La CPAM de la Haute-Garonne a détecté ou stoppé pour 11,98 millions d’euros de fraudes en 2024. Un montant record, en hausse de 27% par rapport à l’année précédente, porté par le renforcement des moyens humains, technologiques et judiciaires.
La lutte contre la fraude à l’Assurance maladie s’est intensifiée en 2024 en Haute-Garonne. L’organisme départemental a détecté ou empêché pour 11,98 millions d’euros d’infractions, un montant jamais atteint jusqu’à présent. Cette progression de 27% par rapport à 2023 s’explique par une stratégie renforcée, mêlant prévention, contrôles ciblés et répression accrue.
Sur le montant total, 4,6 millions d’euros relèvent de tromperies identifiées avant même le versement d’indemnités ou de remboursements. Une hausse de 25% par rapport à 2023. « Le préjudice évité est un axe prioritaire de notre stratégie », souligne Isabelle Comte, directrice de la Caisse primaire d’Assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne. Des contrôles a priori permettent d’intervenir en amont, pour stopper les paiements indus avant qu’ils ne soient effectués.
En Haute-Garonne, 27 agents travaillent dans cette lutte contre la fraude, au sein d’un dispositif associant profils administratifs et médicaux. Au niveau national, les effectifs sont passés de 1 500 à 1 600 personnes, intégrant juristes, statisticiens ou praticiens-conseils.
Comme les années précédentes, les assurés sont les plus nombreux à frauder (56,3% des cas), mais leur impact financier est moins important : 19,4% des montants détectés. En 2024, ces abus ont représenté 2,3 millions d’euros en Haute-Garonne.
Parmi elles, la fraude aux arrêts de travail prend une part croissante, avec un préjudice estimé à un million d’euros, en hausse de 22,5%. La faute notamment à des faux certificats disponibles sur les réseaux sociaux, sous forme de “kits prêts à l’emploi”. Près de 427 000 euros d’infractions liées à des arrêts fictifs ont été repérées en amont en 2024 (contre 17 500 euros en 2023). En parallèle, 187 000 euros de préjudice ont été évités grâce à des contrôles sur des assurés exerçant une activité non autorisée pendant leur arrêt.
En valeur, ce sont les professionnels de santé qui causent le plus de préjudice. Bien que représentant 27,7% des cas, ils concentrent 72,7% des montants détectés. « Cette répartition est proche de celle observée au niveau national », selon Isabelle Comte.
Les audioprothésistes sont particulièrement concernées : 1,8 million d’euros d’infractions ont été identifiés en 2024 dans ce secteur, contre 41 000 euros en 2023. Près des trois quarts de ces montants ont été stoppés avant paiement. Ces fraudes, liées à des prescriptions fictives, usurpations d’identité ou sociétés sans existence réelle, se sont multipliées avec la mise en place du dispositif “100% santé”. Celui-ci permet aux assurés de bénéficier, sans reste à charge, de soins et d’équipements pris en charge intégralement par l’Assurance maladie et les complémentaires santé.
Des contrôles renforcés ont été mis en place, notamment à l’entrée dans le conventionnement, pour vérifier les diplômes ou encore l’existence des locaux. Résultat : une centaine de créations de sociétés ont été refusées au niveau national et 29 procédures contentieuses ont été engagées en Haute-Garonne à l’encontre de sociétés d’audioprothèse.
Des médecins spécialistes (1,8 million d’euros), des chirurgiens-dentistes (1,7 million d’euros), des infirmiers (724 000 euros) et des transporteurs sanitaires (515 000 euros) ont également recours à la fraude. Les infractions les plus fréquentes vont des actes non réalisés à la falsification d’ordonnances ou de factures. La très grande majorité des professionnels de santé exercent cependant dans le respect des règles.
Après identification des abus, 400 actions contentieuses ont été lancées en 2024, soit deux fois plus qu’en 2023. La moitié sont des poursuites pénales. L’autre moitié correspond à des sanctions financières pouvant atteindre jusqu’à 300% du montant fraudé. « Pour préserver notre système de santé, il nous faut absolument avoir cette fermeté vis-à-vis des fraudeurs », insiste Isabelle Comte.
La montée en puissance des fraudes numériques, portées par des réseaux organisés exploitant les failles technologiques, est une source de préoccupation. Usurpations d’identité, création de fausses sociétés, hameçonnage ou ventes de documents falsifiés en ligne… Les pratiques se diversifient et se professionnalisent.
L’Assurance maladie doit pouvoir y faire face. En 2024, six pôles interrégionaux d’enquêteurs judiciaires (PIEJ) ont été mis en place, ainsi qu’une unité dédiée aux fraudes émergentes. Ces services sont composés d’enquêteurs expérimentés, souvent issus des forces de l’ordre, et d’agents assermentés disposent de pouvoirs de police. L’Occitanie dépend du pôle piloté par la CPAM de La Rochelle.
Ces unités traquent en priorité les escroqueries à fort impact, organisées ou utilisant de nouveaux procédés. Elles sont également mobilisées contre les abus visibles sur les réseaux sociaux ou le dark web, une partie cachée d’internet, inaccessible via les moteurs de recherches classiques. « Elles permettent de faire face à des fraudes qui s’installent sur tout le territoire et qui ne sont plus seulement locales », explique Yves Loubère, responsable du service stratégique à la direction de la Santé de la CPAM de la Haute-Garonne.
De nouveaux outils facilitent aussi la détection et la prévention. L’outil Asafo Pharma permet aux pharmaciens de signaler des ordonnances suspectes. Un système de signalement en ligne est aussi ouvert aux assurés. Par ailleurs, à partir du 1ᵉʳ juillet 2025, les arrêts maladie papier devront obligatoirement utiliser un Cerfa sécurisé.
Et bien que la CPAM dispose déjà d’outils permettant de croiser énormément de données, l’usage de l’intelligence artificielle est envisagé. « C’est un projet important qui doit se mettre en place rapidement. Mais nous devons sécuriser nos données avant toute utilisation. Nous ne les mettrons pas sur des opérateurs d’IA ouverts au public », précise Isabelle Comte. Un dispositif interne est donc en réflexion.
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