Le 21 décembre 2023, la métropole de Montpellier lançait la gratuité totale des transports en commun. Un an après la mise en place de cette mesure, la collectivité se félicite de « l’augmentation significative de la fréquentation ». En revanche, les agents de TaM Montpellier 3M (TaM), la société publique locale de transports de l’agglomération, dressent un bilan beaucoup plus mitigé.
C’était une promesse de campagne. Depuis le 21 décembre 2023, les transports en commun de l’agglomération de Montpellier sont devenus totalement gratuits pour les habitants des 31 communes faisant partie de la collectivité. Un an après la mise en place de cette mesure, la Métropole fait le bilan. « De +24% au premier trimestre à +28% au premier semestre, la tendance continue à s’amplifier pour atteindre et dépasser les +33% après un an de gratuité. Nous dépasserons ainsi les 110 millions de voyages, contre 84 millions en 2019 (avant Covid) », détaillent Michaël Delafosse, président de Montpellier Méditerranée Métropole et Julie Frêche, vice-présidente, déléguée au Transport et aux mobilités actives.
Des chiffres qui satisfont les élus de la majorité, dont l’objectif était « d’engager concrètement la transition écologique et solidaire ». Par la généralisation de la gratuité à tous les usagers de l’agglomération, la Métropole plaide une volonté d’universalité, « cette mesure favorisant la cohésion sociale et réduisant les inégalités », de transition écologique, « les transports en commun étant plus économes en énergie que les voitures », et d’augmentation du pouvoir d’achat, « la gratuité représentant 1 470€ par an d’économie pour une famille de quatre personnes ».
« Jolie communication ! » commente Laurent Murcia, délégué syndical Force Ouvrière de la TaM, « mais sur terrain, c’est bien moins idyllique que sur le papier ». D’abord, « parce que l’usager ne s’y retrouve pas au final », estime-t-il. Selon lui, le service s’est dégradé depuis la mise en place de la gratuité : « Il faut souvent laisser passer plusieurs rames avant de pouvoir monter dans un tram car elles sont bondées », constate le syndicaliste. Il fait également état d’un cadencement moindre : « Sur la ligne 4 par exemple, il faut attendre 10 minutes (au lieu de 8 auparavant) pour voir passer une rame. » Les bus sont également concernés, notamment les lignes 7, 6, 9 et 11.
D’après Laurent Murcia, cela s’explique simplement : « Quand on veut la gratuité, il faut mettre les moyens en face, et ça n’a pas été le cas ! » Pourtant, la Métropole se défend d’avoir justement développé l’offre de transport en commun avec la construction de la Ligne 5 de tramway et l’extension de la Ligne 1, la réalisation d’une offre de bustram (bus à haut niveau de service), entraînant l’acquisition de 77 rames de tramway supplémentaires et de 70 bus électriques. Un essor que ne nie pas le syndicaliste mais il nuance : « Ces investissements ne sont consentis que pour les nouvelles infrastructures. Une centaine d’agent de la TaM ont effectivement été embauchés, mais uniquement pour la nouvelle ligne 5. Quid des autres où la fréquentation a explosé ? »
La fréquentation mais aussi les incivilités. Si la Métropole annonce « une baisse de 9,4% des incivilités entre les premiers trimestres 2019 et les trois premiers de 2024). Si le ministère de l’Intérieur communique « un nombre d’actes de vols et de violences dans les transports publics de Montpellier en baisse de 38% entre 2021 et 2022 ». Les agents de la TaM disent observer de plus en plus d’insultes aux conducteurs, de bagarres dans les rames de tram et les bus, de dégradations du matériel… C’est mathématiques ! « Quand on passe de 320 000 voyageurs par jour en 2019, à 500 000 en 2024, la probabilité que surviennent des incidents est forcément plus importante », démontre Laurent Murcia. Mais là encore, les effectifs de la police des transports n’ont pas augmenté proportionnellement. « On nous a annoncé l’arrivée de 42 agents supplémentaires, mais nous les attendons toujours », regrette le syndicaliste, qui rappelle que « c’est en occupant l’espace que l’on fait baisser les incivilités ».
Selon lui, les conditions de travail des agents de la TaM se sont ainsi dégradées en un an. « Les chauffeurs sont maintenant tellement habitués à subir les incivilités, qu’ils ne s’en plaignent plus », s’indigne FO. « Nous n’avons pas les moyens d’assurer la gratuité. Un système dans lequel on augmente significativement la fréquentation mais pas l’offre ni les effectifs ne peut pas fonctionner », poursuit le délégué syndical. D’ailleurs, il était opposé à cette mesure, comme beaucoup de ses collègues.
« Montpellier, plus grand réseau d’Europe à appliquer la gratuité des transports ». C’est l’un des slogans affiché par la Métropole, revendiquant la prouesse. Mais pour Laurent Murcia cela s’explique : « Ce n’est pas pour rien qu’aucune grande ville ne la pratique ; c’est tout simplement impossible. C’est de la poudre aux yeux. Il n’est pas possible de garantir un niveau de service convenable pour toujours plus d’usagers, sans rentrée d’argent ». La collectivité avait ainsi reconnue que la mesure génèrerait une perte de recettes annuelles d’environ 30 millions d’euros. Un manque à gagner que la Cour des comptes avait d’ailleurs pointé du doigt, notant « le manque d’anticipation » de la gratuité des transports à Montpellier. « Il aurait été plus judicieux d’opter pour une politique tarifaire sociale », avance le syndicaliste.
Le choix politique de la Métropole s’est porté sur la gratuité, « il faut maintenant l’assumer », lance Laurent Murcia, dont le syndicat demande : le renforcement, en urgence, sur la ligne 1 du tram et la ligne de bus 15, pour en augmenter les cadencements, mais également celui de toutes les lignes de tram le week-end. Enfin, le passage de deux à trois, voire quatre, agents de police par véhicule de sécurisation. Si les syndicats n’obtiennent pas gain de cause d’ici la fin des Négociations annuelles obligatoires (NAO), ils menacent de s’engager dans un conflit social.
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