Depuis la fin de l’année 2023, Montpellier a mis en place la gratuité des transports en commun pour ses habitants, mais pourquoi n’est-ce pas le cas à Toulouse ? Le Journal Toulousain a interrogé la Ville héraultaise et Jean-Michel Lattes, président de Tisséo, gestionnaire des bus, métros, tramways et téléphérique de la Ville rose, pour comprendre les différents choix mis en place dans ces deux métropoles d’Occitanie.
Alors que la Métropole de Montpellier a mis en place la gratuité des transports en commun pour ses habitants depuis la fin de l’année 2023, Le Journal Toulousain s’est demandé pourquoi ce dispositif n’était pas en place à Toulouse. Si la commune héraultaise est plutôt satisfaite de sa démarche, la Ville rose reste réticente à suivre le même chemin et préfère entreprendre d’autres chantiers.
Ce n’est pas un secret, la mise en place de la gratuité des transports en commun représente un investissement financier considérable. À Montpellier, la Métropole estime une perte de recettes annuelles d’environ 30 millions d’euros. Mais la collectivité reste confiante car pour compenser cette perte, elle s’appuie notamment sur le versement mobilité, une taxe prélevée sur les entreprises de plus de 11 salariés, basée sur leur masse salariale. Par ailleurs, il reste des recettes qui viennent alléger l’impact du dispositif. C’est le cas notamment des voyageurs extérieurs à Montpellier qui doivent toujours payer leurs billets. La Métropole précise : « Comme prévu, ces premiers mois de mise en place de la mesure démontrent que les projections en termes de billetterie se révèlent exactes : les recettes des ventes se maintiennent à un bon niveau : 500 000 euros par mois, soit 30% des recettes maintenues. »
De plus, sa démarche s’inscrit dans un plan global de mobilité au sein de la métropole. Au total, le territoire a investi plus d’un milliard d’euros dans les mobilités douces et la gratuité des transports, dont 440 millions d’euros pour la mise en service de la ligne 5 du tramway, 50 millions pour l’extension de la ligne 1 du tramway et 255 millions pour la mise en service de “bustram”.
Dans tous les cas, la Métropole est satisfaite de ces premiers mois de gratuité puisque l’objectif était d’attirer de plus en plus de Montpelliérains dans les transports en commun avec cette mesure. Et selon les premiers résultats, elle enregistre une augmentation significative de la fréquentation des transports en commun avec 23,7% de plus entre le premier trimestre 2019 et le premier trimestre 2024.
Mais alors pourquoi ne pas instaurer la gratuité des transports en commun à Toulouse, comme Montpellier l’a fait ? Jean-Michel Lattes, président de Tisséo, a explicité sa position en ces termes : « La gratuité, c’est un choix politique. » Il prend alors l’exemple du rapport de la Cour des Compte qui pointait du doigt plusieurs défaillances du dispositif en février 2023 telles qu’une « méconnaissance de la TaM sur le fonctionnement de son réseau » ainsi qu’une « absence d’anticipation de la gratuité des transports à Montpellier ».
Le président de Tisséo aborde également la question financière, en soulignant : « La gratuité coûterait un peu plus de 100 millions d’euros à la Métropole toulousaine par an, en sachant que quand une personne prend un bus, le prix du billet est de 3 euros, alors que le voyageur ne paye pas ce plein tarif. Les montants varient selon les revenus. Conclusion : si nous décidions de mettre en place la gratuité, nous perdrions 100 millions de recettes. C’est énorme. »
Concernant les priorités de la municipalité, il explique : « Nous préférons investir que rechercher la gratuité, comme avec la création d’une troisième ligne de métro, l’amélioration de la desserte des Linéos ou encore la mise en service du Téléo en 2022. » Il ajoute : « J’ai très peu de gens qui m’écrivent pour me dire que le bus est trop cher. J’ai beaucoup plus de courriers pour me dire que le service est insuffisant. Je lis plus souvent qu’il n’y a pas assez de bus sur telle ligne, qu’il faudrait rajouter des lignes d’un tel endroit, et cetera. »
Enfin, Jean-Michel Lattes met en avant l’aspect financier et la nécessité de maintenir des recettes stables pour assurer les investissements futurs : « La gratuité, ça n’existe pas. Cela signifie que quelqu’un d’autre paie à votre place et là, si on supprimait les recettes commerciales, il faudrait chercher les ressources ailleurs ou alors baisser l’investissement. Le seul moyen ça serait l’impôt local, c’est-à-dire les contributions des collectivités locales, et cela signifie que ce serait les contribuables locaux qui assumeraient le paiement. Cela ne changerait pas grand-chose au final. »
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