Multifonctions. Entre le cumul des mandats le cumul de fonctions liées aux mandats, nos élus sont bien souvent au four et au moulin. Est-il possible de tout faire ? Témoignages…
Par Coralie Bombail et Thomas Simonian
Dans deux ans, certains devront choisir. La loi sur le non cumul des mandats entre en vigueur en 2017 et il sera dès lors impossible de cumuler un mandat exécutif local avec celui de parlementaire : « Nos élus ont repoussé tant qu’ils pouvaient cette réforme, mais la véritable question reste tout de même la question du cumul dans le temps. Cela éviterait d’installer des barons locaux, et mettrait un peu de clarté dans notre démocratie », entame l’universitaire Stéphane Baumont. La vie entre Toulouse et Paris est le quotidien de certains élus toulousains. Laurence Arribagé (UMP) en est l’exemple type. Adjointe au maire en charge des sports à Toulouse et députée de la 3ème circonscription, elle admet que ces fonctions « sont chronophages, mais j’arrive à m’organiser grâce à une équipe très efficace ». Entre les jours en mairie, les permanences parlementaires, l’Assemblée nationale, les matchs et autres événements sportifs, il faudrait quasiment un don d’ubiquité pour être partout. «Heureusement, j’ai une délégation renforcée ce qui permet de partager le travail avec Marie-Hélène Mayeux Bouchard (adjointe chargée des relations avec les clubs sportifs, ndlr)», précise l’élue qui reconnaît « cibler les événements » auxquels elle participe de manière le plus juste possible « pour ne pas aller toujours aux mêmes endroits ». Par ailleurs, trois assistants parlementaires s’affairent à organiser son temps mais également à effectuer des recherches sur les différents projets de loi à l’étude. « Je n’hésite pas à demander leur avis, le débat peut même être contradictoire.» En outre, Laurence Arribagé a été nommée par Nicolas Sarkozy, secrétaire nationale de l’UMP en charge des sports. À ce titre, elle participe tous les mercredis soirs à une réunion au siège du parti et prend part aux permanences tournantes imposées par le chef Sarkozy. Elle doit également commencer à réfléchir, à l’instar de tous les secrétaires nationaux, à une « convention de pré-projet pour les présidentielles. » « Pour l’instant, je suis debout, je vais bien ! », s’amuse l’élue, « et si un jour je n’arrive pas à tout gérer, je le dirai.» Dans 2 ans, la loi se chargera de « réguler » à la place des élus… « Je ne sais pas encore comment elle va s’appliquer mais j’espère pouvoir rester simple conseillère municipale pour garder un pied dans ma ville ». Sa collègue, Brigitte Micouleau, sénatrice et adjointe en charge des séniors confirme que ces deux mandats sont parfaitement compatibles : « Certes, il y a beaucoup de travail si on veut bien faire les choses, mais pour ma part, je n’ai pas une grosse délégation donc je n’ai aucun souci à gérer les deux », affirme-t-elle. Lundi, 7h30, Brigitte Micouleau est sur le pont à la mairie, avec son service, « pour recevoir les personnes qui souhaitent me voir, il faut savoir que les séniors sont très demandeurs ». Lundi soir, elle s’envole pour Paris pour se consacrer à son travail de parlementaire à la commission des affaires sociales, jusqu’au jeudi. Retour au Capitole le vendredi « jusque tard le soir ». Ce à quoi, il faut rajouter les permanences parlementaires, les manifestations le week-end, et les visites aux maires, spécificité du mandat sénatorial : « La semaine prochaine, je réserve deux jours complets pour rencontrer les maires de Haute-Garonne. » Le planning est bien rempli : « J’ai beaucoup réfléchi lorsqu’on m’a proposé de me présenter car je suis une mamie gâteau et depuis que je suis sénatrice, je ne garde plus mes petits-enfants le mercredi », confie-t-elle. « En revanche, je consacre le déjeuner du dimanche à ma famille ! » La sénatrice reconnaît que la loi sur le non cumul des mandats « peut se justifier pour les maires, mais pour les autres élus, nous avons besoin de ne pas nous couper de la base ».
