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[Tribune libre] Plusieurs associations d’Occitanie dénoncent les grands projets inutiles des collectivités
Autoroute A69, contournement routier à l’Ouest de Toulouse, tour Occitanie, LGV… Autant de projets jugés inutiles, voire même néfastes, par de nombreuses associations d’Occitanie. Elles demandent aux élus locaux, porteurs de ces programmes, d’y renoncer et de travailler sur de nouveaux modèles de mobilité et de consommation. Le Journal Toulousain leur ouvre ses colonnes pour s’en expliquer.
Nous sommes des Occitanes et des Occitans. Notre région, l’Occitanie, vacille comme les autres sous les coups du changement climatique, des pollutions, de la bétonisation, et c’est ce territoire que nous habitons, ces quartiers, ces villages, ces rivières et ces champs, ces bois et ces garrigues. C’est ici que nous tissons nos liens, que nous vivons aujourd’hui et que nous voulons vivre demain. Nous n’avons pas de plan B – et nous n’en cherchons pas – pour aller reconstruire nos vies ailleurs, à l’abri des bouleversements du monde, si tant est qu’un tel abri existe. Notre enjeu, c’est d’inventer de nouvelles façons d’habiter, de travailler, de se déplacer, de produire ce dont nous avons besoin, pour vivre ici demain, et y vivre même mieux qu’aujourd’hui.
Des élus locaux aux politiques destructrices
Mais cet espoir nécessaire bute contre un système politique local dont l’ambition n’est pas de construire un avenir vivable et désirable pour les Occitans. Devenus experts en greenwashing, se soutenant les uns les autres, verrouillant toute vision alternative, Carole Delga, à la tête de la Région, et ses amis politiques des métropoles (le socialiste Michaël Delafosse à Montpellier, le Républicain Jean-Luc Moudenc à Toulouse) et des Conseils départementaux (les socialistes Kléber Mesquida dans l’Hérault et Georges Méric en Haute-Garonne), organisent de force l’aménagement du territoire selon un modèle destructeur issu de la pensée productiviste des années 1980. Rappelons par exemple les propos de la présidente de Région à propos de l’A69 : « Cette autoroute, elle va se faire ».
Il y a quelques semaines, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) soulignait toujours plus l’urgence : il nous reste trois ans pour inverser la tendance, si nous voulons tenter de conserver une planète vivable. Trois ans, c’est très court pour inventer. Mais c’est bien suffisant pour accélérer la catastrophe.
Ces grands projets d’inutilité publiques
Pour ces trois années décisives, voilà ce que les élus en place nous ont concocté :
L’État veut construire une autoroute Castres-Toulouse payante pour une fraction de 5 640 véhicules par jour ! Tous les marqueurs vont à l’encontre d’un projet tel que cette autoroute A69 : inutile, imposée, injuste, d’un autre temps. Pourquoi ne pas regarder la vérité en face ?
Le Conseil départemental de la Haute-Garonne et Toulouse Métropole veulent construire un réseau routier de contournement à l’ouest de Toulouse (BUCSM et BUO) : 24 kilomètres de nouvelles routes, 52 hectares d’espaces naturels et agricoles artificialisés, pour un total de 276 millions d’euros.
Toulouse Métropole souhaite construire la Tour Occitanie, projet phare du réaménagement du quartier de la gare de Toulouse-Matabiau, qui devrait culminer à 150 mètres et héberger des bureaux, un hôtel, des commerces, des restaurants et des appartements haut de gamme. Il s’agit d’un projet antisocial, dont les classes populaires seront exclues. Un prélude à l’embourgeoisement du quartier.
Dans l’Aude, un projet immobilier et de golf Lacoste sur 220 hectares de terres agricoles et naturelles avec 120 villas et maisons, 168 appartements, un hôtel de 80 chambres, un héliport… Capacité d’accueil de plus de 1 000 habitants, le tout en zone de montagne dans un village de 450 habitants ! L’augmentation du trafic aérien serait inéluctable.
