Vous avez un message ! Si vous vous baladez sur les réseaux sociaux ou sur les marchés, et même si vous n’avez rien demandé, difficile d’y échapper. Les prétendants au Capitole veulent vous parler. Se faire connaître, présenter leurs projets et leurs idées pour la ville. Pour cela, ils déploient beaucoup de moyens. Sans qu’on ne sache jamais avec assurance son rôle dans le sort d’une élection, la communication politique n’a jamais été aussi abondante et inspirée des stratégies commerciales. Le JT s’est glissé dans les QG de campagne des candidats pour décrypter leurs techniques de séduction.
En France, la communication politique fait, de longue date, l’objet d’un mythe nourri de slogans célèbres, d’affiches cultes ou de joutes verbales restées dans l’histoire. Souvent l’œuvre de professionnels agissant dans l’ombre pour les candidats engagés dans la course au pouvoir : Jacques Séguéla pour François Mitterand, Jacques Pailhan pour Jacques Chirac ou encore Franck Louvrier pour Nicolas Sarkozy. Des noms liés à une époque qui paraît un brin surannée aujourd’hui tant les pratiques ont évolué. « Le marketing a toujours existé, mais ces dernières années, la grande tendance, c’est la généralisation de l’application à la politique de stratégies issues du monde du commerce », observe Louis Duroulle, consultant et fondateur de l’agence Frisco.
Customer relationship management (CRM), tunnel de conversion, prospects… Le langage utilisé de nos jours par les staffs de communicants chargés de façonner l’image d’un candidat en dit long sur cette révolution : il s’agit en effet désormais de cibler les citoyens de la même manière qu’on tente de faire acheter de la lessive au consommateur. Grâce notamment à l’avènement de la fameuse ‘’data’’, soit la collecte et l’exploitation de données. « En croisant les informations issues des listes électorales, des bureaux de vote, d’adresses mail et autres fichiers, des plateformes comme Nation Builder ou The Digital box permettent, à des tarifs tout à fait accessibles, d’être beaucoup plus précis au moment de démarcher les potentiels électeurs, que ce soit via des supports numériques ou des opérations de porte-à-porte », développe Louis Duroulle.
Mais la communication est pleine de paradoxes. Aussi perfectionnés soient-ils, les outils utilisés par les candidats ne sont jamais une garantie de victoire. « Il n’y a pas de loi absolue. L’objectif d’une campagne est avant tout de souder son camp puis, éventuellement, de convaincre des indécis. Un message ne peut passer que lorsque son récepteur est déjà prédisposé à y croire », analyse Jérémie Nollet, maître de conférence à Sciences Po Toulouse. Selon lui, il faut aussi distinguer les scrutins : « Pour des élections municipales, la difficulté réside dans le fait de jongler entre ses positions sur des thèmes généraux de société et les problématiques locales. L’autre grande différence est l’inégalité de moyens entre les candidats. Sur le plan national, tout le monde est surarmé. ».
« La politique reste avant tout une activité humaine »
De fait, en matière de communication, tous les prétendants au Capitole ne sont pas logés à la même enseigne. Un handicap pour certains, mais qui ne s’avère pas rédhibitoire selon Louis Duroulle : « Fort heureusement, bien que l’on ne puisse plus imaginer une campagne sans outils numériques, la politique reste avant tout une activité humaine et une bonne idée ou un projet fort, parviendra toujours à se frayer un chemin jusqu’à l’électeur », assure-t-il. Pour autant, quel que soit son camp, on consacre sans cesse plus de temps, d’énergie et d’argent à la manière dont on fait passer le message.
Commentaires