inquiètent avec la même intensité que celle du naufragé. Tout comme lui mon désespoir transcende ma raison et m’octroie l’énergie nécessaire à lancer ma bouteille par-delà les écueils, dans la zone où commencent les abysses du temps.
Mon cher Pierre, la nature de ton engagement ainsi que la richesse de ta vie sont pour moi une source d’inspiration. Aujourd’hui les événements que tu as vécus semblent se refléter dans notre quotidien comme si l’histoire recommençait. Il est troublant de comparer tes années trente à notre époque actuelle.
« En 1929, la crise économique débutait aux Etats-Unis et finit par toucher lourdement la France. L’austérité et la rigueur budgétaire sont instaurées par le gouvernement en place. Les faiblesses et les déséquilibres structurels de nos administrations sont accentués par la crise et achèvent de plomber le pays. L’économie française n’est plus compétitive, la ruralité est également lourdement impactée par la chute des prix, l’industrie se meurt, les faillites se multiplient. Toutes les catégories sociaux-professionnelles sont touchées par le chômage. L’impuissance des gouvernements successifs déconcerte les Français d’autant plus que les scandales financiers se multiplient et éclaboussent la quasi-totalité des élus. La division des politiques affaiblit la République. La guerre d’Espagne fait rage, perdue dans ses méandres la France est dans l’incapacité d’intervenir politiquement afin de faire rétablir la paix à ses frontières. Les grands partis politiques se disloquent face à la montée du nazisme, la gauche et la droite restent figées ne sachant si elles doivent intégrer ou rejeter ces idées extrémistes ! »
Mon très cher Pierre, comment ne pas frémir, à la vue de ces similitudes ? Et comment réagirais-tu aujourd’hui ? La pensée qu’à cette époque, ton action et ton énergie n’ont pu suffire à enrayer la guerre et son cortège d’horreurs me perturbe au plus haut point. Ces questions s’entrechoquent en moi en étincelles de doutes. Notre société est souffrante d’une longue maladie qui semble incurable. Ses maux nous fragilisent et confèrent à notre destin un périlleux déséquilibre. Faisons-nous actuellement les bons choix ? J’imagine, qu’en ton temps, la véracité de tes orientations apparaissait n’avoir pas plus de certitudes que les nôtres aujourd’hui. Néanmoins, ton message a traversé les époques et vit toujours avec force. Ton influence a correctement orienté notre destin à jamais. Pour cela mon ami, tu seras toujours pour moi une belle référence.
Pierre Mendès France : « La démocratie, c’est beaucoup plus que la pratique des élections et le gouvernement de la majorité : c’est un type de mœurs, de vertu, de scrupule, de sens civique, de respect de l’adversaire : c’est un code moral.»
Phrase exergue : « Aujourd’hui les événements que tu as vécus semblent se refléter dans notre quotidien comme si l’histoire recommençait. »
Commentaires