Visages tuméfiés par les stigmates d’une rage insensée, récits d’agressions à coups de batte de baseball… Autant de témoignages de personnes LGBT passées à tabac pour un baiser, un geste tendre ou un look marginal. Suite à l’agression d’une jeune Toulousaine, Jean-Luc Roméro, maire-adjoint du 12e arrondissement de Paris, a lancé un appel pour faire de la « lutte contre les LGBTphobies » une grande cause nationale en 2019. Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat en charge de la Lutte contre les discriminations, a présenté, ce lundi 28 novembre, une série de mesures en conseil des ministres. Le JT donne la parole aux acteurs de terrain. Et s’en fait une fierté.
En 2017, l’association SOS Homophobie a recensé 1 650 témoignages d’actes homophobes en France, dont 139 agressions physiques. Selon la plupart des enquêtes, une personne LGBT sur deux a déjà été violentée. La situation dans le reste du monde n’est pas plus glorieuse avec 76 pays qui punissent l’homosexualité, parfois avec la peine capitale. Après un pic spectaculaire en 2013, provoqué par la loi sur le mariage pour tous, toutes les associations de prévention et de lutte contre l’homophobie s’inquiètent d’une recrudescence et d’une aggravation de la violence des actes homophobes.
« Ces chiffres ne sont que la partie visible de l’iceberg. Ce n’est rien comparé à la réalité car beaucoup de gens se taisent par peur de représailles. La majorité des agressions sont liées à l’entourage -parents, voisins ou collègues de travail- et s’inscrivent dans une logique de harcèlement quotidien », alerte Jérémy Perrard, le délégué territorial de SOS Homophobie en Midi-Pyrénées.
« La majorité des agressions sont liées à l’entourage »
Ce fossé entre les chiffres et les faits complique l’analyse. Cette recrudescence est-elle un trompe-l’œil dû à la généralisation des dénonciations ou à une réelle banalisation de l’agression homophobe ? Pour le représentant de l’association, il est impossible de trancher. « La multiplication des témoignages sur les réseaux sociaux a permis de mettre un visage sur l’horreur et de libérer la parole. Mais, dans le même élan, les gens n’hésitent plus à répandre leur haine sur Internet. »
Selon lui, les violences à l’encontre des personnes LGBT n’ont pas non plus diminué dans l’espace public. « S’embrasser ou se tenir par la main est encore compliqué. Cela peut être vécu comme une prise de risque », déplore-t-il. SOS Homophobie récence même des cas dans des services publics de la santé et de l’éducation. « C’est intolérable en 2018, car ce sont des secteurs qui ont un rôle d’accompagnement. Il faut former les professionnels. Surtout le corps enseignant parce que les premières victimes se trouvent dans les collèges où l’on ne stigmatise pas assez les insultes homophobes. »
« Pour 50 % des gens, il est plus acceptable d’avoir un enfant homophobe qu’homosexuel »
Pour Daniel Borillo, professeur de droit à l’origine du ”Manifeste pour l’égalité des droits”, l’émergence d’une violence homophobe reflète paradoxalement une certaine reconnaissance de l’homosexualité. « Les personnes agressées ou discriminées se sentent enfin légitimes pour porter plainte et s’adresser aux institutions. Il y a un renversement des représentations. Ce n’est plus l’homosexualité qui est perçue comme un problème mais l’homophobie. Les violences fonctionnent comme un retour de bâton dû à la sortie de l’ombre. Plus on avance dans l’égalité des droits, plus on constate de violences et de discrimination. »
Daniel Borillo et Jérémy Perrard s’accordent pour dire que les débats sur le Pacs ou sur le mariage pour tous ont provoqué une décomplexion de la parole et du sentiment homophobe. « Les mobilisations de la Manif pour tous ont rendu audible un discours contre l’égalité, en apparence libéré de l’étiquette homophobe », précise le juriste qui considère que, « pour la moitié des gens, il est toujours plus acceptable d’avoir un enfant homophobe qu’homosexuel ».
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