Samedi 15 avril dernier, il inaugurait le carillon manuel de l’église de Saint-Pierre des Chartreux. Mais habituellement, c’est du haut de la Basilique Saint-Sernin qu’il fait sonner la Ville rose. Les cloches lui ont fait tourner la tête, Maël Proudom est carillonneur à Toulouse.
« Et voilà , nous y sommes », s’essouffle Maël Proudom. Les quelques centaines de marches pour accéder au haut du clocher ne lui font plus peur. Les cuisses brûlent, l’escalier en colimaçon est de plus en plus étroit, les marches de plus en plus hautes. Il faut grimper à une échelle pour atteindre une trappe et enfin découvrir le spectaculaire sommet : un ciel de cloches suspendues qui laisse entrevoir une vue imprenable sur Toulouse. Nous sommes en haut de l’église Saint-Pierre des Chartreux. Maël Proudom, le carillonneur de la Basilique Saint-Sernin à Toulouse, a fait le déplacement spécialement pour le Journal Toulousain. Quelques jours auparavant, le samedi 15 avril 2023, il s’était rendu sur place pour inaugurer le carillon manuel de l’église à deux pas de la Place Saint-Pierre.
Dans la vie de tous les jours, Maël Proudom, 39 ans, est professeur d’horticulture au collège Georges Chaumeton de L’Union. Mais sur son CV, le Toulousain coche toutes les cases de l’artiste musicien. Carillonneur de la Basilique Saint-Sernin depuis 2020, président de l’association campanaire Carillon et Cloche en 31 pour la Haute-Garonne et secrétaire de l’association Carillons en Pays d’Oc qui œuvre dans tout le Sud de la France pour promouvoir l’instrument.
« J’ai toujours eu un lien avec la musique. Au départ, je suis organiste. Petit à petit je suis monté dans les clochers. J’ai découvert le carillon lors d’un stage au musée campanaire de L’Isle-Jourdain, et depuis je ne l’ai plus lâché. C’était en 2011 », se remémore le carillonneur. « J’ai suivi une formation de sept ans au conservatoire de Pamiers auprès de la maître carillonneuse Christine Vanhoutte : elle a monté la classe de carillon et diffuse son art dans tout le Sud de la France », précise-t-il. Car l’instrument est beaucoup plus démocratisé dans le Nord…
« Le carillon nous arrive de Belgique et de Hollande. Là-bas, ils jouent sur de grands carillons de quatre octaves ou plus pour faire vivre les communes. Chez nous, en pays toulousain, nous avons la particularité d’avoir des petits carillons de 10 ou 15 cloches, comme ici aux Chartreux », explique Maël Proudom en pointant du doigt le haut du clocher. Cette particularité est due au fondeur toulousain Louison. « Il a développé au XIXe siècle la fonte de tout un tas de petits carillons. Étrangement, l’endroit où on trouve le plus de carillons en France, c’est autour de Toulouse », sourit le carillonneur, « Aujourd’hui ils sont un peu tombés dans l’oubli, et moi, j’essaie de les rappeler à la mémoire des Toulousains ».
« Pour moi c’est une tradition sonore qui doit se perpétuer. C’est le patrimoine sonore d’une ville ou d’un village. Chaque cloche a sa propre sonorité, et les gens les connaissent », affirme Maël Proudom. Le carillonneur de Toulouse poursuit : « À l’époque, il existait des codifications de sonneries qui voulaient dire quelque chose, mais cela s’est perdu. Par contre, la sonorité, le timbre des cloches est toujours significatif, et c’est ça qu’il faut transmettre ». Une tradition qui perdure à travers des événements qui attirent de plus en plus de monde. L’association Carillon et Cloche en 31 organise un festival annuel : des dizaines de concerts de carillons totalement gratuits afin de mettre en valeur l’exceptionnel patrimoine campanaire du département. « L’idée est de permettre aux gens d’entendre, ou plutôt d’écouter », se reprend fièrement le carillonneur. Un public qui répond de plus en plus présent.
« Être carillonneur ce n’est pas un métier, c’est une passion. Celle de transmettre la musique des cloches. Mais ma mission ne s’arrête pas là : j’ai à cœur de transmettre mes connaissances sur l’instrument et son histoire. Nous sommes trop peu à la détenir, d’où la nécessité de la partager », est persuadé Maël Proudom.
À Saint-Pierre des Chartreux, 22 jeunes carillonneurs de la paroisse étudiante se relaient pour venir sonner les cloches deux fois par jour, tous les jours. Une motivation rassurante pour ce père de famille : « Cette transmission vers la jeunesse est une chance. Pour moi c’est un vivier de futurs carillonneurs. Ils sont à Toulouse pour leurs études mais, quand ils vont rentrer chez eux, ils auront acquis une connaissance, une sensibilisation au monde campanaire et à son histoire. Peut-être qu’une fois de retour dans leur région ils s’intéresseront aux cloches qui les entourent », espère-t-il. Il poursuit : « Ces cloches et carillons nous ont été transmis par les anciens. À notre tour de transmettre aux suivants si nous voulons que les générations futures en profitent aussi. Sinon la tradition s’oublie… Nous nous battons pour que cela n’arrive pas ! » s’encourage le Toulousain.
Mais s’il s’agissait d’une affaire de famille, la relève semble déjà être assurée. Père de deux garçons, le chemin se dessine déjà pour le plus âgé. Alban, 7 ans, prépare son premier examen de carillon, qu’il passera cette année, à la cathédrale de Pamiers, « mon carillon préféré », confie fièrement Maël Proudom.
Julie Rodriguez
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