Dans “Autopsie de l’assassin”, l’ancien gendarme Daniel Soucaze revient notamment sur sa traque du tueur en série toulousain Patrice Alègre. Une manière de rendre hommage à ses victimes et à leurs proches.
« Là où elles sont, qu’elles sachent que j’ai fait tout mon possible pour qu’on ne les oublie pas. Jusqu’à écrire le récit de leurs souffrances ultimes. Pour mieux rappeler à leurs bourreaux, à ces lâches assassins, l’indicible cruauté de leurs actes pour qu’ils ne dorment plus en paix. Jamais », écrit Daniel Soucaze en préambule de son livre “Autopsie de l’assassin” qui vient de sortir aux éditions Mareuil. Aujourd’hui à la retraite, le lieutenant-colonel a croisé la route de nombreux tueurs, dont Patrice Alègre. Pour rappel, ce dernier a été condamné à Toulouse en 2002 à la réclusion criminelle à perpétuité pour cinq meurtres, une tentative de meurtre et six viols. Daniel Soucaze a été le premier gendarme à enquêter sur Patrice Alègre qu’il a traqué de la Haute-Garonne à Paris en passant par l’Espagne et l’Allemagne.
Avec son ouvrage, il a voulu rendre hommage aux victimes de ce « tueur sadique » : Valérie Tariote tuée en février 1989, Laure Martinet en janvier 1990, Martine Matias en février 1997, Émilie Espès en février 1997, Mireille Normand en juin 1997 et Isabelle Chicherie en septembre 1997. « Patrice Alègre a fait la une de l’actualité et nous avons tendance à oublier les victimes et leurs proches », déplore le lieutenant-colonel. Daniel Soucaze a également souhaité, dans “Autopsie de l’assassin” « remettre le sujet sur le devant de la scène », alors que Patrice Alègre a la possibilité de demander la libération conditionnelle depuis 2019, et « replacer le curseur de la vérité au bon endroit ». « Au fil des années, il y a un certain nombre d’éléments diffusés aux spectateurs, dans les documentaires notamment, qui ne correspondent pas à ma vision de la vérité », estime-t-il.
En s’appuyant sur « ses notes, des articles de presse et ses souvenirs », Daniel Soucaze revient ainsi en détail sur sa traque de Patrice Alègre, à commencer par le meurtre de Laure Martinet, dont le corps a été retrouvé dans un fossé en 1990. Il s’agit alors de la première affaire criminelle du gendarme qui vient de rejoindre la section de recherches de la gendarmerie de Toulouse. Pendant plusieurs années, l’enquête pataugera jusqu’à la disparition de Mireille Normand en Ariège qui permettra d’identifier Patrice Alègre et de faire le rapprochement avec le meurtre de Laure Martinet. Commencera alors la traque du tueur en série. Mais avant cela, l’ancien gendarme sera marqué par une autre affaire : la disparition de Martine Escadeillas à Ramonville-Saint-Agne en 1986.
« Elle a, suivant les moments, accompagné de près ou de loin ma carrière », indique le lieutenant-colonel qui a effectivement travaillé en parallèle durant un certain temps sur cette affaire « totalement romanesque ». Il faut dire que celle-ci est restée non élucidée pendant plusieurs décennies jusqu’à ce qu’une amie de Martine Escadeillas désigne, en 2016, Joël Bourgeon, un ancien ami de la victime et de son compagnon, dans un courrier au procureur de la République de Toulouse. Celui-ci sera condamné à 20 années de réclusion criminelle par la cour d’assises de la Haute-Garonne en 2022. « Les affaires Laure Martinet et Martine Escadeillas m’ont profondément marquées », confie Daniel Soucaze. Celles-ci sont d’ailleurs la « colonne vertébrale » de son ouvrage.
Pour autant, l’ancien gendarme n’aborde pas uniquement ces affaires dans son ouvrage. Il évoque aussi, au fil des pages, l’envers du décor d’une enquête. « Le quotidien des affaires criminelles méritait aussi d’être raconté. Je voulais donner aux lecteurs une idée de ce à quoi nous étions confronté et de pourquoi nous avions pu marquer le pas à certains moments », déclare le lieutenant-colonel. Ce dernier a également décidé de relater d’autres affaires comme celle du « machiavélique électricien », un homme qui a tué par électrocution sa première épouse et tenté d’assassiner la seconde de la même manière pour toucher l’argent de l’assurance-vie. « Je trouvais intéressant de glisser cette histoire dans le récit. Elle a quelque chose de presque tragicomique au regard des récits assez sordides que je restitue », considère-t-il.
En effet, Daniel Soucaze n’épargne aucun détail (ou presque) au lecteur pour mieux rendre compte des « actes indicibles » commis par Patrice Alègre, mais également ceux de Pierre Bodein. Appelé Pierrot le fou, il a violé et tué Hedwige Vallée, Jeanne-Marie Kegelin, âgée de 10 ans, et Julie Scharsch, 14 ans, en 2004. Un autre tueur en série qui a croisé la route de Daniel Soucaze lorsqu’il a rejoint l’état-major de la région de gendarmerie d’Alsace en 2005. « Je ne sais pas si on trouve à tous les coins de rue un ancien officier de police judiciaire qui a côtoyé un tueur en série à Toulouse et un autre en Alsace », note le lieutenant-colonel qui ne saurait, toutefois, dire si ces rencontres l’ont transformé. En tout cas, elles l’ont intrigué.
Daniel Soucaze a ainsi été surpris par « la capacité insolente à se fondre dans la société » de Patrice Alègre. « Il y a d’un côté le violeur, le tueur et l’auteur d’actes de barbarie, que j’ai deviné au fil de mes investigations, et de l’autre, le type qui a quelque chose d’assez commun et qui est, par moment, un être humain comme tout autre», rapporte l’ancien gendarme. Mais il a tout de même du mal à comprendre comment une psychologue canadienne a pu s’éprendre de Patrice Alègre. « C’est extraordinaire qu’une fille a priori sensée, éduquée et cultivée qui a construit sa vie à plusieurs milliers de kilomètres de la France ait pu entrer en contact avec un tueur en série et en soit arrivée à tomber amoureuse de lui. Il y a des éléments qui m’échappent », avoue l’ancien gendarme.
Ainsi, il aimerait bien échanger avec cette femme pour « comprendre comment on peut se retrouver dans cette situation de proximité avec un homme pareil ». Mais avant tout, Daniel Soucaze souhaite savoir ce qu’il est advenu du corps de Martine Escadeillas, qui n’a pas été retrouvé, et que le passé criminel de Patrice Alègre soit davantage creusé. « Je fais partie de ceux qui sont convaincus que la liste de ses victimes ne s’arrête pas à celle traitée par la cour d’assises en 2002. Il y a un trou de sept ans, entre 1990 et 1997, que personne ne s’explique », indique-t-il avant de dévoiler que le pôle criminel de Nanterre a initié de nouvelles investigations sur l’affaire Patrice Alègre. De nouveaux éléments seront donc peut-être prochainement révélés…
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