Au cœur du quartier toulousain Fontaine-Lestang, un ancien garage au nom d’abri des plaines lointaines : Tipii, contraction des prénoms de Thibaut Nussbaumer et Patricia Motte, les hôtes de cet atelier-boutique, quasi « hutte de sudation » avec ses trente-six degrés en permanence.
Autour du four, aux allures de gros œuf métallique, Thibault Nussbaumer souffle le verre, Patricia Motte le coule. En sortent des pièces uniques : bols, carafes, verres, bougeoirs, bonbonnes, soliflores… Des objets du quotidien, utilitaires, mais non sans poésie. Ces créations épurées dessinent des collections rondes, doucement acidulées – ils aiment dire « digestes » – dans un style scandinave cher à leur cœur. Les séries Lipop, Floppy, Gobilii, Merlin côtoient de petites sculptures ironiques, comme cette délicate “Cloche en voie d’extinction”, posée sur sa souche de bois et surmontée d’un ours ultra-détaillé en pâte de verre, ou ces poissons rouges embarqués dans leur éphémère sachet d’eau douce en verre soufflé.
Après avoir fait ses armes en Norvège et au Danemark, le couple alsaco-normand, né sur les bancs de l’école du verre en Lorraine, s’est installé à Toulouse en 2017. Inspiré par la nature, sa fragilité et ses paradoxes, il entend démocratiser le verre artisanal : « Nous avions envie d’éloigner le verre du folklore touristique », explique Thibaut Nussbaumer.
« Beaucoup de gens nous demandent pourquoi nous ne participons pas aux marchés médiévaux. Parce que c’est exactement ce que nous ne voulons pas faire! En France, le verre soufflé est encore attaché à l’image d’un art que l’on regarde, pas forcément que l’on achète. Dans les pays du Nord, c’est l’inverse. A la fin de l’année scolaire, offrir à l’institutrice de ses enfants un ensemble de verres de table soufflé fait partie de la culture. » Si le coût influe sûrement, en ouvrant leur espace de création au public, Thibaut Nussbaumer et Patricia Motte ont à cœur de tout expliquer : comment ça marche et pourquoi, parfois, c’est cher.
Tipii propose des initiations à la technique du verre soufflé. Tous les mois, petits et grands peuvent s’essayer au maniement du verre en fusion, en toute sécurité. Encadré par les deux verriers passionnés, l’atelier dépasse vite le moment de découverte et offre une rencontre directe avec l’élément feu, exigeant et puissant. « Le verre ne pardonne pas », confie Thibaut Nussbaumer. « Comme nous, il est sensible et le risque de casse fait partie du jeu. »
Une philosophie de l’humilité que seuls les métiers d’art enseignent. En 2018, le souffleur de verre s’est vu récompensé par la Région Occitanie pour son travail “Rusted Days”, dans le cadre du concours Ateliers d’Art : « Je suis parti de l’idée fictive du verre qui se laisserait grignoter par le temps alors qu’il est réputé imputressible. Chaque élément de la nature a une faiblesse, c’est elle qui nous rend vivant. Travailler le verre impose un autre rapport au temps qui passe. »
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