La Région Occitanie et l’État veulent agrandir le port industriel de Port-la-Nouvelle pour accueillir des navires plus grands, sans qu’un projet économique ne le justifie, si ce n’est importer toujours plus de pétrole, d’engrais chimiques, de bois d’Amazonie, et exporter des blés que nous ne produisons pas. Le projet fait peser un grave danger sur la biodiversité du complexe lagunaire Bages-Sigean, et détruit des centaines d’hectares de fonds marins. Ce sont également des milliers de tonnes par kilomètre de cailloux qui sont transportés quotidiennement depuis le Tarn jusqu’à la Méditerranée. Ce projet voit l’abandon d’une gestion publique au profit d’une société d’économie mixte à dominante privée.
Entre Puylaurens (Tarn) et Castelnaudary (Aude), un projet d’axe rapide assorti de deux déviations : Blan (Tarn) et Revel (Haute-Garonne). Soit l’accaparement de quelques centaines d’hectares de terres fertiles, de refuges de biodiversité, des parcelles fracturées, les paysages et le cadre de vie bouleversés.
Un projet de contournement par l’Ouest de la ville de Nîmes est récemment ressorti des cartons. Un vieux Contrat de plan État-Région d’une 2×2 voies de 12 kilomètres qui détruira la garrigue du village voisin, Caveirac. 230 millions d’euros pour saccager 140 hectares d’espaces boisés sans résoudre les problèmes d’embouteillages à l’entrée de la ville ! Un “pognon de dingue” pour appauvrir la biodiversité !
Dans les Pyrénées-Orientales, la Mairie de Codalet souhaite construire un lotissement à la sortie du village, sur 8 600 m² de terres agricoles. Les habitants s’opposent à ce bétonnage et estiment que la population locale n’a pas été informée. Ils aimeraient plutôt que le centre urbain soit rénové.
Dans les Pyrénées-Orientales, les organisations écologistes font face à de multiples projets issus d’un autre temps. À Argelès-sur-Mer, le maire Antoine Passa veut agrandir le port au mépris de zones humides et donne son feu vers à la construction de centaines de villas sur des zones boisées. A Céret, des espaces naturels encore préservés sont menacés par un projet de pont et de contournement soutenu, quoiqu’il en coûte, par le Conseil départemental. À Canet-en-Roussillon, des habitants découvrent qu’une zone arborée de 6 000 m² sera détruite pour y construire des immeubles. L’agglomération de Perpignan est défigurée par des routes et déviations de plus en plus nombreuses. Un entrepôt Amazon vient d’être inauguré dans la plaine du Roussillon et d’autres pourraient s’y implanter encore. Partout autour des villes et villages catalans, lotissements et zones commerciales grignotent les terres agricoles pour le seul profit des promoteurs immobiliers et des propriétaires, sans qu’aucune réflexion sur la qualité environnementale, la ressource en eau et l’intérêt commun ne soit menée.
En Ariège, un collectif s’oppose à la construction de l’écodomaine Coucoo sur le lac de Montbel. Les promoteurs ont promis d’investir 3 millions d’euros et de créer 14 emplois. Les opposants dénoncent une absence totale de concertation avec les habitants et plaident pour un libre accès à cet espace naturel. Ils craignent que les infrastructures nécessaires à l’hôtel (accès routier, assainissement, piscines) et la présence humaine permanente ne perturbent le fragile écosystème du lac. Ils réclament la prise en compte des avertissements de la mission régionale d’autorité environnementale concernant les dommages que pourraient causer les aménagements.
Toujours en Ariège, pour un coût de 11 à 13 millions d’euros, le détournement de la rivière Touyre pour alimenter le barrage de Montbel qui a pourtant toujours rempli son contrat pour servir l’irrigation des plaines d’Ariège, du Lauraguais et de l’Hers mort : sur 32 années, fin juin, après avoir servi à remplir le lac de la Ganguise, il est toujours resté plus de 41 millions de m3 pour la branche Hers Ariège malgré des turbinages en période de remplissage et le soutien d’étiage de la Garonne a été assuré.
