Hébergement, scolarisation et emploi. Pour Louis Bourgois, chercheur au sein du laboratoire de sciences sociales Pacte, ces nécessités basiques sont un préalable à un accompagnement social de qualité.
Après des années de politiques essentiellement tournées vers l’expulsion et le démantèlement des bidonvilles, les pouvoirs publics intègrent, depuis quelques années, une dimension sociale et un accompagnement individualisé dans leur approche de la question des Roms. « Il est très important d’impliquer les personnes concernées. Trop souvent, les dispositifs et réponses publiques sont élaborés sans prendre en compte la parole, le choix et les stratégies des premiers intéressés. Ce qui peut mener à une inadaptation des actions à leurs besoins », rappelle Louis Bourgois, chercheur au sein du laboratoire de sciences sociales Pacte.
De plus, pour le sociologue, ces textes nationaux donnent de grandes orientations et ont une valeur incitative, mais sont peu contraignants. Alors, sur le terrain, où chaque collectivité développe ses propres solutions, les situations sont très disparates. « Très schématiquement, il existe deux approches. Certains territoires mettent en place des dispositifs spécifiques, tels que les villages d’insertion ou les sites d’hébergement temporaires (voir page 7). Mais ces projets, conçus comme des sas vers d’autres alternatives pérennes, sont en général transitoires et dérogatoires au droit commun. D’autres élus privilégient l’accès direct au logement qui est alors considéré comme un préalable à l’insertion et non plus comme son aboutissement », détaille le chercheur.
« Cette dernière option est la plus intéressante même si elle peut être vue, à priori, comme plus compliquée et plus coûteuse à mettre en place. Elle permet de résoudre plus vite les problèmes de grande précarité et de diminuer rapidement les phénomènes de stigmatisation et de discrimination, qui sont de véritables freins à l’insertion », argumente Louis Bourgois qui insiste sur l’importance d’inscrire cet accompagnement dans la durée.
« Quand une famille est relogée, elle peut disparaître du radar des dispositifs d’aide spécifique. Or, pour conserver son domicile, il faut être solvable. Avec l’emploi se joue la question des revenus, mais également celle des droits qui en découlent : sécurité sociale, CAF, etc. »
Pour le chercheur, si le logement est un enjeu primordial, l’éducation et l’accès au travail représentent deux autres aspects fondamentaux. «Il faut développer les dispositifs comme celui mis en place par le collectif #EcolePourTous qui ont l’intérêt d’être animés par des jeunes, issus des bidonvilles et qui ont eux-mêmes subi le phénomène d’exclusion scolaire. Aujourd’hui, grâce à ce type de projet, les enfants de la deuxième ou troisième génération accèdent aux droits communs. À commencer par l’apprentissage de la langue », souligne le sociologue qui relève également les efforts de médiation à mener pour favoriser l’accès à l’emploi.
« Malgré le fait que les Roms soient reconnus pour leur qualité professionnelle dans certains métiers, leur mauvaise réputation reste un frein. Il faut sensibiliser et former les recruteurs et les travailleurs sociaux pour déconstruire les préjugés », conclut-il.
Il réalise actuellement une recherche doctorale sur les politiques locales ciblant les familles européennes précaires vivant en squats et bidonvilles. Il est membres de divers réseaux de recherche dont “Aux frontières du sans-abrisme”, et le programme Margin. Il fait également partie du collectif Soif de connaissances.
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