Le nom de James Colomina bruisse avec insistance dans les oreilles des amateurs d’art. Le sculpteur toulousain a déjà envahi la Ville rose de ses œuvres urbaines. Ancien prothésiste dentaire, il compte bien conquérir le monde de l’art contemporain.
Un matin encore frais de juin 2017, les Toulousains frottent des yeux fatigués en passant à côté du Pont Neuf. Dans un dégueuloir de l’ouvrage, un petit garçon assis reste impassible aux regards interloqués. C’est “L’enfant au bonnet d’âne”, premier coup d’éclat de James Colomina. « C’est un écolier puni, mis à l’écart. Il représente ces gens différents qui se sentent stigmatisés », explique l’artiste.
La statue sera volée, puis remise en place par James Colomina lui-même quelques mois plus tard. Une aventure dont les vestiges sont encore visibles dans une cour d’immeuble, boulevard de la Gare, dans l’atelier du sculpteur. Un sourire timide s’affiche sous son bonnet noir lorsqu’il regarde l’embarcation pneumatique de plage qui lui a permis de traverser la Garonne. « C’était une expédition assez sportive », lâche-t-il simplement.
Il faut dire que ses œuvres sont faites de résine époxy, assez lourde. “L’enfant au bonnet d’âne” pèse par exemple une quarantaine de kilos. Un matériau que le Toulousain de 43 ans a longtemps placé dans les sourires de ses clients. Prothésiste dentaire de formation, James Colomina est un plasticien autodidacte. « Mon cabinet était ici. J’ai arrêté en avril dernier pour me consacrer à l’art », explique-t-il. Il y a quelques années, il profite de sa maîtrise des résines, plâtres et silicones pour passer à la sculpture. Sans parcours académique, il s’inspire d’autres street-artistes comme Banksy ou Maurizio Cattelan pour délivrer ses propres messages : « Les tableaux devant lesquels tu te tords le cerveau pour brasser de l’air, ce n’est pas trop mon truc. J’aime que l’on comprenne rapidement le sens de mes œuvres », précise James Colomina, un pinceau épais à la main.
L’artiste travaille sur une nouvelle œuvre qui dénonce l’abandon des migrants en mer. L’ébauche d’un enfant allongé au sol est déjà visible. Le sculpteur fonctionne à l’impulsion. Un petit carnet rouge est d’ailleurs rempli de croquis et d’annotations, qui ont fleuri avec l’actualité : « J’utilise beaucoup de thèmes comme la mort, la solitude, l’autodestruction, pour interpeller. » Une de ses statues “L’homme au bouquet” représente un homme qui se tire une balle dans la tête, un sourire aux lèvres. Un bouquet de fleurs sort alors de l’autre côté de son crâne. Il s’agit d’un autoportrait basé sur le moulage de son propre corps. « En fait, il ne se suicide pas, il fait jaillir la création », décrit James Colomina d’une voix calme. Sa femme, ses deux enfants et quelques amis ont servi de modèles à divers avatars rouges.
Parmi la trentaine d’œuvres de l’artiste, quelques-unes squattent encore les rues toulousaines. Chaque sculpture ayant d’abord vocation à se placer au cœur de la ville : « Je les crée pour qu’elles soient visibles de tous. Le choix de cette couleur les rend immédiatement identifiables dans l’espace urbain. » Une démarche qui a attiré l’attention de la galerie Ange Basso à Paris, qui expose son travail depuis plusieurs mois. « Même à Paris, mes œuvres ne vont pas rester longtemps enfermées entre quatre murs », prévient James Colomina dans un clin d’œil.
Gabriel Haurillon