REFLEXION. Les urnes ont parlé et l’entre-deux tours est un moment propice à la prise de recul, une période d’analyse et d’interrogations auxquelles Sophie Nicklaus, Raphaël Isla et Philippe Lasterle n’ont pas manqué de s’adonner. Seul sujet évoqué par nos invités, les élections régionales monopolisent les attentions.
La politique est un sujet rassembleur ou qui divise, qui attise les réflexions ou qui fait peur. En témoigne la difficulté que le Journal Toulousain a rencontrée pour trouver des intervenants, non-présents sur les listes des régionales, qui acceptent de commenter les dernières élections. Sophie Nicklaus, Raphaël Isla et Philippe Lasterle ont accepté de se prêter au jeu et de revenir sur le premier tour qui a eu lieu dimanche dernier. Pour lancer les débats, c’est l’abstention qui retient leur attention. « Un électeur sur deux n’a pas été voter. À Toulouse, 50% des personnes inscrites sur les listes électorales ne sont pas exprimés. C’est loin d’être anodin », lance Sophie Nicklaus, notant un désarroi certain des Français. Il est alors légitime de s’interroger sur la réelle représentativité dans ce scrutin, ce que font nos invités : « Je connais de nombreuses personnes qui ont toujours voté, mais qui, cette fois, ne l’ont pas fait, estimant ne se reconnaître dans aucun candidat ou que celui à qui ils auraient donné leur voie les a déjà trahis », constate Raphaël Isla, coupé par Philippe Lasterle, dubitatif : « J’ai du mal avec cet argument, car l’offre justement était importante, comprenant même des groupes n’ayant pas vocation à gouverner ! » Effectivement, 11 candidats se sont présentés pour ce premier tour des élections régionales en Midi-Pyrénées, mais pour le représentant du Parti pirate, « il s’agit plutôt de sympathisants socialistes qui ont eu marre de la politique menée par le PS ! »
« L’erreur est de s’adresser aux militants et pas aux Français ! » Philippe Lasterle
Mais l’abstention soulève également la question du calendrier électoral. En 2014 ont eu lieu les élections municipales, européennes et sénatoriales. En 2015, c’était au tour des départementales et des régionales, « peut-être pourrions-nous envisager de voter pour tout le même jour, comme aux États-Unis. Ainsi, l’abstention serait peut-être moins forte ! » avance Philippe Lasterle. Pour lui, les électeurs sont trop souvent sollicités et finissent par se lasser, le mode de scrutin ne les aidant pas à se mobiliser, « il faut simplifier les choses », poursuit-il. En revanche, cette idée ne séduit pas Sophie Nicklaus, pour elle « un seul vote amènerait à se désintéresser de la politique, qui régit pourtant la vie quotidienne des Français, pendant une trop longue période ! » Elle, évoque une crise démocratique pour expliquer l’abstention : « Par ce phénomène, les Français nous demandent de changer nos propositions, mais ils ne sont pas entendus. » Étant en contact permanent avec l’appareil politique, le centriste Philippe Lasterle est plus sévère : « Les gens sont en demande d’éthique, d’arrêt des cumuls, d’élus exemplaires et ce n’est pas le cas ! L’erreur des partis politiques est de s’adresser à leurs militants et pas aux Français ! » Paradoxalement, forcé de constater que certains politiques, soupçonnés de malversations ou même condamnés, parviennent à être élus. Une indulgence que nos invités ne s’expliquent pas. Pour Raphaël Isla, c’est le mode de scrutin qu’il faut revoir : « pour parvenir à une réelle représentation de la population, je pense à un bulletin unique et une vraie proportionnelle à un seul tour. » La militante écologiste acquiesce : « Cela obligerait en plus les partis politiques à travailler ensemble ! »
« Battons-nous ensemble où nous crèverons tous chacun dans notre coin !» Raphaël Isla
Outre l’abstention, le score réalisé par le Front national, en tête dans six régions et au niveau national, soulève de vives réactions chez nos invités du jour. « Leurs candidats départementaux sont totalement inconnus et inexpérimentés », constate Philippe Lasterle avant que Sophie Nicklaus ne renchérisse : « En plus, Louis Aliot a précisé qu’il ne siégerait pas s’il n’était élu président de la région. Voyez l’état d’esprit ! Ils n’ont que faire de l’avenir de notre territoire, ils préparent en réalité les présidentielles ! Chaque élu leur rapportant des budgets, ils vont s’enrichir, se placer pour les élections nationales. » Concernant l’analyse des votes FN, tous s’accordent sur leur nature : « le cumul de l’expression d’une contestation et d’une défiance au gouvernement ainsi que d’une racine réactionnaire et raciste, qui reste l’ADN du Front national. » Ils identifient alors deux enjeux majeurs, à savoir la circonscription du vote contestataire et l’expression de la diversité à droite comme à gauche.
