Toulouse n’est pas reconnue comme une terre de jeux vidéo, contrairement à Bordeaux, où est conçu Flight Simulator, ou à Montpellier, d’où viennent les Lapins Crétins… Mais elle pourrait le devenir. Zoom sur cinq pépites vidéoludiques conçues en terres toulousaines.
À Toulouse, les ingénieurs font des avions, pas des jeux ? Alors qu’en 2021 une étude du cabinet Accenture estime le marché vidéoludique à plus de 300 milliards de recettes, soit plus que les industries du cinéma et de la musique réunies, la quatrième ville de France ne semble pas conviée à la fête. Pourtant, à quelques sorties d’autoroute de là, les Montpelliérains d’Ubisoft ont développé des jeux Rayman et ceux du studio Blue Twelve ont acquis une visibilité mondiale avec Stray, le “jeu de l’année” des Pégases 2023, les oscars du jeu vidéo. De l’autre côté de la Garonne, les Bordelais aussi font parler d’eux à l’international avec Ubisoft, toujours, et avec Asobo, l’entreprise derrière la franchise d’aviation Flight Simulator.
La Ville rose ne serait pas joueuse ? Pourtant, les travées toulousaines hébergent une vaste armada d’ingénieurs, d’écoles d’animation et d’arts visuels. Aussi, les choses pourraient changer. De nombreux programmeurs, designers, animateurs et scénaristes commencent à s’unir dans des projets locaux plus ou moins ambitieux. L’association Toulouse Game Dev œuvre même à entremêler les savoirs, les connaissances et les talents dans le but d’offrir un terreau fertile. De quoi permettre aux jeunes pousses de rester dans leur ville de cœur. Et certains embryons de réussite fleurissent déjà dans le marché du Xe art, comme l’explique Léonard Bertos, membre de cette structure associative : « Les indépendants ouvrent la voie. Ils sont notre meilleur espoir et il y a déjà de très bons exemples. » Petit florilèges de projets à suivre.
Créer un jeu vidéo, c’est gravir une montagne. Cela demande un lourd bagage de compétences en code, en graphisme, en mécaniques de jeu et souvent en narration. C’est un travail de longue haleine, qui peut durer des années avant de finir un titre prêt à être vendu. Et encore faut-il qu’il se vende. La tâche pourrait sembler impossible. Mais « rien n’est impossible quand on aime », ont pu se dire les deux développeurs de The Planet Crafter. Parce qu’Amélie Bernardi et Brice Cavallin, les fondateurs du studio Miju Games, forment avant tout un couple. Et ils ont eu la bonne idée de cimenter leur union par des projets fous : créer des univers ludiques.
Le dernier en date, The Planet Crafter donc, propose de relever un défi au moins aussi osé que le développement d’un jeu ou d’une relation : coloniser et rendre habitable une planète entière. Aujourd’hui, le soft n’est pas encore fini. Mais il est disponible en accès anticipé sur la plateforme Steam. Et c’est d’ores et déjà un succès, comme en témoignent les plus de 19 000 évaluations majoritairement “extrêmement positives” ainsi que la communauté de joueurs active sur le Discord, un groupe de discussion, de l’entreprise.
Danghost est un jeu de puzzle développé par l’équipe de joyeux drilles d’Umeshu Lovers dans le quartier de Saint-Aubin à Toulouse. Il se démarque de ses consorts par un mode multijoueurs déjanté ayant déjà séduit des dizaines de familles et d’amis lors des conventions où le jeu a été présenté. Le tout, grâce à un mode histoire léché et positif à base de petits esprits évoluant dans un univers coloré et par une direction artistique ambitieuse.
Le secret d’un tel mélange : une équipe de passionnés reconnus dans le monde entier. Sylvain Sarrailh, le co-fondateur, est un des concept-artistes les plus suivis au monde. Il figure au générique de moult blockbusters (le jeu Horizon Forbidden West, le film Super Mario Bros…) et entraîne ses équipes dans des projets aussi poussés que variés avec des commandes venant du monde entier, d’Apple à Sony en passant par l’industrie du luxe. Ils entendent s’appuyer sur un savoir-faire développé en travaillant pour le fleuron de l’industrie d’animation, du design et des jeux, pour faire de Danghost leur projet « carte de visite ». Afin de montrer leurs capacités. Et avant la sortie de Forest of Liars, un jeu narratif, créativement très recherché et particulièrement prometteur.
