L’apparition des technologies numériques a transformé notre rapport au monde et à la connaissance. Pour Emmanuel Porte, chargé d’études et de recherche à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), cette révolution technique est surtout un espace d’expérimentation pédagogique et citoyen.
« Le numérique n’est pas simplement une nouvelle thématique ou un objet d’étude original pour l’éducation populaire », relève Emmanuel Porte, chargé de recherche à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP). Celui-ci y voit plutôt une occasion pour réinventer la pédagogie et les manières de ‘’faire ensemble’’ : « C’est une nouvelle donne dans la vieille relation tripartite entre éducation, technique et citoyenneté. En effet, toute innovation est en même temps un support potentiel à la vulgarisation scientifique ainsi qu’à une réflexion critique sur notre rapport à la société. Il y a toujours une double interrogation : comment c’est fait ? Et qu’est-ce qu’on en fait ? » souligne-t-il avant d’évoquer le précédent de la radio.
« Dans les années 1970, elle a servi de support à des ateliers d’initiation à l’électronique. Mais ces derniers étaient également le lieu d’une analyse critique sur la relation à la communication et l’information. Ils pouvaient même s’accompagner d’une pratique avec les radios libres », rappelle-t-il.
Pour lui, les technologies numériques invitent à une démarche équivalente. « Les nouveaux outils, comme les imprimantes 3D, peuvent servir de base à un travail de vulgarisation scientifique et de découverte de l’informatique tout en s’inscrivant dans une discussion sur leur impact sur la société. Le numérique pose de nombreuses questions sur les données personnelles, les logiciels libres et la notion de communs (ressource partagée par tous, comme l’eau par exemple, ndlr). La démarche n’est pas la même suivant que l’on utilise des logiciels libres ou ceux produits par les géants du Net. Mener un atelier d’animation avec ces outils n’est pas neutre », fait remarquer le chercheur.
L’approche collaborative de programmes comme Wikipédia ou OpenStreetMap, un logiciel de cartographie alimenté par ses usagers, permet à tout un chacun de mettre la main à la patte et d’œuvrer au développement du projet. Que ce soit dans sa dimension technique ou par la création de contenus. « Les participants n’apprennent pas seulement à maîtriser un outil. Ils deviennent eux-mêmes générateurs de connaissance sur un territoire », insiste-t-il.
Selon lui, Internet avec son incroyable capacité de gestion et de stockage de l’information, est un vecteur de diffusion des savoirs extrêmement puissant. « Les nouvelles technologies de communication permettent de toucher plus de monde et plus largement. Mais, même si des formats comme les conférences gesticulées et les programmes de vulgarisation scientifique en ligne ont été favorisés par l’émergence des chaînes vidéos, l’éducation populaire s’accommode difficilement d’une existence purement virtuelle. Il ne faut pas perdre de vue que son objectif est de créer des espaces collectifs dans lesquels on s’éduque mutuellement. Apprendre à bricoler derrière une chaîne YouTube ne s’inscrit pas dans cette démarche tant qu’il n’y a pas un lieu où croiser des points de vue, échanger et argumenter », tempère Emmanuel Porte avant de donner le mot de la fin. « Au XXIe siècle, on ne fera pas d’éducation populaire sans numérique, mais elle ne pourra pas se résumer à ces outils. »
Biographie d’Emmanuel Porte
Historien et politiste de formation. Il est aujourd’hui chargé de recherche à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire sur les questions liées au numérique et à la société de la connaissance.
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