Le préfet du Tarn, Michel Vilbois, vient d’être démis de ses fonctions par décret du Conseil des ministres. C’est ce dernier qui doit nommer un successeur. Problème : entre-temps, le gouvernement, et donc les ministres, a donné leur démission. En cette période de flottement administratif, qui pilote la préfecture du Tarn, largement mobilisée par les oppositions au projet A69, l’autoroute entre Toulouse et Castres ?
Michel Vilbois ne sera resté préfet du Tarn que quelques mois. Il s’est vu notifier la fin de ses fonctions par décret. Et si aucune justification n’est avancée officiellement, comme c’est le droit du gouvernement, son éviction intervient un mois après un audit, mené par l’Inspection générale de l’administration (IGA). Une procédure interne qui aurait été diligentée suite à des plaintes quant aux pratiques managériales du haut fonctionnaire, jugées « autoritaires et brutales », selon certains agents à l’Agence France-Presse. Allégations d’ailleurs contestées par l’intéressé. Nommé le 20 septembre 2023 en Conseil des ministres, pour succéder à François-Xavier Lauch, il quittera son poste le 22 juillet prochain, date à laquelle prend effet le décret.
Présent décret signé par Emmanuel Macron, Gabriel Attal et Gérald Darmanin le 16 juillet, et paru au Journal officiel le lendemain, comme l’exige la procédure constitutionnelle. Car le préfet est le seul haut fonctionnaire dont les compétences ont une base constitutionnelle. A ce titre, il est nommé par décret du président de la République, sur proposition du Premier ministre et du ministre de l’Intérieur. C’est ainsi que le successeur de Michel Vilbois doit être désigné. Problème : les ministres en question, et tout le gouvernement, ont eux-mêmes quitté leurs fonctions, et ce quelques heures seulement après avoir contresignés le limogeage du préfet du Tarn…
Le département du Tarn n’a-t-il alors plus de préfet ? Oui et non.
Oui, parce la fin des fonctions de Michel Vilbois est effective le 22 juillet et que « un gouvernement démissionnaire ne peut ni nommer ni révoquer de préfets (ou de directeurs d’administration centrale, de recteurs, etc) », comme l’explique Mathieu Carpentier, professeur de droit public à l’Université Toulouse 1 Capitole et codirecteur de l’Institut Maurice Hauriou. La seule compétence de l’actuel gouvernement étant de gérer « le traitement des affaires courantes jusqu’à la nomination d’un nouveau gouvernement », précisait l’Élysée. Et « le préfet entre dans la catégorie des emplois à la décision du gouvernement qui excèdent le cadre de l’expédition des affaires courantes », poursuit le constitutionnaliste. Ainsi, seul le nouveau gouvernement pourra entériner la nomination d’un préfet du Tarn. Mais, en période de cohabitation, la constitution d’un gouvernement peut prendre du temps. Il faudra donc attendre que le Nouveau Front Populaire s’accorde sur le nom d’un Premier ministre, qu’il soit accepté par le président de la République, puis que les négociations pour désigner les ministres soient terminés, pour qu’enfin un préfet puisse être envoyé à Albi. Il n’est donc pas risqué d’avancer que ce lundi 22 juillet, il n’y aura officiellement plus de préfet du Tarn.
Non, parce que, tout comme le gouvernement démissionnaire, le préfet « garde la gestion des affaires courantes tant qu’il n’est pas remplacé », commente Mathieu Carpentier. Il n’y a donc pas d’urgence à lui trouver un successeur, selon le professeur en droit public. Le seul événement qui pourrait contraindre « le gouvernement à recouvrer cette compétence et nommer un préfet en Conseil des ministres serait l’urgence. Par exemple, le décès du préfet en poste ».
Sans en arriver là, la situation reste tout de même très particulière. D’abord parce qu’une préfecture sans préfet officiel n’est pas courant. Ensuite, parce le département de la ladite préfecture est actuellement en proie à de houleuses oppositions concernant la construction de l’A69, autoroute reliant Toulouse à Castres. Régulièrement, des manifestations sont organisées par les partisans de l’abandon du projet, et Michel Vilbois est reconnu pour traiter ce dossier d’une main de fer.
En tant que préfet du Tarn, ce dernier a en effet souvent interdit les rassemblements anti-A69, sur demande du ministre de l’Intérieur, ou mis en place de lourds dispositifs sécuritaires pour les encadrer. Car, les débordements et les affrontements entre opposants et forces de l’ordre sont nombreux. Si « le préfet encore en place (jusqu’à la nomination du suivant) peut faire face à cette situation au titre de sa propre gestion des affaires courantes, les choses pourraient être différentes si de graves émeutes avaient lieu sur le chantier », explique Mathieu Carpentier. Alors, « le gouvernement pourrait affirmer que pour faire efficacement face à l’urgence il faut un préfet disposant pleinement de sa confiance », mais ce serait au Conseil d’État d’en juger la pertinence et d’en préciser les modalités. Il pourrait notamment autoriser, à titre exceptionnel, la nomination d’un nouveau préfet par le gouvernement démissionnaire pour s’assurer du maintien de l’ordre sur les lieux. Mais, selon le constitutionnaliste, le scénario le plus vraisemblable reste que « le remplacement de Michel Vilbois sera, sauf urgence, le fait du prochain gouvernement ».
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