Un chantier colossal est en cours à La Salvetat-Saint-Gilles pour sauver son château millénaire. La détermination de l’équipe municipale, le soutien des habitants, les financements publics ou privés, dont le mécénat, l’excellence des Compagnons du devoir… Tout concourt à la réussite de l’opération.
C’est grâce à son immense grue que l’on repère le chantier du château de la Salvetat-Saint-Gilles. L’édifice, lui, est en partie caché par une végétation envahissante. « En entrant dans la ville, il n’est presque pas visible, il mérite vraiment d’être mis en valeur », s’impatiente Éliane Andrau, première adjointe au maire de cette commune de 8 000 âmes. Il lui faudra attendre, car pour l’instant, la bâtisse n’est pas vraiment présentable. Inhabitée durant plus d’un demi-siècle, elle s’est lentement détériorée. La tempête Klaus l’a fortement endommagée en 2009 et la toiture de l’aile Est s’est écroulée en 2017. L’eau a eu raison des planchers, qui se sont effondrés, et partout des fissures menacent de s’élargir. « Ce château est un patient au stade critique en pleine opération chirurgicale. Il s’agit d’abord de le consolider pour le sauver », confirme Jean-Louis Rebière, l’architecte en chef des monuments historiques. En sa qualité de maître d’œuvre, il dirige depuis un an l’exécution des travaux, dont il a établi les plans et les devis.
Sa tâche est d’autant plus ardue que le site est millénaire. La citadelle a été construite au XIe siècle par le compte de Toulouse Raymond IV, qui avait trouvé là un excellent poste d’observation et de défense contre les invasions. Elle accueillera les Capitouls fuyant l’épidémie de peste de 1481, avant de devenir la demeure d’un seigneur local, puis d’être morcelée et revendue à la Révolution française. Au fil des siècles et jusqu’au XXe se sont succédés des aménagements et des reconstructions. « C’est un mille-feuille. Il y a cinq ou six châteaux qui s’empilent ici », constate en effet l’architecte en chef en montrant plusieurs fenêtres, chacune datant d’une période différente. Autant de témoignages du passé : « Ce sont nos racines, notre culture. Les gens ont besoin de s’y rattacher, alors que nous vivons une époque où les repères se perdent. Dans ces lieux, ils peuvent toucher l’Histoire, elle est concrète. » Comme ces mâchicoulis médiévaux qui courent le long d’une coursive à moitié condamnée ou ces plafonds du XVIIe siècle, peints au pochoir.
Des chefs-d’œuvre en péril placés entre les mains expertes des Compagnons du devoir. Ils échafaudent, ils étayent, ils maçonnent, ils remontent les murs et les charpentes, toujours dans les règles de l’art. « Ce sont des métiers rares qui font appel à des savoir-faire d’excellence », résume Gerrit Van Enis, chef de travaux pour l’entreprise Bourdario, une filiale du groupe Vinci qui restaure des monuments historiques dans toute l’Occitanie.
Les opérations sont suivies de près par l’équipe municipale, dont la détermination reste sans faille. C’est elle qui a décidé de racheter le château et ses 6 800 m² de terrain pour un euro symbolique, lorsqu’en 2016 les pouvoirs publics ont enjoint le propriétaire d’effectuer des réparations dont il ne pouvait pas assumer les frais. « Le combat a réellement commencé à ce moment-là. Il a fallu convaincre l’État, la Région et le Département, qui supportent aujourd’hui 80 % d’un budget d’un peu plus de 1,3 million d’euros », déroule l’adjointe à la Mairie de la Salvetat-Saint-Gilles Éliane Andrau.
Les 260 000 euros restants sont à la charge de la commune, qui a pu bénéficier de 25 000 euros grâce à sa sélection au loto de la mission Stéphane Bern et de 10 000 euros supplémentaires versés par la Fondation du patrimoine, une structure privée qui œuvre à sa préservation. Mécène, un briquetier local fournit gracieusement les centaines de mètres carrés de tuiles dont la toiture a besoin — le choix de leur modèle, le plus fidèle à l’existant, ayant été validé par la direction régionale des affaires culturelles. Enfin, des donations affluent d’un peu partout : « Nous notons un formidable élan collectif, c’est un bonheur de participer à ce sauvetage », confie l’élue. « Au final, les Salvetains seront très peu mis à contribution. Cela représente moins de 10 euros pour chacun d’entre eux pendant trois ans », assure-t-elle.
Les travaux de consolidation doivent se poursuivre jusqu’en 2021, avant une restauration qui sera ensuite bien plus longue. Celle-ci suscite des vocations chez les habitants, qui sont nombreux à s’être d’ores et déjà portés volontaires. En attendant, lors des Journées du patrimoine, la municipalité organise sur le domaine une grande présentation en image du monument, de son histoire, de son chantier et de son avenir. « Je me dis que les Salvetains vont bientôt tous devenir des châtelains ! » conclut Éliane Andrau.
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