Ils font rugir leurs moteurs sous les fenêtres des immeubles. Motos trafiquées, scooters sans plaques, quads en roue arrière, les rodéos urbains gagnent du terrain. Dans l’Hérault, les arrêtés municipaux, les contrôles de police et les campagnes de prévention se multiplient pour enrayer le phénomène, mais à Béziers, les adeptes de cette pratique illégale continuent pourtant d’organiser des courses. Nous avons rencontré l’un d’entre eux. Fernand est conscient des risques qu’il encourt, mais…
Parfois, c’est une ligne droite entre deux barres d’immeubles. Parfois un rond-point, transformé en circuit. Et toujours, le même rituel : moteurs qui hurlent, pneus qui fument, portables qui filment. À Béziers comme dans d’autres villes d’Occitanie, les rodéos urbains se multiplient. Environ deux courses par semaines se déroulent dans le centre-ville. Fernand, 23 ans, organise discrètement ces virées illégales en deux-roues trafiqués. Il sait qu’il risque gros, mais il continue : « Chaque nuit, c’est quitte ou double. Mais quand tu goutes à l’adrénaline, c’est mort ! Impossible de s’arrêter ! »
« Le bitume, c’est notre terrain. On n’a pas besoin d’autorisation pour exister », raconte Fernand. Les courses s’organisent dans la plus grande discrétion, via des messageries chiffrées. Les lieux ne sont jamais communiqués à l’avance pour éviter que les autorités ne s’en mêlent. Cela peut être une zone industrielle, un parking souterrain ou une route de lotissement peu éclairée.
Fernand est le seul à choisir le tracé des courses. Il repère les échappatoires et il prévient : « Pas de flingue ! Pas de bagarre ! Pas de bordel ! Juste les machines et la vitesse. Si quelqu’un veut jouer au cow-boy, il dégage. On ne veut pas de bruit inutile. » Pourtant, les moteurs hurlent dans la nuit, les riverains appellent la police, les gyrophares approchent. Certains se filment, d’autres se cachent. Quand la patrouille arrive, la course a déjà changé d’endroit.
Lorsque l’on demande à Fernand s’il sait ce qu’il risque à se faire interpeller, il répond : « Ouais, bien sûr ! Mais ça fait partie du truc. Tu fais gaffe, tu calcules. Si t’es trop lent pour tracer, tu assumes les conséquences. ». Fernand et les autres amateurs de rodéo urbain risquent jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende. Ces courses sont donc passibles de lourdes peines, surtout en cas de conduite en réunion, sans permis ou en état d’ivresse.
Mais au-delà de l’illégalité de la pratique, elle est également dangereuse. En 2023, un adolescent a été grièvement blessé à Béziers, percuté par un deux-roues lancé à pleine vitesse. Fernand ne fuit pas la question, : « C’est dramatique, évidemment. Mais ce qu’on fait, c’est encadré… à notre façon. On ne veut pas d’accidents. » Sur ce point, les autorités ne partagent pas son avis. Depuis la loi de 2018, les rodéos motorisés sont un délit. Interpellations, saisies, peines de prison. Les opérations coups de poing se multiplient dans l’Hérault et dans toute la France. Mais Fernand reste là. Il organise deux à trois courses par semaine, parfois plus.
« Je fais pas ça pour l’argent, mais c’est le seul endroit où j’ai l’impression de diriger quelque chose. Le reste du temps, je suis personne », confie Fernand. Pas de plainte. Pas de colère. Juste une phrase sèche, balancée comme une vérité qui ne cherche pas à convaincre. Pour le jeune homme, la nuit est un espace de pouvoir. Un moment où il « devient quelqu’un». « Quand j’organise une course, les gars m’écoutent. Ils m’envoient des messages pour savoir où, à quelle heure. Je suis respecté. Je décide. Je trace. »
Le jour, c’est l’inverse. Il évoque des journées vides, à la recherche d’un travail, les coups de fil qui ne répondent jamais, les petits boulots qui tombent, mais qui ne durent pas. « Le jour, j’attends. La nuit, j’agis. » Il n’y a pas de regrets dans sa voix, juste une logique, bien à lui. Mais Fernand le sait, il joue avec le feu. Mais pour l’instant, il continue de courir… jusqu’à quand ?
En 2023, la section “Sécurité du Quotidien” a été spécialement créée par la préfecture de l’Hérault pour lutter contre les actes de délinquance comme les rodéos urbains. Selon le ministère de l’Intérieur, une diminution de 22% de ces pratique a été enregistrée.
Meïssa Hadjeb
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