La situation des Roms est préoccupante. Le message d’alerte émane de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) qui vient de publier, le 23 avril dernier, son 28e rapport annuel sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Avec un indice de tolérance au plus bas (37 sur une échelle de 100), la population rom occupe la place peu enviable de « minorité la plus détestée en France ».
« C’est en France qu’ils ont découvert les bidonvilles et appris à vivre dans des caravanes »
Une situation due à la persistance de stéréotypes et d’une méconnaissance de leur histoire. « Beaucoup de personnes pensent que les Roms ont l’habitude de vivre en caravane et les confondent avec les gens du voyage. Or, c’est un peuple de tradition sédentaire, majoritairement originaire de Bulgarie et de Roumanie. C’est en France qu’ils ont découvert les bidonvilles et appris à se contenter de logements aussi précaires. C’est une situation subie qui est perçue, à tort, comme un choix culturel », analyse Clotilde Bonnemason, chargée de mission au sein du collectif Romeurope.
Cette confusion entretient également de fausses représentations sur la faculté des Roms à s’intégrer. Ainsi, près de la moitié des Français considère que leurs conditions d’existence dans les camps sont le fait de leur communautarisme et de leur refus de s’adapter. Au point que Manuel Valls, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, déclarait à leur propos qu’ils « ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres et qui sont évidemment en confrontation ». Mais pour Tomaso Vitale, professeur de sociologie à Sciences Po Paris et coauteur du rapport de la CNCDH, cette prétendue incompatibilité est le fruit d’une histoire en trompe-l’œil : « Les gens qui voient une mendiante rom à un feu rouge ont l’impression qu’elle s’est toujours trouvée là. Ils ne se rendent pas compte que les populations changent. Il y a 40 ans par exemple, c’étaient des Roms bosniaques et musulmans qui fuyaient le régime yougoslave de Tito. Aujourd’hui, ils sont très bien insérés. Ils ont laissé place à des groupes qui viennent de Roumanie et qui sont perçus comme étant de la même famille, alors que ce n’est pas le cas. »
« C’est la population la plus pauvre et la plus visible »
Pour l’enseignant spécialiste des dynamiques du racisme et des politiques d’intégration, la romaphobie (attitude hostile à l’égard des Roms) est le fruit de plusieurs facteurs convergents. « C’est la population la plus pauvre et donc la plus visible. La présence de familles entières dans les bidonvilles a fortement marqué les esprits. » Un phénomène de spectacularisation de la misère qui favorise la réactivation de préjugés tenaces. « Le premier d’entre eux est celui du voleur d’enfants, dont on a connu de dramatiques conséquences en mars dernier. C’est un stéréotype sans fondements qui s’est construit au XVIIIe siècle et que l’on retrouve dans toute l’Europe », dénonce l’enseignant, qui souligne également l’influence du contexte économique.
« Certains groupes de la société française qui ont vu leur niveau de vie baisser se sont sentis menacés. La peur de perdre les ressources de l’État providence les pousse à considérer que les Roms ne méritent pas de rester en France. » Une position pourtant incompatible avec le droit, car les Roms, dont plus de 10 000 vivent dans des squats et des bidonvilles, sont des ressortissants européens.
© Le Journal Toulousain
Commentaires