Sophie Nicklaus : « Dans le bloc de droite, c’est zéro ! »
Philippe Lasterle : « Effectivement, il n’y a pas de têtes de liste UDI et il n’y a même pas de femmes »
Sophie Nicklaus : « Ils préfèrent payer des amendes que de penser à la représentativité de leurs électeurs ! »
Philippe Lasterle : « Quant au PS, ils maintiennent le Parti radical de gauche sous perfusion et méprisent les autres »
Sophie Nicklaus : « Il est vrai qu’il est difficile d’exister lorsque l’on est une minorité dans la majorité ! »
« Il est difficile d’exister lorsque l’on est une minorité dans la majorité ! » Sophie Nicklaus
À l’aube du second tour, les négociations entre partis font rage et les stratégies sont différentes. Le PS a appelé publiquement ses candidats arrivés en troisième position à se retirer pour faire obstacle au FN. Les Républicains, eux, ont choisi de se maintenir. « Il est compréhensible que les candidats LR souhaitent continuer au 2d tour, ils sont légitimes. De même, que je comprends aussi le mot d’ordre du PS, leur retrait permettant de faire barrage au FN, même si cela donne des arguments à ces derniers pour se victimiser », explique Raphaël Isla. Pour certains, le cas de conscience se pose, comme pour la militante écologiste : « imaginez être sympathisant de gauche, habiter en PACA et avoir le choix entre Estrosi et Le Pen ! » Et le représentant du Parti pirate d’ironiser : « Ah bon, mais il y a des électeurs de gauche en PACA ? » Cette boutade fait rire tout le monde et détend quelque peu l’atmosphère qui s’est appesantie depuis l’évocation du score frontiste. Car « si le FN prend notre région, nous serons rétrogradés au niveau européen et deviendrons le laboratoire d’une politique d’exclusion », peste Philippe Lasterle, précisant qu’il est important de rappeler ce qu’est le Front national : « Leur histoire est celle de Vichy, c’est un parti dynastique, corporatiste, raciste, homophobe, et ce n’est pas ça la République ! Le FN n’a rien d’un parti républicain ! » Les trois convives parlent alors à l’unisson : « Il faut tout faire pour les empêcher d’accéder au pouvoir ! » Et Raphaël Isla de conclure : « Battons-nous ensemble où nous crèverons tous chacun dans notre coin !»
Mini-bios :
– Sophie Nicklaus : Militante écologiste, membre de la commission nationale ”Partage 2.0” menant des réflexions sur de nouveaux modes de travail, elle a été la porte-parole d’Europe Ecologie Les Verts. Elle était candidate sur la liste Alternative citoyenne aux dernières élections départementales, mais n’a pas souhaité mener une nouvelle campagne pour les régionales : « une par an, c’est suffisant ! »
– Raphaël Isla : Il est le porte-parole de la section locale Midi-Pyrénées du Parti pirate et s’est présenté, sous cette étiquette, aux élections législatives de 2012, aux européennes en 2014 et a participé aux municipales, sur la liste de rassemblement d’Europe Écologie Les Verts. Informaticien de formation, il est également un fervent défenseur de la culture occitane.
– Philippe Lasterle : Centriste depuis toujours, il s’est engagé auprès du CDS avant de devenir l’un des membres fondateurs de l’UDI en 2012. Il est collaborateur d’élus au Conseil départemental, après l’avoir été à Toulouse Métropole, au Conseil régional et à la mairie de Toulouse. Ce militant de toutes les heures est également engagé à la Licra et à l’association Refuge qui milite pour la cause gay.
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