Il y a quinze ans, à l’ouverture de sa boutique Pure Déco dans la Ville rose, Corinne Badia avait déjà senti « les prémices d’une démarche responsable » chez ses fournisseurs. Des fabricants de mobilier et d’objets déco un peu en avance sur leur temps, qui n’ont pas tous résisté au règne du plastique et du mélaminé. Aujourd’hui, en revanche, la prise de conscience tend à se généraliser. « Cette tendance s’impose progressivement depuis six à sept ans », constate Guillaume Abadie, directeur général de l’emblématique magasin toulousain Cerezo et administrateur de la Chambre régionale de l’équipement et de l’aménagement de la maison (Craem), le syndicat de la profession. « La clientèle recherche de plus en plus des produits conçus dans une démarche éthique. Les fournisseurs s’adaptent et revoient leurs habitudes. On arrête d’importer du noyer des États-Unis ou du chêne de Pologne. »
Dans ce contexte, bois, métal, lin, laine et autre coton – bio dès que possible – ont la cote. De même que le bambou pour remplacer le mélaminé, que les laques et peintures sans substances toxiques, et que de nouveaux matériaux composites issus du recyclage, notamment celui des bouteilles en plastique qui permet par exemple de fabriquer des chaises très haut de gamme. « Mais ce type de produit reste encore relativement cher », tempère Guillaume Abadie. Des propos corroborés par Corinne Badia : « Le prix reste l’un des premiers critères déclencheurs de l’acte d’achat. » Au sein d’un marché de l’ameublement estimé à près de 10 milliards d’euros par an depuis une décennie, et occupé pour moitié par les grandes chaînes, la consommation responsable ne représente donc qu’une faible part à l’heure actuelle. D’autant que nombre d’amateurs de déco ne sont pas encore prêts à renoncer à leur cher plastique, matériau lié à un émotionnel fort pour les années 1960-70.
« Nous assistons à l’émergence d’artisans de qualité dans la région »
Cependant, cet intérêt croissant pour le made in France, pour les fabricants locaux et pour les questions environnementales impacte déjà fortement le monde du design. D’une part, donc, en forçant l’adaptation de l’offre. Mais aussi en stimulant son développement. « Historiquement, l’Occitanie n’est pas une terre de fabricants de mobilier à l’exception du bassin de Revel, cité du meuble d’art. Pourtant, nous assistons aujourd’hui à l’émergence d’artisans de qualité. C’est d’ailleurs vers eux que se tournent les spécialistes de l’aménagement intérieur pour dénicher leurs dernières nouveautés », analyse Guillaume Abadie.
Le représentant du syndicat des marchands de meubles va même plus loin : « Aujourd’hui, cette tendance à l’éco-design est un véritable sujet de fond de notre métier. Elle constitue une opportunité de développement commercial. » Sous-entendu : un moyen de se démarquer des grandes enseignes. De quoi accélérer indirectement cette transition vers un univers de la déco toujours plus durable. En replongeant dans l’essence même de son métier, la gérante de Pure Déco appuie cette théorie : « Vendre un meuble, c’est aussi raconter son histoire et transmettre ses valeurs. Nous avons également pour rôle d’éduquer le consommateur. »
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