Installée à Gimont, dans le Gers, l’entreprise Despiau fabrique des chevalets pour instruments à cordes frottées de réputation mondiale. Choix des arbres, art du dessin, précision de la découpe, délicatesse du polissage : la quête de la perfection au service de la musique.
Elle n’a l’air de rien, cette petite pièce de bois percée qui soutient les cordes des violons, des violoncelles, des violes de gambe, des violes d’amour, des altos ou des contrebasses. Mais elle contribue à 20 % du résultat acoustique de ces instruments, leur conférant une couleur plus soutenue ou davantage de nervosité. C’est dire si les luthiers et les musiciens y accordent de l’importance, ce que n’ignorait pas le Gimontois Jean-Louis Despiau en créant en 1984 sa fabrique de chevalets. Lui-même violoniste et altiste, il profite de la scierie héritée de son père Marius afin d’assouvir son sens artistique. Aussi opiniâtre que perfectionniste, il arpente les salons internationaux pour vanter ses créations. L’Allemagne commence par lui ouvrir les bras, suivie par de nombreux pays. Des artistes de renom adoptent ses chevalets. En 1997, des machines à commande numérique lui permettent de découper les pièces de bois dans sa propre entreprise. La réputation du nom et du son Despiau s’envole.
Elle ne retombera pas. Forte de dix-huit collaborateurs fidèles aux valeurs fondatrices, l’entreprise déménagera l’an prochain pour doubler sa surface de travail et de stockage. Des améliorations techniques seront encore apportées ; dans la famille Despiau, on n’est pas du genre à s’endormir sur ses lauriers. Jean-Louis a pris sa retraite mais ses fils Pierre-Jean et Nicolas, escortés durant des années par leur sœur Jane, font rimer à sa suite passion et ambition. Pierre-Jean est l’amoureux des forêts. Mieux que personne, il sait débusquer les érables sycomores qui poussent dans les montagnes de Bosnie-Herzégovine. Le climat, le sol, l’exposition au soleil et au vent, la rugosité de l’écorce, les essences des arbres alentour… Tout fait signe pour interroger ce bois dont les caractéristiques premières sont d’être à la fois léger et résistant. « La forêt est le cœur de notre entreprise », déclare Nicolas qui relativise son titre de gérant : « Tout se décide avec mon frère. De toute manière, chez nous, le vrai patron, c’est le bois. »
Un patron que l’on respecte en collaborant avec des petits producteurs. « Ils travaillent avec des chevaux, ce qui évite les coupes inutiles sur le chemin. Notre volonté est d’arriver à appliquer cette devise : “Un arbre choisi, un arbre coupé”. Certains arbres dépassent les 200 ans. Ce sont des cathédrales, et nous les traitons comme telles. Ils nous permettent d’offrir de la joie aux musiciens et de l’émotion au public. » Répartis en quatre qualités de bois, les chevalets Despiau ont séduit une quarantaine de pays, avec une prédilection pour les États-Unis. Prochaine cible, l’Amérique du Sud. Ces conquistadors ne peuvent que triompher puisqu’ils possèdent deux armes fatales : l’art et la matière.
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