Lancée en Tunisie, la Journée mondiale de la mini-jupe, qui se tient ce jeudi 6 juin, n’a pas vocation à inciter les femmes à montrer leurs jambes. Mais à rappeler leur droit à se vêtir comme elles l’entendent, sans que leur soit prêtée quelque intention que ce soit. Ni en rendre compte à qui que ce soit. Et donc à ne pas subir le sexisme ordinaire qui se niche dans tous les recoins de la société. Cette semaine, le JT l’a débusqué et a donné leur place à celles et ceux qui nous ouvrent les yeux.
©DRQuatre femmes sur dix indiquent avoir récemment été victimes d’une injustice ou d’une humiliation liées à leur sexe, selon “L’État des lieux du sexisme en France”, publié par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) en janvier 2019. « C’est une première. Jamais un tel inventaire n’avait été réalisé dans le pays », précise l’institution, dont le rôle est d’animer le débat public et d’émettre des recommandations aux autorités, qu’il s’agisse du gouvernement ou des collectivités locales. Elle définit le sexisme ordinaire comme l’ensemble des stéréotypes qui infériorisent les femmes.
Le Haut conseil souligne l’ancrage profond du phénomène dans notre société : « Il y a une invisibilisation des femmes jusque dans l’usage de notre langue, dans nos programmes scolaires ou nos références historiques. » Des normes et des marqueurs sociaux qui s’expriment dès l’arrivée d’un enfant : « Décoration de la chambre, jouets, vêtements… Très vite, les petites filles rêvent de devenir infirmières plutôt qu’astronautes. Sans que les parents ne s’en rendent compte, ils les élèveront différemment », confirme l’anthropologue toulousaine Catherine Monnot. Des stéréotypes qui ont la vie dure : « Même si les hommes s’impliquent beaucoup plus que leurs pères il y a une trentaine d’années, nous sommes vraiment très loin de l’égalité. Les femmes consacrent encore quatre fois plus de temps aux tâches ménagères et leur charge mentale est toujours beaucoup plus lourde. Le pire, c’est qu’elles ont intériorisé cet état de fait », déplore la chercheuse.
L’humour est un autre facteur de discrimination. L’analyse réalisée par le Haut conseil sur un échantillon de sketches diffusés sur de grandes stations de radio montre que plus de la moitié d’entre eux mobilise au moins un ressort sexiste : « On veut faire rire sans les femmes et contre les femmes. Elles sont le plus souvent caricaturées en personnes hystériques, sottes, sensibles, fragiles ou émotives. » Chez les Youtubeurs, la ficelle est encore plus grosse. Huit vidéos sur dix des deux humoristes français les plus populaires, Cyprien et Norman, sont taxés par le HCE de propos discriminatoires, avec des contenus particulièrement dégradants. La pratique est courante : près de 40 % des Français ont entendu, au cours de l’année 2017, une blague sexiste.
Peu visibles, les répercussions psychologiques sont bien réelles : « Les femmes se sentent dévalorisées, elles s’estiment moins. Autocensure, stratégie d’évitement… Elles sont en général contraintes de modifier leur comportement. Celle à qui l’on fait des remarques sur sa tenue va finir par s’habiller différemment », prend pour exemple le HCE. Par ailleurs, elles se retrouvent exclues des cercles de décision professionnels. Et du monde politique, où elles sont toujours largement minoritaires, 20 ans après l’instauration des lois sur la parité. »
Les spécialistes soulignent enfin qu’en matière de sexisme, aucun acte n’est anodin : « C’est une idéologie dangereuse, au même titre que le racisme ou l’antisémitisme… Dont les femmes sont neuf fois sur dix les victimes. »
Commentaires