Une usine de paracétamol doit voir le jour à Toulouse fin 2025, mais son installation inquiète les riverains ; celle-ci est classée Seveso.
« Contribuer à l’indépendance sanitaire du pays ». C’est ce que vise l’entreprise industrielle Ipsophene avec sa future usine de paracétamol. Cette dernière devrait voir le jour sur l’île d’Empalot, l’une des îles du Ramier, à Toulouse. Une installation qui inquiète les riverains. « Le principal problème, c’est le lieu choisi », estime Jérôme Favrel, président du comité de quartier Croix de Pierre/Route d’Espagne. Cette usine sera précisément située sur une friche d’ArianeGroup, non loin d’AZF. « Je le rappelle, c’est un des sites les plus dangereux de la ville de Toulouse », souligne Jérôme Favrel. Les installations sont effectivement classées Seveso seuil haut et présentent des risques d’accidents majeurs, dont des rejets toxiques dans l’atmosphère, notamment d’ammoniac ou d’acide chlorhydrique, ainsi que l’éclatement du four, à la suite de la décomposition de perchlorate d’ammonium.« Quelle idée d’avoir voulu s’installer là », s’étonne le président du comité de quartier. Pour justifier cette implantation, Jean Boher, président d’Ipsophene, déclare : « Cette friche est idéale. Il s’agit un bâtiment pharmaceutique conçu pour faire de la production de principes actifs. Ce qui nous évite donc d’en construire un nouveau ».
Au-delà de ça, Jérôme Favrel estime que cette installation, « ajoute du risque au risque ». Cette future usine de paracétamol à Toulouse sera effectivement classée Seveso seuil bas. Jean Boher, président d’Ipsophene, concède : « le mot “Seveso” fait peur ». « Mais il faut aller regarder sa définition », déclare-t-il. Le président d’Ipsophene poursuit : « On est classé Seveso en fonction du volume de produits sur site qui sont classés comme potentiellement dangereux pour l’homme ou pour l’environnement. En ce qui nous concerne, nous avons un produit considéré comme potentiellement dangereux pour l’environnement, s’il y avait une fuite, et un autre potentiellement toxique, si on y est exposé sur une longue durée », indique Jean Boher, qui tient à préciser que la société a mis en place plusieurs dispositifs pour maîtriser le risque, notamment des couronnes d’extinction autour des cuves de stockage de matières premières. « Notre analyse de risques montre, qu’en cas d’incident, les impacts de toxicité ou de dangerosité ne dépasseraient pas les limites de notre site. Donc, quand j’entends dire que nous créons une zone de danger à trois kilomètres de la place du Capitole, c’est faux », affirme-t-il.
Cela ne convainc pas, pour autant, Jérôme Favrel. « S’il y a un incident sur le site d’ArianeGroup, les produits d’Ipsophene vont se répandre dans la Garonne et dans l’atmosphère », craint-il. Jean Boher se veut rassurant. « Nous ne sommes pas sur le site d’AZF. Nous sommes situés sur un site d’excellence où il n’y a jamais eu d’accident. C’est un site de très haute technicité et de très haute sécurité ». « Tant mieux », répond le président du comité de quartier avant d’ajouter : « Mais, jusqu’à présent, on n’avait pas ajouté de risques puisque les seuls personnels et entreprises qui interviennent sur le site en question, ce sont celles d’ArianeGroup ». Ce qui ne sera plus le cas lorsque l’usine d’Ipsophene aura lancé son activité. « Le plan de prévention des risques technologiques (PPRT, NDLR) du site interdit pourtant toute nouvelle exploitation de bâtiments existants qui ne serait pas strictement nécessaire au fonctionnement de l’usine d’ArianeGroup et qui n’aurait pas un lien direct avec l’activité industrielle du site », déplore-t-il. À cette interrogation, la préfecture de Haute-Garonne répond que « l’existence d’un PPRT n’empêche pas l’installation de nouvelles activités, si elles répondent à certaines conditions ».
Conditions qui « seront vérifiées au cours de la phase d’examen du dossier ». La préfecture doit effectivement délivrer une autorisation d’exploiter à l’entreprise industrielle pour qu’elle puisse lancer les travaux. « Une demande d’autorisation environnementale a été déposée, le 17 décembre 2024, par la société Ipsophene. Dans son dossier, le pétitionnaire doit y démontrer la maîtrise des risques et des nuisances de son projet. Cette demande est en cours d’instruction par les services de l’État », révèle la préfecture. Une phase d’examen et de consultation du projet est ensuite prévue. « Il sera soumis à l’avis des collectivités, ainsi que du public sur une période de trois mois. Le public aura ainsi accès aux éléments du dossier. La phase d’examen par les services de l’État se déroulera parallèlement à cette consultation du public. À l’issue, le préfet pourra décider de refuser ou d’autoriser l’installation avec des prescriptions pour encadrer strictement l’activité », détaille la préfecture du département. La société Ipsophene devra également obtenir le certificat de conformité à la pharmacopée européenne pour lancer la commercialisation de son produit.
Ainsi, Jean Boher estime que l’usine « devrait être opérationnelle fin 2025 » avec l’objectif de produire « 4 000 tonnes par an » de principe actif du paracétamol pour « répondre à l’équivalent de la moitié de la demande française » dès 2026. Toutefois, le comité de quartier Croix de Pierre/Route d’Espagne ne l’entend pas de cette oreille. « Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que l’usine ne se fasse pas à cet endroit », affirme Jérôme Favrel qui est en train d’étudier « tout ce qu’il est possible de faire au niveau légal, notamment en ce qui concerne le plan de prévention des risques technologiques ». « Il est certain que nous n’en resterons pas là », appuie-t-il avant de s’attrister du fait que « pour un projet aussi positif que celui d’Ipsophene, on en arrive à choisir un site pareil ». Pour information, la société souhaite « devenir un leader européen dans la production souveraine du principe actif du paracétamol, grâce à un procédé de fabrication en continu, innovant et respectueux de l’environnement ». En effet, celui-ci permet de « réduire considérablement le temps de production et les déchets ».
Commentaires