Au pied des montagnes, dans les Hautes-Pyrénées, l’hiver est souvent rude. Alors, chaque solstice d’été, quand la lumière et les beaux reviennent, les 104 habitants de Jézeau célèbrent pendant trois jours “la Pantoflada” (prononcé “pantouflade”), pour remercier leurs chaussons d’avoir fait bon office durant les grands froids. Une fête insolite, dont le département a le secret, et qui cette année, se tiendra du 12 au 14 juin à La Soulane, le tiers-lieu de travail, de vie et d’expérimentation artistique du village.
Cette fête honore la “Maire Pantofla”, une déesse loufoque, gardienne des pieds au chaud et des cœurs légers. Malgré ses allures absurdes, cette célébration prend tout son sens si l’on remonte un peu dans le temps. Calqué sur la célébration païenne du solstice d’été, la pantouflade veut réinventer ce rite ancien, tout en gardant une vérité et une cohérence patrimoniale.
« La Maire Pantofle prend son rôle très à cœur. Tant qu’on ne lui rend pas hommage, elle ne part pas et le temps reste froid et maussade », confie Paulin Courtial, membre du collectif organisateur. « L’an dernier, nous avons pris la pluie durant la fête, mais, étrangement, elle s’est arrêtée au moment du rituel », se rappelle-t-il.
Car, pour que la Maire Pantofla s’en aille, il faut la jeter. Une tradition qui marque le moment phare de la fête : le lancer de pantoufles, organisé sous l’égide très sérieuse de la Fédération Occitane de Lancer de Pantoufle. Seuls les chaussons homologués par la FOLP peuvent concourir dans les différentes catégories : enfants, adultes et par équipes. L’occasion de raviver les rivalités voisines avec une rencontre inter-villages qui sera commentée en direct sur Radio País.
Mais il n’y a pas que la force du pied qui compte : la Pantoflada est aussi un terrain d’expression artistique. Une discipline freestyle (en solo ou en couple) est également au programme. Ce concours, noté par un jury local d’experts, comprend également une épreuve de customisation de chaussons qui comptera pour la note finale. Un atelier “Pimpe ta pantoufle” permettra à chacun de personnaliser la sienne à la machine à coudre.
La Pantoflada, c’est aussi des déambulations dans le village à l’atmosphère carnavalesque. Des concerts gratuits feront vibrer la vallée. Cette année, ce sont “La Mal Coiffée” (polyphonies féminines occitanes), “Papa Gahus” (rock indépendantiste bigourdan) et la “Fanfare du Dahu” qui embraseront la scène locale.
La fête se terminera dans la pure tradition pyrénéenne avec le retour des feux de la Saint-Jean pour réchauffer les pieds autant que les esprits. Une manière de ré-ancrer les anciens rites tout en y injectant « de la connerie qui fait du bien », s’amuse Paulin Courtial, également guitariste du groupe de rock occitan “CXK”. L’idée ? Allier enracinement et très grande ouverture. Bref, « faire humanité ».
La Pantoflada s’inscrit dans le cadre de Total Festum, un appel à projets de la Région qui soutient les initiatives culturelles en catalan et occitan. C’est aussi une manière d’encourager les associations à créer de la programmation artistique dans ces langues minoritaires régionales.
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