Crise. Il faut se serrer la ceinture. Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse n’a de cesse de le seriner : « On ne s’attendait pas à une telle baisse des dotations de l’Etat ». Conséquence, il faut réduire tous les budgets possibles et au premier chef d’entre eux, celui de la culture et des nombreux festivals qui animent la ville et la région. « Faire mieux avec moins », est-ce possible ?
Par Aurélie Renne et Coralie Bombail
Tout art a son festival. Rares sont les périodes de l’année où il ne se passe aucune manifestation culturelle dans Toulouse et alentours. Une richesse qui participe au rayonnement de la région, mais qui a un coût. Tous les festivals sont subventionnés (plus ou moins) par les collectivités. Mais en ces temps de restrictions budgétaires, le ‘‘retour sur investissement’’ est plus que jamais passé au crible. Ces dépenses sont-elles justifiées par le nombre de participants ? Par l’aura de la manifestation au niveau national voire international ? Peut-on rationnaliser (et rationner) la culture ? Toutes ces questions sont d’actualité. D’ailleurs un diagnostic externe sur La Novela, fête de la connaissance lancée par l’ancien maire Pierre Cohen, actuellement en cours, avait été confié au cabinet Emergence Sud en octobre dernier. Une démarche qui s’est imposée, suite « aux réserves voire aux critiques recueillies sur le sujet », rapporte Francis Grass, adjoint à la culture au Capitole, également vice-président de la commission culture à Toulouse Métropole. Le résultat devrait arriver d’ici quelques jours à Toulouse Métropole, mais on sait d’ores et déjà que la formule va changer : « Les résultats vont définir ce que l’on fait de la culture scientifique… a minima l’événement deviendra biennal. Sans dire que l’événement disparaîtra, on peut être sûr qu’il se transformera. » D’ailleurs, le quai des savoirs qui devrait ouvrir ses portes en fin d’année devrait s’associer à la nouvelle formule de la Novela.
Même sort pour le Festival international d’art de Toulouse (ex-Printemps de septembre qui va d’ailleurs retrouver sa première appellation). Suite à la baisse de la subvention municipale de 10 %, le conseil d’administration du festival a décidé de passer à une édition biennale. Une manière de « thésauriser pour partie les financements de la ville sur deux ans afin d’amplifier les projets de la manifestation », explique Frédérique Mehdi, secrétaire générale du festival. Point positif, les organisateurs mettent tout en œuvre pour réadapter le concept : « Nous ouvrirons courant 2015 une vitrine au centre de la ville; lieu d’échange, de rencontres, d’expositions, de performances, de convivialité, cet espace de travail sera une sorte de “teaser”, vivant et accessible, et permettra à tous d’assister à la gestation du festival », annonce-t-elle. Point négatif, l’édition 2015 en cours de préparation a été annulée. « Si nous avions amorcé certains projets, en septembre dernier il restait encore beaucoup à faire et rien n’avait été réellement fixé. Seule l’exposition de Franz West orchestrée par Luc Bondy se dessinait plus précisément », tempère Frédérique Mehdi. Le budget de la prochaine édition n’est pas fixé, « mais nous devrions augmenter conséquemment nos capacités de production ». Pour info, le budget annuel du festival s’élevait en moyenne à « 1. 550. 000 euros par an, répartis entre des subventions publiques à hauteur de 70% et des apports privés pour les 30% restant». Les expositions étant gratuites, il n’y a aucune recette engendrée par les visiteurs, pourtant de plus en plus nombreux. La fréquentation avait augmenté de 25% entre 2013 et 2014 pour atteindre les 130.000 visites.
