La tendance s’installe durablement au pied du sapin : de plus en plus de cadeaux sont de deuxième main. Anthropologue et spécialiste de la consommation, Dominique Desjeux décrit ce phénomène dont les racines sont autant économiques qu’écologiques.
Attention, un cadeau d’occasion ne s’offre pas à la légère. Pour qu’il plaise, plusieurs facteurs doivent absolument être pris en compte. Et en premier lieu sa nature. Cela peut être « un objet chiné, patiné, empreint d’histoire ou d’amour, qui aura plus de valeur que s’il sortait d’un magasin », explique l’anthropologue Dominique Desjeux. Ou bien un produit high-tech (hi-fi, DVD ou jeu vidéo) d’occasion, toujours en tête des reventes, « parce qu’ils ne portent pas une grande charge affective ».« L’important c’est qu’ils fonctionnent ». En revanche, le spécialiste de la consommation conseille d’opter pour du neuf lorsqu’il s’agit d’offrir un vêtement, le dernier Goncourt ou un outil de bricolage… Tout dépend bien sûr aussi du destinataire, le cadeau étant « un indicateur de la distance qui nous sépare de celui qui le reçoit. Selon que celui-ci est un être proche, un membre de la famille ou un collègue de travail, le plaisir sera différent », précise-t-il. En la matière, le risque est donc plus grand de décevoir son conjoint que son voisin.
Selon l’enquête 2017 d’OpinionWay pour PriceMinister Rakuten, les 18-34 ans seraient bien plus enclins que les plus de 50 ans à offrir un cadeau de seconde main, « du moment qu’il plaît ». De même que les provinciaux par rapport aux Parisiens : « On observe à la fois un clivage générationnel et géographique. Mais ces indicateurs renvoient surtout à une question de baisse de pouvoir d’achat, qui touche davantage les jeunes, en province, avec des revenus faibles », décrypte Dominique Desjeux, qui étudie le porte-monnaie des Français depuis plus d’un quart de siècle. En 2009, lui et son équipe s’étaient intéressés aux effets de la crise économique, débutée un an plus tôt, sur nos habitudes de consommation : « Nous avions alors constaté le boom du marché des objets d’occasion, avec la multiplication des vide-greniers par exemple. Et les reventes de cadeaux en ligne après Noël devenaient une tendance de fond. C’était tout à fait nouveau. »
À l’époque, la plupart des transactions avaient lieu sur eBay, une plateforme dépassée depuis par Leboncoin. Internet, facilitant la circulation des objets, a largement amplifié « un phénomène profond, qui en dit beaucoup sur notre société » et a changé les mentalités : « Aujourd’hui, il n’y a plus rien de honteux à offrir un cadeau d’occasion », assure Dominique Desjeux, qui y voit même une solution pleine de sens, puisque « cela permet, sans même s’en rendre compte, de pratiquer l’économie circulaire, à l’heure où la raréfaction des ressources doit nous inciter à être plus économes dans nos modes de consommation. » Le professeur émérite à la Sorbonne suggère enfin « d’enchanter ses cadeaux de Noël d’occasion : il suffit pour cela de mettre en avant sa démarche environnementale plutôt que ses problèmes d’argent », conclut l’anthropologue.
Anthropologue, professeur émérite à la Sorbonne – Université Paris-Descartes, Dominique Desjeux a publié de nombreux ouvrages, dont le dernier s’intitule ‘’L’empreinte anthropologique du monde’’, chez Peter Lang.
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