Pour informer la population quant à la contamination des sols dans la vallée de l’Orbiel, due à l’exploitation de la mine d’or de Salsigne, et mettre en place des procédures de dépollution, la préfecture de l’Aude projette la création de Secteurs d’Information sur les Sols (SIS). Au-delà de la simple sensibilisation des riverains, cette procédure induit la prise en charge de la dépollution par les propriétaires des terrains. Une manœuvre inacceptable pour les associations locales, qui dénoncent le non-respect du principe “pollueur-payeur”.
3 tonnes selon les chiffres officiels, 8 tonnes selon les associations de riverains. C’est la quantité d’arsenic charriée annuellement par la rivière Orbiel (études menées il y a plus de 10 ans) dans la vallée du même nom. Une pollution avérée qui contamine les sols de plusieurs communes situées à proximité de l’ancienne mine d’or de Salsigne, dont l’exploitation est responsable de la présence de métaux lourds dans la région. Devant l’inquiétude des habitants de la vallée, la préfecture de l’Aude prévoit la mise en place de nouveaux secteurs d’information des sols (SIS), dont la consultation publique prend fin ce samedi 15 février. Ce dispositif, instauré par la loi ALUR, consiste à identifier « les terrains où l’État a connaissance d’une pollution des sols justifiant, notamment en cas de changement d’usage, la réalisation d’études de sols et la mise en place de mesures de gestion de la pollution pour préserver la santé et l’environnement ».
Quatre secteurs d’information des sols sont d’ores et déjà actés sur le site de l’ancienne exploitation minière, mais le dépôt des sédiments généré par les crues de l’Orbiel et du Grésilhou amène les services de l’Etat à envisager l’extension des SIS. Sont ainsi concernées 10 nouvelles communes : Bouilhonnac, Lastours, Trèbes, Villanière, Conques-sur-Orbiel, Salsigne, Villalier, Sallèles-Cabardès, Villedubert et Limousis. Au total, environ 1 000 terrains pourraient être classés. Si le dispositif permet aux riverains de l’ancienne mine de Salsigne d’être informés de la pollution de leur lieu de vie, il impose également aux propriétaires des terrains concernés, de réaliser des diagnostics, et d’assurer, à leur frais, la dépollution dès lors qu’ils souhaitent vendre leur bien ou construire un bâtiment sur leur parcelle.
Et c’est bien là que le bât blesse. Selon un collectif (Terres d’Orbiel, Gratte Papiers, le Secours Catholique, l’association Henri Pézerat, l’UFC Que choisir et la Ligue des droits de l’Homme), il s’agit d’une double peine pour les propriétaires des terrains concernés : non seulement ils sont victimes de la pollution générée par l’ancienne mine de Salsigne, mais ils vont devoir assurer eux-mêmes la dépollution si leur parcelle vient à être classée en SIS. Ceux-ci « permettent surtout à l’État de limiter sa responsabilité dans la gestion de l’après-mine, transformant le principe du pollueur-payeur, en celui du tiers pollué-payeur », constatent les associations. Selon elles, suite à la fermeture de la mine en 2004, c’est le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), mandaté par l’Etat, qui est propriétaire des déchets du site depuis 2006 ; ce serait donc à celui-ci d’en assumer la gestion. « Le projet de SIS prouve que la gestion des déchets n’est pas assurée dans le respect de la réglementation applicable », dénonce le collectif.
Car, pour les propriétaires concernés, le coût de la dépollution s’élèverait à plusieurs centaines de milliers d’euros. D’autant que l’opération pourrait bien être à réitérer. En effet, les sources de pollution sont encore considérées comme étant actives. Le BRGM le reconnaît lui-même : « Les berges du Grésillou, du Rieu Sec, du Gourg Peyris et localement de l’Orbiel ont stocké beaucoup de sédiments contaminés en arsenic lors des actions de décharges des résidus et des stériles tout au long de la durée d’activité des sites. Ces berges contiennent toujours, aujourd’hui, un stock important de matériaux contaminés et riches en arsenic. Lors des épisodes de crues, elles sont érodées et remobilisent des sédiments riches en arsenic qui seront ensuite déposés dans les plaines d’inondation », expliquait-il lors de sa rencontre avec des professionnels de santé du Cabardès, le 23 janvier 2024. « Les propriétaires ne sont pas des Shadocks », fustigent les associations.
Ainsi, le collectif, qui se fait le porte-parole des propriétaires des communes concernées par un potentiel classement en SIS, s’oppose au projet de secteurs d’information des sols présenté par les services de l’Etat. « Si pour dépolluer la vallée de l’Orbiel, le préfet espère se retourner vers les propriétaires, en réponse, ces derniers n’hésiteront pas à se retourner contre le BRGM, qui agit pour le compte de l’État et avec les moyens de l’État, pour exiger que la réglementation concernant la gestion des déchets soit respectée », précise-t-il. En clair, les six associations invitent les propriétaires à se regrouper pour, si besoin, engager une action en justice.
Commentaires
ESPUCHE François le 08/02/2025 à 23:19
merci pour cet article