Conditions inacceptables, dossier non lu et arguments de façade… Au-delà des arguments opposés par la mairie de Toulouse pour justifier un « avis défavorable » sur le projet de ferme urbaine, l’association Natures – Pradettes dénonce le manque de « sérieux » et de « sincérité » qui fonde la position de la majorité.
« Cela fait quinze mois qu’ils disent que nous devons présenter un dossier solide et, le jour où nous avons rendez-vous pour le soutenir, ils ne l’ont pas lu », déplore Philippe Lebailly, coprésident de l’association Natures – Pradettes qui porte le projet de création de ferme urbaine dans le quartier des Pradettes à Toulouse.
En effet, que ce soit lors de la réunion organisée le 8 avril avec les élus de la majorité pour soutenir ce projet d’oasis agro-urbaine ou lors de la réception d’un courrier notifiant leur avis défavorable, les membres du collectif Natures ont été gagnés par la conviction que leurs interlocuteurs avaient enterré leur projet sans même se donner la peine de lire le dossier qui leur avait été remis la semaine précédente. Ou que ces derniers, déployant un argumentaire de façade, ont fait « volontairement l’impasse sur des éléments importants pour justifier une fin a priori de non-recevoir ».
Une accusation qu’ils justifient par une « méconnaissance surprenante » de ce document de 50 pages qui devait servir à apprécier la viabilité et la qualité du projet présenté. « Les trois élus qui étaient présents ignoraient jusqu’au nom du Centième singe. Or, cet organisme spécialisé dans l’installation des agriculteurs nous accompagne dans ce projet et a même rédigé l’un des deux documents que nous avions soumis. Nous avons été très surpris et choqués. D’autant que certains services municipaux nous ont accompagnés et ont une bonne connaissance de notre dossier », témoigne Philippe Lebailly.
« Les trois élus qui étaient présents ignoraient jusqu’au nom du Centième singe »
En outre, celui-ci affirme que les élus présents ont également découvert, lors de la réunion, le séquençage de l’installation en deux phases. Avec une première période de test devant durer trois ans avant de s’engager dans un modèle pérenne. Deux aspects pourtant fondamentaux du projet.
Par ailleurs, le collectif des Natures justifie ce sentiment de rejet a priori par le maintien d’exigences incompatibles avec la nature du projet. Notamment le rachat du terrain, pour un montant de plus de 3 millions d’euros, envisagé pour accueillir la ferme urbaine de 10 000 mètres carrés. Une condition « prohibitive », imposée dès les premières discussions avec la collectivité, que les membres de l’association ont présumé discutable. « Nous pensions que c’était une posture de communication de la mairie pour faire valoir, si elle était amenée à s’engager, de l’ampleur de l’effort fourni. Et nous étions convaincus qu’elle changerait de position si nous apportions la preuve de la viabilité de la ferme et de son intérêt pour le quartier », regrette Philippe Lebailly qui voit une forme de « sabotage » dans l’entêtement de la mairie sur ce point.
« C’est une condition discriminante qui rend, de fait, le projet impossible »
« C’est une condition discriminante qui rend, de fait, le projet impossible. Aucune des trente fermes urbaines que nous avons visitées pour nous inspirer ne fonctionne sur ce modèle », ajoute-t-il. En effet, le projet défendu par l’association Nature se fonde sur une mise à disposition gracieuse du terrain durant les trois premières années de la phase de test, puis sur la signature d’un bail rural réglementé ou emphytéotique (d’au moins 18 ans). Des alternatives non envisageables pour la mairie de Toulouse qui, de son côté, a proposé le déménagement du projet sur un autre terrain. Un dévoiement inacceptable de l’idée de base pour ses défenseurs.
« Le choix de la friche des Pradettes fait l’objet d’un argumentaire sérieux. Tout d’abord parce que ce terrain est au centre du quartier. Ce qui le rend très accessible et représente un atout indéniable pour favoriser le changement de pratiques des habitants. Par ailleurs, même si le projet de ferme était abandonné, il faut que cet espace reste un îlot de chaleur. Ce sont des enjeux environnementaux et de qualité de vie reconnus », énumère le coprésident de l’association qui rappelle que le projet de ferme permettrait à ce terrain de retrouver sa destination d’origine. en effet, avant l’expansion urbaine, ces terres constituaient la ceinture maraîchère de la ville.
Par ailleurs, les défenseurs du projet d’oasis urbaine regrettent que, dans leur réponse, les élus aient ignoré plusieurs points fondamentaux. En effet, le courrier qui leur a été adressé leur reproche de ne pas avoir « identifié un fermier chargé de l’exploitation ». Alors que l’association Natures prévoit la mise en place de deux maraîchers avec le soutien de la ‘’couveuse’’ du Centième singe, une structure spécialisée dans l’accompagnement de projets agricoles. Enfin, l’association rappelle que son projet dispose de financements nécessaires aux investissements matériels sur la ferme et d’un modèle économique jugé viable par les structures « compétentes et reconnues » qui les accompagnent.
« Même si le projet de ferme était abandonné, il faut que cet espace reste un îlot de chaleur »
Autant d’arguments que les membres de Natures récapitulent dans une lettre adressée au maire de Toulouse. Dans ce courrier, ils demande à Jean-Luc Moudenc d’ignorer ce premier avis défavorable et de trancher après « une étude sérieuse, transparente et sincère de leur dossier ». Car, selon Philippe Lebailly, ce projet de ferme urbaine à tous les atouts pour convaincre : dimensions environnementale et climatique, dynamique citoyenne, accès à une alimentation de qualité et développement des circuits courts.
Au point qu’Annette Laigneau, adjointe au maire en charge de l’urbanisme se serait inquiété de son succès. « Lors de la réunion, madame Laigneau nous a dit que si notre projet était accepté elle ne pourrait pas le refuser dans d’autres quartiers. Elle avait peur que de tels projets se propagent et de ne plus pouvoir construire » témoigne Philippe Bailly. Un motif d’inquiétude à propos duquel Annette Laigneau s’explique : « J’ai dit que j’étais témoin de demandes de comités de quartier de créer des fermes urbaines en lieu et place de projets immobiliers. J’ai ajouté que ces projets économiquement non viables ne pouvaient se réaliser. C’est pourquoi, pour le projet des Pradettes, selon un accord pris entre la collectivité, le propriétaire foncier et le concepteur de la ferme urbaine, un bilan économique devait justifier sa viabilité. » Également présent lors de la réunion du 8 avril, Christophe Alvès n’a pas de « souvenirs suffisants », selon la mairie, pour confirmer ou infirmer cette déclaration.Une inauguration symbolique
Ainsi, en attendant l’arbitrage de Jean-Luc Moudenc et afin de faire valoir la volonté des riverains de voir le projet de ferme urbaine se concrétiser à Toulouse, l’association Natures Pradettes a organisé, ce mercredi 27 avril, une inauguration symbolique de l’« Oasis de Bordeblanche » sur le site convoité. Une manifestation symbolique qui devrait être suivie d’autres actions dans les mois à venir.
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