Ce lundi 25 novembre, les agricultrices de l’Aude ont porté leurs revendications devant la chambre d’agriculture de Trèbes, afin de dénoncer les préjugés qui persistent dans le monde agricole. Cette action vient s’ajouter aux différentes mobilisations qui ont lieu depuis plusieurs semaines en Occitanie et en France.
Rassemblements devant les préfectures, blocages de centrales d’achat comme à Saint-Sulpice-la-Pointe dans le Tarn, ou “feux de colère” comme en Haute-Garonne… Nombreuses sont les actions mises en place ces dernières semaines par les différents syndicats agricoles dans la région Occitanie. Mais parmi ces agriculteurs mobilisés, se trouvent également des agricultrices. Comme leurs homologues masculins, celles-ci participent aux manifestations afin de demander de meilleures conditions de travail et de dénoncer les accords commerciaux entre l’Union européenne et le Mercosur, traité que les agriculteurs accusent de favoriser des importations qui ne respectent pas les normes strictes imposées en Europe.
Si elles sont concernées par ces combats, les agricultrices, en tant que femmes, ont également des revendications qui leur sont propres. C’est ce que le syndicat de la Confédération paysanne de l’Aude souhaite mettre en lumière ce lundi 25 novembre à l’occasion d’un rassemblement organisé devant la chambre d’agriculture de Trèbes.
« Nous nous mobilisons pour rendre visible la place des femmes dans l’agriculture », explique Solenn Guillaume, membre de la Confédération paysanne de l’Aude. À l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, elle a participé à une action à Trèbes, aux côtés de nombreuses autres agricultrices du département, dans le cadre d’une campagne nationale qui dénoncent les préjugés persistant dans le monde agricole.
En effet, de plus en plus d’agricultrices se rassemblent au sein des syndicats pour demander « l’amélioration des droits sociaux des paysannes qui devraient garantir une meilleure qualité de vie au travail sur nos fermes, une meilleure santé et de meilleures retraites. » Car, décrites par Solenn Guillaume, leurs conditions de travail restent marquées par des inégalités persistantes et des défis spécifiques aux femmes du secteur agricole.
Selon Solenn Guillaume, bien que le congé maternité soit aligné depuis 2019 sur le régime général, avec un remplacement « à 100% pour 35 heures par semaine », « moins de la moitié des paysannes ont eu recours au remplacement pendant leur congé maternité en 2020 ». Selon l’agricultrice, cela s’explique en partie par un manque d’informations, mais surtout par la difficulté de trouver des remplaçants : « Le service de remplacement prend en charge les frais, mais il ne fournit pas toujours une personne. C’est à nous de chercher, et si nous n’en trouvons pas, nous ne sommes pas remplacées. » Alors, souvent, les jeunes mamans reprennent rapidement le travail, car les animaux et les cultures n’attendent pas.
Par ailleurs, les agricultrices de l’Aude dénoncent des discriminations omniprésentes dans le milieu agricole, où les préjugés sur les capacités des femmes restent tenaces. Solenn Guillaume souligne : « De nombreuses paysanne, en cours d’installation, entendent : “Vous êtes sûre que vous êtes capable ? C’est quand même difficile pour une femme ! ” Ce n’est pas dit de façon malveillante, mais nos compétences et facultés sont constamment remises en question. » Elle ajoute que cette méfiance s’étend également aux institutions financières : « Les banquiers ont plus peur de prêter à une femme agricultrice seule. »
Par ailleurs, dans ce milieu largement masculin, le sexisme a la vie dure. Solenn Guillaume évoque notamment un épisode marquant survenu au début de l’été 2023. Sandrine Rousseau et Marine Tondelier, deux figures nationales d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), s’étaient rendues dans l’Aude et avaient fait face à des agriculteurs remontés contre l’agribashing (critique de l’agriculture intensive). Les deux femmes avaient ainsi été prises à partie, puis insultées par les paysans en ces termes : « Va faire la soupe, salope ».
Solenn Guillaume poursuit : « En 2023, ces propos misogynes, tenus par un viticulteur, avaient déjà été dénoncés, mais ces mêmes propos ont malgré tout été repris en janvier 2024 sur des pancartes affichées publiquement lors d’une mobilisation. Nos représentants se sont fait prendre en photo devant et l’ont publié sur Facebook. » Pour elle, ces agissements démontrent la façon dont « certains hommes considèrent le rôle et la place des femmes dans l’agriculture. » Elle nuance tout de même : « Ce n’est malheureusement pas propre à l’agriculture, on le retrouve dans tous les milieux. »
Pour faire disparaître ces stigmatisations, les agricultrices de l’Aude portent plusieurs revendications :
Pour Solenn Guillaume, ces revendications sont complémentaires à celles mises en avant dans le cadre des manifestations agricoles contre le Mercosur. Et le mouvement des agricultrices ne fait que commencer : « Ce n’est pas juste une mobilisation ponctuelle. Nous voulons que les femmes soient reconnues à leur juste valeur et que leur rôle dans l’agriculture ne soit plus minimisé. Nous ne demandons pas des privilèges, juste l’égalité et le respect ! »
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