Le 13 avril dernier, se tenait à Toulouse un dîner-débat organisé par l’Agence de Développement Economique et Culture Nord-Sud (ADEC-NS) en présence d’Henry Marty-Gauquié. Celui-ci était invité alors qu’il venait de quitter ses fonctions après 26 ans passés à la BEI dont 12 en tant que directeur de la représentation en France. Le thème de la soirée portait sur les enjeux de la Politique européenne de voisinage (PEV) en Méditerranée, sujet brûlant dans le contexte de crise migratoire et économique actuel.
L’ex-fonctionnaire européen était déjà intervenu il y a quatre ans à Toulouse, sur l’invitation de l’ADEC-NS, pour parler des Printemps arabes. Sa compétence sur le sujet s’est forgée à travers son rôle au sein de la BEI l’ayant notamment amené à travailler sur la stabilisation des pays d’Afrique du Nord sous l’angle économique.
M. Marty-Gauquié, lui-même né à Naples, a commencé par souligner l’importance des liens qui unissent les pays du pourtour méditerranéen au regard de leur proximité culturelle et géographique en faisant l’éloge de l’« extraordinaire imbrication de cultures » au sein de la région. Il a ensuite abordé la gestion « largement imparfaite » des Printemps arabes par la communauté internationale à cause, notamment, de la situation du monde occidental alors en pleine crise financière. La grande instabilité politique et économique qui en découla fit accroître certaines tensions notamment attisées par les mouvements se revendiquant de l’islam rigoriste comme Daech.
L’exposé portait ensuite sur la réponse des institutions financières et diplomatiques pour tenter de stabiliser la région, évoquant le manque crucial d’ambition collective entre les États méditerranéens sur des sujets pourtant essentiels : sécurité, économie, développement… Il explique ainsi comment de nombreuses aides ont été délivrées de la part d’organisations comme le FMI, la Banque mondiale et la BEI sans que l’effet de levier escompté n’advienne : M. Marty-Gauquié blâme notamment la hausse de la corruption dans les pays en transition démocratique durant la période postrévolutionnaire : « le taux de corruption actuel en Tunisie est probablement supérieur au taux de corruption du temps de Ben Ali. » Ainsi s’articule le cercle vicieux : cette instabilité est elle-même un facteur de l’enlisement économique, elle explique la frilosité des capitaux européens à investir dans ces pays faute de structures politiques fiables, fragilisant ainsi l’économie et favorisant un climat de défiance de la population vis-à-vis des autorités.
Il poursuit son propos en fustigeant la vision court-termiste des états européens dans la résolution du conflit au Levant et plus largement sur la politique de voisinage à adopter. Il fait ainsi le constat d’un sérieux manque de moyens alloués à la gestion des réfugiés laissant les institutions financières et les ONG pallier au problème en finançant notamment la construction de logements et d’hôpitaux dans les pays voisins des zones de conflits.
Enfin, M. Marty-Gauquié conclut en laissant entrevoir une sortie de crise, proposant notamment une collaboration qu’il appelle « co-traitance » et qui se traduirait par la relocalisation de certaines filières d’entreprises européennes dans les pays du sud de la méditerranée. Il évoque la proximité géographique qui permettrait la mobilité des personnes et une réduction des temps de transports par rapport aux pays asiatiques mais aussi les liens historiques et culturels forts qui rendraient cette coopération plus légitime (meilleure compréhension des besoins des consommateurs, structures commerciales fortes). Cette démarche devra être accompagnée de réformes sociétales (décentralisation du pouvoir bancaire et politique, émancipation des femmes, réforme de l’éducation, lutte contre l’illettrisme, etc.) et d’un programme de développement économique intérieur via l’agriculture, à l’image du « Plan Maroc Vert » mis en place en 2008. Il rappelle la nécessité d’une juste « répartition des richesses » en cas de relance économique pour éviter de trop grandes inégalités entre régions d’un même pays : « non seulement […] par la voie de la fiscalité, mais par le développement de l’assurance et de la mutualisation ». Cependant, M. Marty-Gauquié modère son optimisme en précisant que cette transition nécessitera « au minimum deux générations » avant de pouvoir être effective.
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