La LGV Bordeaux Toulouse/Dax ou GPSO est un des plus gros projets de bétonnage d’Europe. 6 000 hectares de forêt, de champs et de zones NATURA 2000 (Ciron, Gat Mort…) détruites. C’est aussi 4,5 millions de tonnes de CO2 équivalent, rien que pour le chantier. Un impact carbone qui ne sera pas amorti avant 2060 soit bien trop tard pour limiter le réchauffement climatique. Et c’est aussi une gabegie financière sans limite. 14 milliards d’euros annoncés qui se finiront en 25 ou 30 milliards. Le collectif NINA ainsi que les autres associations se battent contre ce projet mortifère et ne lâcheront rien.
Comment alors respecter les Accords de Paris ?
La liste de ces projets destructeurs portés par les élus locaux n’est pas exhaustive. On pourrait encore parler de la réouverture de mines, la destruction de forêts entières, la création de retenues d’eau, pompée dans les nappes phréatiques, destinées au maïs et au méthaniseurs industriels, les “fermes ” photovoltaïques, les champs d’éoliennes industrielles.
Si ces projets sont menés à bien, affirmer respecter les objectifs de l’Accord de Paris et de la loi Climat et Résilience relève de la mascarade. Surtout, pensés pour la plupart il y a plus de 20 ans, ces projets d’inutilité publique détruisent nos lieux de vie et verrouillent tous nos possibles pour le seul profit des promoteurs, du BTP, des grands groupes et des plateformes logistiques.
Aussi, sur tout le territoire se poursuit le programme Grands Sites Occitanie, “mise en tourisme” de nos lieux de vie à grand renfort d’argent public. Les prix de l’immobilier explosent, le logement se raréfie au profit de la location saisonnière, sur les marchés les étals affichent des prix insolents, les zones naturelles protégées sont équipées et surfréquentées. Et dans ce marasme, les habitants sont sommés d’incarner “l’occitalité”, novlangue du Comité régional du tourisme qui, à travers le monde, court les salons pour vendre ses “destinations” à la nouvelle bourgeoisie des pays émergents. Voilà qui fera toujours plus de trafic aérien pour la région de l’aéronautique…
Exiger l’abandon de ces projets mortifères
Si l’on prône vraiment la qualité de vie et de développement de notre territoire, on doit respecter ses habitants, prendre le tournant social qui s’impose et arrêter le prétendu “développement” qui n’a pour seule valeur que l’argent. Même repeintes en vert, ces politiques d’aménagement climaticides, écocides et réactionnaires, nous n’en voulons plus ! La colonisation de nos territoires au bénéfice d’industries mortifères doit cesser. La sixième extinction de masse est largement commencée, nous seuls, citoyens responsables et déterminés pouvons la stopper.
Nous, associations et collectifs mobilisés sur nos territoires, nous réunissons pour défendre ensemble l’avenir des habitants d’Occitanie et exiger l’abandon immédiat de ces projets mortifères et l’amorçage d’une vraie réflexion de fond sur les mobilités de demain.
SOS Oulala, Axe vert de La Ramée (non au BUCSM et au BUO à Toulouse), Les Amis de la Terre Midi Pyrénées, Youth for Climate Toulouse, Extinction Rebellion Toulouse, Autre COM, Montagne Noire Avenir, Balance ton port, Caveirac Vaunage, Non à la Jonction Est à Toulouse, Union des luttes, Ici Maintenant Saint-Antonin-Noble-Val, La Voie est libre, Bourdets Protection Environnement, Habitant·es d’ici et d’ailleurs, Association de Défense du Quartier Viaduc Timbergues-Aubugues de Souillac, Confluences 81, Non au gratte-ciel de Toulouse – Collectif pour un urbanisme citoyen, Codal’Terre, À pas de loutre, Biodiversité interco Lauragais Revel Sorèzois, Association pour la protection du cadre de vie des espaces agricoles et naturels de Revel, Coordination Viure des Pyrénées-Orientales, Association Agréée pour la protection des rivières ariégeoises (APRA) “le Chabot”, Ni ici, ni ailleurs LGV et NON LGV.
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Severine Sarrat
Au journal depuis 2008, elle en connaît tous les rouages. D’abord journaliste polyvalente, puis responsable des pages économiques, elle est aujourd’hui rédactrice en chef.
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