Chant of Sennaar, c’est l’histoire d’un petit personnage encagoulé déambulant dans les méandres d’une cité labyrinthique et mystérieuse. PLacé dans la toge de cet étranger, le joueur devra tenter de déchiffrer le langage des indigènes avec, pour toute arme, sa seule logique, un carnet et un stylo. Il s’agit là d’un jeu de réflexion et de puzzles, où s’enchaînent panneaux, discussions et symboles à décoder. L’esthétique de couleurs vives, de palmiers et d’oasis donnent même la sensation d’être un Champollion moderne. Comme si le joueur se projetait dans une civilisation égyptienne alternative et tentait de déchiffrer une Pierre de Rosette organique et numérique.
Nintendo a annoncé, ce mercredi 19 avril, une sortie pour le 5 septembre 2023 sur Xbox One, PS4, Switch et PC. Des joueurs ont toutefois déjà pu s’aventurer dans les jardins d’une citadelle à l’architecture épurée le temps d’une courte session de démo ouverte en février. Et les commentaires des premiers testeurs saluent globalement la chatoyance des dessins et la sensation de fraîcheur inhérente aux balades dans un univers inconnu. Les petits toulousains de Focus Entertainment préparent peut-être le jeu idéal des amateurs d’exploration et de linguistique.
Sandwalker n’est pas, à proprement parler, un jeu toulousain. C’est le fruit du travail des équipes du Studio Goblinz, un studio de développement français derrière le gros succès “Legend of Keepers”. Mais son écriture est en partie issue de la plume de Léonard Bertos, un écrivain d’ici. D’ailleurs, les amateurs ont pu poser leurs mains sur la démo du jeu lors du Toulouse Game Dev. L’occasion de découvrir un jeu d’aventure au tour par tour où des explorateurs traversent des environnements variés et remplis de dangers innombrables. Le tout avec des graphismes un peu old school en pixel-art très détaillés et un bestiaire rappelant les plus grandes heures des jeux de fantasy. Avec une certaine influence des jeux de rôle sur table puisque les décisions du joueurs impactent l’histoire.
D’ailleurs, la carte du jeu rappelle moult univers de science fiction aux inspirations variées comme la planète Arrakis dans Dune, Pandora dans Avatar ou la Horde du Contrevent, le livre d’Alain Damasio. Petite spécificité, le périple entrepris par le joueur sera à chaque fois différent car les embûches sur son chemin sont générées aléatoirement. Bref, une ode au voyage remplie de maintes références ayant déjà séduit toute une communauté. Le projet a déjà engrangé un enveloppe participative de 46 356 euros, une petite partie du budget global, pour une sortie prévue courant de l’année.
Encore un duo de la Ville rose, cette fois derrière l’histoire d’un Docteur aux méthodes douteuses. Maxime Foulquier et Damien James ont décidé de tout lâcher pour se lancer dans le projet de donner vie à un univers dystopique à souhait. Mais, n’étant pas du milieu, ils ont dû tout apprendre eux même, de A jusqu’à Z. Et en étudiant soigneusement chaque lettre de l’alphabet vidéoludique via des vidéos explicatives sur Youtube. Avec une telle détermination, le jeu peut-il être mauvais ? Les premières images laissent penser que non. Graphiquement et manettes en main, le soft semblait tout à fait fluide et l’histoire originale lors des premières sessions de test à la Toulouse Game Dev.
Le joueur suit les pérégrinations d’un médecin de la peste dans un univers steampunk et gothique où Napoléon III n’a jamais perdu la bataille de Sedan. Dans cette réalité alternative, une pandémie ravage Paris. En découle une atmosphère macabre et angoissante au coeur de laquelle le héros doit arracher et étudier des organes dans le but de découvrir, peut-être, un remède. Les premiers rendus ayant intrigué quelques éditeurs, ce titre et cette petite équipe, du nom de Mélancolie Diabolique, pourraient bien déceler un certain potentiel.
Adrien Pateau
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