Au détour d’un chemin de campagne, dans le calme plat d’une journée printanière ou estivale, des bruits d’explosion secs et réguliers fendent l’air. Des sortes de coups de feu, parfois isolés, parfois répétés, que l’on entend dans les campagnes du Lauragais. Phénomène étrange pour les promeneurs ou les nouveaux habitants, ces détonations soulèvent des interrogations. Tirs d’armes ? Orage lointain ? Activité militaire ? La vérité est bien moins spectaculaire, mais tout aussi surprenante.
Pour qui découvre les paysages vallonnés du Lauragais à la belle saison, ou pour les nouveaux habitants, les détonations qui ponctuent le silence champêtre ont de quoi intriguer. Le ciel est dégagé, pas l’ombre d’un orage. Pourtant, une série de bruits secs, comme des coups de feu, retentit régulièrement. Les théories les plus farfelues circulent parfois : chasseurs clandestins, tirs d’essai, exercices militaires. Certains évoquent même des armes automatiques ou des pétards géants pour effrayer d’éventuels voleurs. Mais derrière ces bruits qui résonnent dans la campagne se cache une explication bien plus rationnelle.
C’est Denis, un agriculteur à la retraite installé depuis toujours dans le Lauragais, que nous avons rencontré au détour d’un champ, qui nous livre la clé du mystère. Ces bruits entendus régulièrement dans la campagne lauragaise seraient tout simplement des détonations d’effaroucheurs. « Nous les utilisons surtout pour faire fuir les palombes qui viennent détruire les plantations », explique-t-il calmement, en observant un champ voisin.
Tout commence dès le printemps, entre mi-avril et mi-juin. C’est la période de semis pour le tournesol et le soja, deux cultures particulièrement fragiles au démarrage. « Les palombes viennent manger la pousse lorsqu’elle commence à peine à sortir de la terre. Du coup, elles stoppent net la croissance des plants, faisant de sacrés dégâts sur les récoltes si nous n’agissons pas », ajoute Denis.
Et le problème ne s’arrête pas là. « Nous les voyons encore tourner au-dessus des champs au moment de la récolte des pois, fin juin, ou au moment de la récolte des tournesols, en septembre. Ces oiseaux sont malins, ils se servent directement sur les têtes mûres de tournesol ou picorent les pois. Quand nous allons dans les champs, nous constatons qu’un angle de la tête a été dévoré sur quelques centimètres. Les palombes s’étant posées sur un côté de la fleur pour déguster l’autre. »
Pour limiter ces pertes, les agriculteurs utilisent alors un dispositif aussi simple qu’efficace : le canon effaroucheur à gaz. « C’est un système de canon, relié à une bouteille de gaz de butane. Quand le gaz part, cela provoque une détonation. Cette dernière, un peu forte, vient effrayer les nuisibles », décrit Denis.
Ce système, très répandu dans la région, permet de protéger les cultures en simulant une menace sonore. Le principe est mécanique : une soupape libère le gaz, une bougie d’allumage l’enflamme, et une explosion se produit à la sortie du canon, projetant un bruit sec et puissant dans la direction voulue.
Mais les agriculteurs ne déclenchent pas ces canons à tout-va. « Le rythme des détonations peut être réglé au besoin », souligne Denis. En pratique, cela signifie que le canon peut être programmé pour faire entendre un coup toutes les 10 à 20 minutes, avec un seul ou un double “bang”. Certains modèles permettent même de varier les intervalles pour éviter que les oiseaux ne s’habituent.
L’installation suit aussi des règles précises : le canon doit être orienté à l’opposé du vent pour rester stable, et placé à bonne distance des habitations, au moins 300 mètres, afin d’éviter les nuisances sonores.
Ces détonations ne sont donc ni des armes ni des pétards. Elles sont les témoins ponctuels du travail des agriculteurs qui luttent contre des oiseaux opportunistes. Non létal et largement utilisé, ce système fait partie du paysage sonore rural. « Nous devons y faire appel, car si pour les palombes, nos récoltes sont un véritable festin, c’est une vraie catastrophe pour nous », conclut Denis.
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