« C’est le problème d’une loi en noir et blanc, la réalité est toujours plus subtile»
Etrangement, elle semble tomber d’accord avec Claude Raynal, sénateur-maire de Tournefeuille socialiste. « Comme je l’avais annoncé avant d’être élu sénateur, je vais quitter mes fonctions de maire dans les prochains mois car il est très difficile de gérer les deux fonctions, d’autant que Tournefeuille est une ville significative », explique l’élu. Sur la question du cumul des mandats, il avance un avis très nuancé : « Etre parlementaire et maire d’une petite commune, c’est admissible et même souhaitable. Pour les maires des grandes villes, cela leur permet de défendre leur territoire à Paris, ce qui n’est pas forcément choquant. Le plus complexe, c’est les villes moyennes, où le maire doit être partout.» La loi de 2017, elle, ne fait aucune nuance et s’appliquera aux autres mandats exécutifs, adjoint au maire par exemple, « là c’est excessif, c’est le problème d’une loi en noir et blanc, la réalité est toujours plus subtile», reconnaît Claude Raynal. Il compte lui-même être adjoint à Tournefeuille « pour soutenir le nouveau maire », et il restera vice-président de Toulouse Métropole ainsi que président du groupe socialiste de l’assemblée métropolitaine. Outre la problématique du cumul des mandats, le cumul des fonctions diverses et variées est une réalité. Ce sont pour la plupart des postes non rémunérés, mais qui posent la question de la disponibilité de l’élu et de la charge de travail. Le patron du PS 31, Sébastien Vincini a lui aussi un emploi du temps plus que chargé : « Tout le monde sait qu’avant 9h du matin il est impossible de me joindre. Je prends mon petit-déjeuner en famille, et j’amène mes enfants à l’école », nous confie-t-il. Une manière de protéger sa vie familiale tant le rythme est effréné. L’homme est donc à la fois premier fédéral du PS, adjoint au maire de Cintegabelle, 1er vice-président de la communauté de communes de la vallée de l’Ariège … Et depuis peu conseiller départemental, président du groupe PS au département et rapporteur général du budget. Ouf ! « Etre élu c’est avant toute chose de l’exemplarité et de l’humilité. Je vais également publier prochainement le montant de mes indemnités. C’est un souci de transparence », nous explique l’intéressé. Sébastien Vincini annonce d’ailleurs au JT qu’il a fait des choix : « On ne peut pas tout bien faire, même en bossant énormément. Tout cumuler, ce n’est pas sérieux. » D’ici quelques jours il ne sera donc plus le premier vice-président de son intercommunalité (« même si je vais garder une vice-présidence ») et adjoint dans sa commune de Cintegabelle.
Une autre personnalité cumule non pas des mandats, mais des fonctions … Jean-Luc Moudenc est donc à la fois maire de Toulouse, mais également président de la métropole et président de l’association des maires de grandes villes : « Il faut faire attention à ne pas être prisonnier des compétences de chaque collectivité. Car au final Jean-Luc Moudenc pourrait être fragilisé par leurs contraintes budgétaires, fiscales et sociales … Cela a d’ailleurs déjà commencé, on a pu le constater récemment avec l’augmentation de la fiscalité locale », analyse Stéphane Baumont. En 2020 le président de la métropole sera d’ailleurs élu pour la première fois au suffrage universel direct : « Quel pouvoir aura alors le maire de Toulouse ? » Telle est la question posée par notre politologue. Pendant ce temps-là Laurence Arribagé, Brigitte Micouleau, Claude Raynal et Sébastien Vincini vont continuer à courir.
Commentaires
BL le 20/09/2024 à 06:47
Ils peuvent dire ce qu'ils veulent, quelque soit leur bord politique : le cumul est une connerie et un manque de respect de leurs fonctions et de ceux dont ils tiennent leur légitimité.
Chaque poste au parlement et la plupart des mandats locaux nécessitent un temps plein si on veut faire correctement les choses. Et il est tout à fait possible de faire les uns après les autres pour varier les expériences.
Mais ils ont tous trop le goût du pouvoir. Ils préfèrent donc accaparer plutôt que partager.