Organisé par la Fondation Oïkos pour mieux comprendre les enjeux globaux qui ont un impact sur l’économie et ainsi promouvoir un entrepreneuriat responsable, le Davoïkos a réuni 160 participants dans l’hémicycle de l’hôtel de Région. Un serious game en forme de sommet international, qui a tout de même abouti à la reforestation de l’Amazonie !
« Bonjour, vous êtes intellectuel ? », « Ah non, je suis l’Union Européenne ». Au Davoïkos, les participants découvrent au dernier moment leur délégation et leurs coéquipiers d’un soir, ce qui donne lieu à des échanges amusés. A leur arrivée à l’hôtel de Région, où se déroule ce serious game géopolitique organisé par la Fondation Oïkos, engagée en faveur d’une économie plus responsable, chacun reçoit un document dans lequel est résumé le contexte propre à son groupe ainsi que les objectifs qu’il doit atteindre. Les chinois ont par exemple pour mission de contrer le protectionnisme de Donald Trump tout en trouvant un partenaire pour produire de l’électricité renouvelable et non carbonée. Les ONG, malgré des moyens financiers inférieurs à ceux des lobbys industriels, doivent plaider la cause d’une développement juste et équitable.
Pour aider les participants à endosser leur costume, le Davoïkos s’est doté d’un maître du jeu de choix. Avant de donner le top départ aux joueurs impatients d’en découdre, Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Inris), se livre à un rapide tour du monde des enjeux et blocages internationaux, décrivant « un village global sans conseil municipal, miné par le court terme ». Très efficace, la délégation des industriels boude le buffet et reste dans l’hémicycle pour définir sa stratégie. Certains réfléchissent à la manière de convaincre les États de ne pas passer à la transition énergétique. « Non, il faut dire que nous ne voulons plus être les grands méchants et que nous souhaitons être acteurs de cette transition, c’est dans notre intérêt », estime au contraire un autre membre. Chez les américains, un invité de marque relève l’ambiguïté du jeu : « doit-on jouer selon ce que sont les États-Unis à l’heure actuelle ou selon ce que nous aimerions qu’ils soient ? » interroge Pierre Cohen, ancien maire de Toulouse.
« Chacun à un rôle à jouer »
Dans l’incessant flot d’aller et venues, un membre de la délégation des ONG fait triste mine : « J’avais pour mission de discuter avec la Russie sur les droits de l’homme, je me suis heurté à un mur. » Justement, une rumeur parcourt soudainement l’assemblée : les Russes seraient sur le point de quitter le sommet. Fake news rapidement démentie au micro des étudiants en journalisme de l’ISJT, qui relayent en direct l’événement.
Fin du premier round. Un rapporteur de chaque délégation vient rendre compte de l’avancée des négociations. Pascal Boniface délivre les bons et les mauvais points. « Que la Chine s’intéresse à l’écologie, c’est réaliste, vu que la pollution devient un handicap pour sa croissance. Par contre, le jour où elle annoncera un accord sur les droits de l’homme n’est pas près d’arriver ». De même, l’expert doute que le pays accepte de dépendre de la technologie américaine pour des véhicules propres comme annoncé plus tôt, sous les hourras des partisans de l’Oncle Sam.
C’est parti pour une deuxième salve d’échanges. Désormais échauffés, les joueurs incarnent leur rôle avec enthousiasme. A l’image de ce représentant chinois menaçant les américains de leur couper le robinet des terres rares afin qu’ils abaissent leurs barrières douanières. Au fond de l’hémicycle, intellectuels et ONG ont enfin réussi à se rencontrer et préparent une déclaration commune pour annoncer un projet d’université mondiale du bien commun.
« J’ai dû garder mon calme à certains moments »
A l’issue de cette seconde session, les restitutions se font plus vraisemblables : les États-Unis taclent des intellectuels « déconnectés des vrais gens » et la Russie dénonce des ONG à la solde des américains. Pour autant, plusieurs accord de coopération ont été trouvés. La Russie et l’Union Européenne ont signé des accords gaziers conduisant à la baisse de la production russe, la Chine s’est engagée à accueillir des étudiants européens et la question des voitures propres a avancé partout dans le monde. Les lobbys industriels ont même décidé de participer à la reforestation de l’Amazonie ! « Je ne sais pas si on a fait mieux que les vrais dirigeants mais, en tout cas, je ne pensais pas rentrer à ce point dans le jeu. J’ai même dû garder mon calme par moments », débriefe un participant.
« Certaines propositions qui ont émergé ce soir sont réalistes et d’autres peuvent sembler inenvisageables. Mais des situations que nous connaissons à l’heure actuelle nous paraissaient impossibles il y a 50 ans », note Pascal Boniface, ravi d’avoir participé à ce jeu sérieux : « Des gens qui ne se connaissaient pas ont réfléchi ensemble en faisant preuve d’empathie. C’est assez rare et primordial. Car, quelle que soit leur degré d’autorité, tous les dirigeants ont intérêt à prendre en compte l’opinion de leur société civile. Donc chacun à un rôle à jouer. »
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