Rio Loco amputé d’un jour
Rio Loco, plus gros festival des musiques du monde d’Europeva également subir les foudres de la restriction budgétaire… « Ce n’est plus un secret pour personne, les budgets sont contraints, il nous faut les maîtriser en maintenant le qualitatif. Pour cela deux options : baisser les coûts ou augmenter les recettes… » Hervé Bordier directeur général du festival depuis 2011 complète les propos de l’élu : « Le budget annuel alloué à Rio loco de 1,4 million va baisser de 10 à 20% mais cela va surtout s’exprimer par une réduction du nombre de soirées à la Prairie des filtres ». Ainsi Rio loco 2015 sera 5 jours à la Prairie des filtres (du 16 au 20 juin) et le 21 en journée en centre-ville avec des concerts gratuits. « On réduit la voilure mais c’est un festival qui marche, il est ancré dans l’histoire de la ville. » Bien que l’édition 2014 reste un souvenir amer pour les organisateurs puisque les grèves à répétition avaient entraîné la gratuité et donc 0 recette par la billetterie, chaque édition amène une moyenne de 100.000 personnes sur le site. 210.000 pour l’édition 2013, soit 360.000€ de recettes. « Un équilibre budgétaire encore à trouver » comme l’explique Hervé Bordier qui espère que le programme actuellement concocté, véritable clin d’œil à l’Occitanie sera un succès. Une chose est sûre : « le fait de réduire le festival d’une journée (soit 4 groupes en moins ndlr) cela peut nous donner plus d’aisance sur le choix des artistes… » poursuit Hervé Bordier. Un constat que corrobore Francis Grass : « des belles têtes d’affiche peuvent être un moyen d’attirer plus de public et d’augmenter les recettes ».
Le Marathon des mots épargné
Mis en place par Jean-Luc Moudenc en 2005, il a été perpétué en l’état par l’équipe Cohen. En 10 ans d’existence, la subvention municipale (aujourd’hui de la métropole) n’a jamais changé d’un iota, soit 400.000€ par an, sur un budget total de 700.000€. Cette manifestation culturelle souvent jugée ‘‘élitiste’’ a été accusée en septembre dernier de ne pas valoriser suffisamment les écrivains et artistes locaux. Le problème est réglé selon Serge Roué, directeur du festival littéraire : « J’ai rencontré Didier Goupil et Pascal Dessaint (deux auteurs toulousains meneurs de la « fronde » contre le Marathon des mots, ndlr) pour mettre les choses à plat dans un esprit constructif », assure-t-il. Le Marathon des mots s’est engagé à créer une bourse de soutien à la création de spectacles en région, qui seront proposés lors de ses manifestations. Lors de la prochaine édition en avril, Pascal Dessaint est invité à présenter son dernier roman. Mais les effets de cette « rencontre » seront surtout perceptibles lors de l’édition de juin, dont la programmation sera révélée d’ici trois semaines. Dans la convention entre le festival et Toulouse Métropole (en cours de préparation), la présence d’artistes du cru est une des conditions posées. Tout comme « les objectifs en termes de fréquentation, l’organisation de manifestations dans plusieurs villes de la métropole et le rayonnement au niveau national et international », précise le directeur. Depuis l’an dernier, le festival s’est divisé en trois temps : le marathon d’automne, d’avril et de juin. Un changement qui n’a pas tant permis d’augmenter le nombre de participants – environ 70.000 par an – mais de « diversifier notre public », selon Serge Roué. Quant à l’aura du Marathon au-delà de Toulouse, comment peut-on la mesurer ? « Lorsqu’on prend contact avec des intervenants étrangers, on se rend compte qu’ils connaissent le Marathon des mots, des têtes d’affiche françaises comme Jean Rochefort et Pierre Arditi témoignent du rayonnement national tout comme Le Monde qui ouvre ses pages avec le festival », argumente Serge Roué. Le festival campe tout de même parmi les dix manifestations les plus subventionnées par le ministère de la Culture, qui lui alloue 80.000€ par an, via le centre national du Livre. Ce n’est pas la crise pour tout le monde.
Chiffres clés :
Jazz in Marciac : budget 3,6 millions/fréquentation 260.000 personnes
Marathon des mots : budget 700.000€/fréquentation 70.000 personnes
Rio Loco : 1,4million /fréquentation 110.000 personnes (chiffres 2013)
Le Printemps de septembre : 1,5 million/fréquentation 130.000 personnes
La Novela : Budget 1,3million/fréquentation 90.000 personnes (chiffres 2013)
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