Au début du mois, 200 élus d’Occitanie étaient réunis à Carcassonne pour un séminaire sur la revitalisation des centres-villes. Cette problématique fait l’objet de toutes les attentions. Certains se vident de leurs habitants, d’autres de leurs petits commerces… La plupart sont menacés, à plus ou moins longue échéance, de perdre leur âme. Opérations de redynamisation, développement culturel, édiles engagés, le JT a arpenté les ruelles piétonnes pour recenser les stratégies gagnantes.
©Lionel AllorgeD’un côté, des périphéries couvertes de lotissements neufs et de zones commerciales rutilantes. De l’autre, des centres où fleurissent les trompe-l’œil pour masquer des vitrines à l’abandon et des façades d’immeubles fatiguées. À quelques centaines de mètres de distance, le contraste est saisissant. Et le constat est le même partout en France : les cœurs des villes moyennes se meurent. Pour Franck Gintrand, délégué de l’Institut des Territoires et auteur de l’ouvrage “Le jour où les zones commerciales auront dévoré nos villes”, le pêché originel remonte à l’après-guerre. « La France est un des pays qui s’est urbanisé le plus tard, le commerce n’était pas adapté au développement des communes. Il a fallu créer des équipements dans la précipitation et les hypermarchés sont nés, une invention bien française », raconte celui qui est aussi directeur du cabinet Global Conseil.
Problème : sur des zones conçues pour des activités nécessitant beaucoup de place, sont arrivés depuis des commerces de détail ainsi que des services publics. Coûts d’installation moins chers et surfaces plus grandes, accès et parking faciles et gratuits… « Tous les lieux accueillant du public se sont mis au modèle de l’hypermarché », résume Philippe Estèbe, géographe spécialiste de l’aménagement du territoire. « Et le paradoxe, c’est qu’en piétonnisant leurs rues pour améliorer le cadre de vie, les villes moyennes n’ont fait qu’accentuer le phénomène .»
Visible à l’œil nu, la sinistrose se traduit en chiffres. Dans les cœurs des aires urbaines de moins de 200 000 habitants, on compte en moyenne une boutique fermée sur sept. « Aujourd’hui, seulement 37 % des achats se font en centre-ville », rappelle Franck Gintrand. Et malgré une offre saturée, les zones commerciales ne cessent de se développer en périphérie. Chaque année, leur superficie progresse de 3 à 4 % quand la hausse de la consommation ne dépasse pas 1 %. « Elles ne sont pas connectées aux besoins du marché, mais à la concurrence. C’est une course folle qui nuit à l’intérêt général », lance-t-il. Selon lui, la mobilisation du gouvernement sur le sujet ne servira à rien tant que le décret permettant aux préfets de prendre un moratoire ne sera pas effectif
« Une course folle qui nuit à l’intérêt général »
Car, sur la question du logement aussi, le combat est inégal. « Grâce notamment aux programmes de défiscalisation, on construit du neuf à tour de bras, bien plus vite que l’on ne rénove l’ancien », observe Philippe Estèbe. Pour ses travaux de recherche, le géographe a étudié les villes moyennes de l’ex-région Midi-Pyrénées. Et a également effectué des comparaisons avec des pays européens peu concernés par la dévitalisation des centres. « Les communes ont une marge de manœuvre stratégique pour s’en sortir et certaines y arrivent », en déduit-il. « Mais quand rien n’est fait, c’est notre conception du lien social qui est menacée par la périphérisation ». Autres conséquences, selon lui : l’augmentation du recours à la voiture et des temps de déplacement ou encore la privatisation progressive de l’espace public. « Il se peut que le phénomène touche aussi les métropoles d’ici 10 à 15 ans. On peut être une immense commune comme Toulouse et avoir un centre-ville inexistant. »
[gview file=”www.lejournaltoulousain.fr/wp-content/uploads/2019/10/Infog-centre-ville.pdf”]
Sources : Banque BPE, Insee, Fédération nationale de l’immobilier, Institut CSA.
Commentaires